Sur les chaumes, les dégâts des sangliers sur les pâtures et la consommation d'herbe par les cervidés menacent l'approvisionnement en fourrage local des producteurs de munster fermier, qui risquent de ne plus pouvoir satisfaire au nouveau cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée.
Chaque matin, Vincent Minoux ne peut que constater les dégâts. Et les mottes de terre fraîchement retournées ne mentent pas, pendant la nuit, des dizaines de sangliers sont venus labourer ses pâturages, sur les hauteurs du Bonhomme (Haut-Rhin), à la recherche de vers et de racines. Des dégâts qu'il estime à plus de 4 hectares depuis le début de l'automne sur les 18 que lui et son épouse exploitent pour leur production de munster fermier.
Des dégâts aux conséquences dramatiques pour son exploitation fromagère. D'abord parce que le coût de la réparation des pâturages endommagés n'est pas entièrement couvert par les compensations octroyées par le fond d'indemnisation de la chasse.
Ensuite parce que ces réparations prennent du temps, au moins trois ans, pour que la flore reprenne racine correctement, et que les sangliers eux, ne laissent aucun répit aux pâtures. Enfin, parce que les semences utilisées pour revitaliser ces pâturages ne sont pas originaires du massif, et risquent donc à terme de modifier le goût du produit fini, le munster.
4 hectares de pâturages endommagés sur 18
Alors Vincent Minoux le sait, il va quand même devoir faucher ces pâturages endommagés, avec les risques que cela comporte. Une partie du fourrage sera souillé par de la terre, et les vaches refuseront de le manger. Plus grave, elles risquent d'ingérer des bactéries présentes dans le sol, et néfastes à la production laitière, comme des spores butyriques, qui créent des poches de gaz dans les fromages, ou des listeria, qui rendront le fromage impropre à la consommation.
Et les sangliers ne sont pas les seuls animaux sauvages contre lesquels doivent se battre les éleveurs de montagne. Le gibier rouge, cerfs et biches, est aussi un gros consommateur de fourrage. Au printemps 2017, par celles témoins à l'appui, Vincent Minoux a estimé à 30% ses pertes de fourrage dues à la consommation des cervidés.
Au final, entre les dégâts de sanglier et la consommation du gibier rouge avant la fauche, les pertes de Vincent Minoux ont été telles qu'il a dû acheter 50% du fourrage que consomment ses vaches en hiver. Or le nouveau cahier des charges de l'appellation d'origine protégée du munster imposera aux producteurs d'utiliser 70% de fourrage local dans l'alimentation de leur bétail. Une exigence qui risque d'être difficile à satisfaire dans beaucoup d'exploitations.
Des lots de chasse trop grands, des gestionnaires peu présents
Car Vincent Minoux n'est pas le seul éleveur du massif touché par cette prolifération du gibier. Sur les hauteurs de Sainte-Marie-aux-Mines, de Munster, de Masevaux, des éleveurs de montagne rapportent des dégâts de sangliers en augmentation.Et à chaque fois la cause désignée est la même : des lots de chasse trop grands, pour des gestionnaires trop peu présents pour réguler efficacement la prolifération du gibier sur le massif. Autour de la ferme de Vincent Minoux, par exemple, trois lots de chasse sont détenus par le même gestionnaire, pour une surface totale de près de 2000 ha. Alors, malgré plusieurs interventions des lieutenants de louveterie depuis l'automne, les dégâts s'accumulent.
Pour la coordination rurale, comme pour le syndicat des producteurs de munster fermier, il est donc urgent d'accroître la pression sur les gestionnaires des lots de chasse concernés, et à l'avenir, de réfléchir à limiter la taille des lots pour permettre une meilleure régulation de la population de sangliers et de cervidés.