Coronavirus : les abeilles volent de leurs propres ailes, les apiculteurs s’adaptent

La météo leur est favorable, les ventes directes également mais les apiculteurs lorrains doivent aussi traverser la crise du coronavirus. En ce mois d'avril, mesures sanitaires, marchés fermés et transhumances rythment leurs quotidiens.

La santé, Adeline Raguin connaît bien. Son mari est dentiste, elle a été son assistante pendant plusieurs années avant de concrétiser son projet en 2011: devenir apicultrice.
Installée dans le sous-sol de la maison familiale à Villey Saint Etienne près de Toul, son exploitation est fermée au public depuis le début du confinement.
"Je ne fais plus rentrer personne, ce qui me pose problème parce que je faisais des ventes et des dégustations ici, mais c’est comme ça, on s’adapte" glisse-t-elle naturellement. On devine le sourire derrière le masque FFP2, "périmé, il doit dater du H5N1, mais c’est mon souci principal, la sécurité sanitaire. Avant, on faisait déjà très attention, là, c’est encore renforcé".

Elle ne plaisante pas: masque, gants, gel hydro-alcoolique et de l’eau de Javel pour désinfecter tout ce qu’elle touche, et qui pourrait l’être par d’autres, même la poignée du portail qui ouvre sur ses ruches, en plein milieu de la forêt!
"On ne sait jamais, si quelqu’un passe par là, je suis ultra-vigilante". Comme ses collègues, elle attend les masques commandés par son syndicat, la Fédération Régionale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FRSEA) Grand Est, en lien avec la Chambre d’Agriculture, "j’espère qu’ils vont vite arriver, je ne voudrais pas que des apiculteurs soient forcés de travailler sans protection".

Printemps

Adeline Raguin travaille seule sur son exploitation de 200 ruches actuellement, 250 en plein été. Enfin, presque seule, puisqu’elle peut compter sur ses millions d’abeilles, "parce que moi je ne sais pas faire le miel, ce sont elles qui travaillent !". Sa première récolte de printemps est bien partie, celle qui mêle cerisier, merisier, saule, pissenlit, érable et colza: "on ne sait jamais trop ce qu’on a, mais ce sont les fleurs et les essences qu’on trouve le plus en ce moment, ensuite on aura l’aubépine qui viendra se rajouter".
Grâce à la météo favorable, les abeilles sont très actives, les cadres se remplissent, l’apicultrice doit rucher tous les jours pour récolter le miel. En mai, elle ira transhumer vers l’acacia, "à quelques dizaines de kilomètres d’ici, mais je ne vous dirai pas où, on n’aime pas trop révéler nos emplacements", plaisante-elle. Heureusement, la transhumance des ruches est autorisée, sans ça, impossible d’obtenir du miel d’autres fleurs, de faire du châtaignier en juin par exemple.
"Tant que la transhumance n’est pas remise en cause, on devrait pouvoir travailler correctement, j’ai des collègues par exemple qui vont jusqu’en Haute-Saône, et moi je vais dans les Vosges avant l’été, donc c’est primordial pour nous de pouvoir circuler".

Marchés et concurrence déloyale

Elle n’a pas l’habitude de se cacher derrière son petit doigt: sa situation personnelle est bonne, "parce que je n’ai pas mis tous mes œufs dans le même panier, je fais beaucoup de ventes en direct, je me suis organisée pour faciliter la vente en ligne, et je ne dépends pas trop de la restauration, donc ça va, comme j’ai du stock de la saison 2019, je n’ai pas à me plaindre". D’autant que la fermeture des frontières et la limitation des importations à cause des difficultés de transport, favorisent la consommation et la vente de miel local, "une aubaine" pour les apiculteurs du Grand Est, les troisièmes producteurs en France.
Mais tout n’est pas rose pour autant: ceux qui possèdent de grosses exploitations, jusqu’à 500 ruches, sont souvent tenus par des contrats d’approvisionnement avec de gros volumes, pour la restauration ou les grossistes. L’arrêt de ces activités va peser sur les trésoreries, "mais aussi la concurrence déloyale des apiculteurs non-professionnels qui peuvent en profiter pour écouler des produits à des prix cassés, alors que nous sommes tenus par nos charges et nos coûts d’exploitation à des tarifs forcément plus élevés que ceux des amateurs".

Le ton de la présidente de la Commission Apicole de la FRSEA Grand Est est ferme: "nous n’avons rien contre ceux qui ont quelques ruches, et font du miel par passion, mais ceux qui écoulent plusieurs tonnes sans supporter nos charges et contraintes, on ne peut pas les laisser faire, surtout en ce moment où les exploitations agricoles en général souffrent".

Le ciel s’assombrit un peu. Pas assez pour Adeline, qui file vers le rucher suivant, soigner son cheptel. Et récolter son miel de printemps.
 
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