En pleine sécheresse hivernale, alors que les nappes phréatiques sont déjà basses, les agriculteurs doivent revoir leurs modes de fonctionnement. La recherche d'autonomie en eau et l'adaptation des cultures s'accélèrent sous la pression du réchauffement climatique.
Nicolas Petitjean est éleveur à Laronxe en Meurthe-et-Moselle. Dans son cheptel, 80 vaches laitières, des génisses et des veaux, autant d'animaux qu’il faut nourrir et abreuver au quotidien. Mais avec le dérèglement climatique, ces gestes fondamentaux sont de plus en plus difficiles à assurer.
Pour nous qui travaillons avec du vivant ce changement climatique est brutal, il faut désormais s'adapter en permanence, les anciens repères n'existent plus
Nicolas Petitjean, éleveur
L’été dernier comme de nombreux confrères, il a vu ses pieds de maïs brûler au soleil lors d’une sécheresse historique. Autant d'alimentation en moins pour ses vaches. A la fin de l’été, l'éleveur a dû se séparer de 10 % de son cheptel pour stabiliser ses coûts de production. Pour moins subir, l’éleveur a depuis procédé à des changements sur son exploitation :
"A la place du maïs, j’ai planté de l’herbe sur plusieurs parcelles, du trèfle et du ray-grass que l'on va récolter en mai et en juin. Les quantités seront moindres mais je suis sûr d'avoir du fourrage pour mes bêtes", explique Nicolas Petitjean.
Planter moins de maïs c'est une des solutions privilégiée par les agriculteurs mais c'est aussi moins de rendements au final. Pour Laurent Rouyer, président de la chambre d'agriculture de Meurthe-et-Moselle, l'accompagnement des agriculteurs dans ce changement climatique doit être personnalisé :
"les terres sont très différentes d'une exploitation à l'autre, entre les argiles et le plateau lorrain, et même d'une parcelle à l'autre. Nous faisons vraiment du cas par cas pour accompagner les agriculteurs dans cette adaptation nécessaire en leur proposant une rotation des cultures en fonction de leurs réserves hydriques". Parallèlement, la chambre d'agriculture poursuit également ses expérimentations de plantations de sorgho et de méteil (un mélange de céréales), moins gourmands en eau et en intrants.
Un changement brutal, une adaptation constante
Ce qui pénalise le plus notre éleveur de vaches laitières, c'est la perte de repère avec des sécheresses qui peuvent désormais survenir à n'importe quelle saison. C'est le cas en cette fin février 2023, avec 32 jours consécutifs sans pluie et des nappes phréatiques qui ne sont pas rechargées en eau.
"Pour nous qui travaillons avec du vivant ce changement climatique est brutal, il faut désormais s'adapter en permanence, les anciens repères n'existent plus" se désespère l'exploitant.
Comme l'indique la carte ci-dessous, l'année 2022 a battu des records de chaleur en Meurthe-et-Moselle. La température annuelle est la plus élevée depuis l'installation des stations météos de Nancy. Le record du manque de précipitation reste à ce jour 1949 pour la station météo de Nancy Essey.
La quête de l'eau
Trouver de l'eau pour abreuver ses animaux est une préoccupation constante pour notre producteur de lait qui a repris l'exploitation de ses parents. Le puit historique qui affiche déjà un niveau très bas en cette fin d'hiver ne suffisait plus. "Comme pour la nourriture, il nous faut sécuriser notre approvisionnement en eau, avec le forage que je viens de faire creuser, je vais assurer une autonomie en eau à l'exploitation" nous explique Nicolas Petitjean qui a besoin de 3 à 4000 m3 d'eau par an pour abreuver ses bêtes et nettoyer l'étable.
Le forage agricole est un système de plus en plus prisé par les agriculteurs qui s'inquiètent de la raréfaction de la ressource en eau. Il est très réglementé : "six mois de démarches administratives ont été nécessaires avant que la foreuse ne vienne creuser à trente mètres de profondeur, pour moi c'est un investissement essentiel pour que je puisse continuer mon activité", précise l'éleveur.
Sujet clivant, le stockage des eaux de pluie fait actuellement débat dans notre société, en particulier via les projets de méga-bassines. De nombreux agriculteurs souhaiteraient pouvoir collecter les eaux de pluie hivernales excédentaires pour assurer leur survie. Mais pour les scientifiques et les défenseurs de l'environnement, la ressource en eau doit rester accessible à tous.
Des mares pour la biodiversité
Des initiatives qui allient préservation de l'environnement et besoin agricole existent. Preuve en est avec la création de mares dans l'exploitation de Laurent Rouyer (président de la chambre d'agriculture de Meurthe-et-Moselle) à Essey-et-Maizerais dans le Parc Naturel Régional de Lorraine.
"Il s'agit d'un partenariat, le Parc Naturel Régional aménage les mares, nous n'avons pas la compétence pour ça et nous avons un accès à l'eau pour nos vaches qui paissent dans les prés. Les mares sont clôturées, les animaux ne les abiment pas, la biodiversité est préservée et avec un système de pompe, les vaches peuvent s'abreuver elles-mêmes, c'est un deal gagnant gagnant" s'enthousiasme l'agriculteur. Au total deux mares vont être restaurées et deux autres crées sur l'exploitation.
L'agriculture une solution d'avenir
En pleine crise climatique, énergétique et Ukrainienne qui impacte directement les exploitants, les agriculteurs veulent montrer qu'ils sont aussi une part de la solution pour l'avenir.
"L'agriculture peut être une vraie solution dans ce dérèglement climatique, il faut que les politiques l'intègrent et qu'ils nous soutiennent. Avec nos plantes, on contribue à capter le carbone et on commence à avoir une vraie expertise pour conseiller nos agriculteurs à de bonnes pratiques" insiste Laurent Rouyer.
De son côté Nicolas Petitjean, le producteur de lait Meurthe-et-Mosellan, espère qu'il ne devra pas à nouveau réduire son quota de vaches laitières en cas de nouvelle sécheresse. En France le cheptel bovin pour la production de lait a baissé de 8% en 2022.