Jean-Yves Ducret a conçu et customisé des guitares pour les plus grands groupes de rock de la planète comme Motorhead et ZZ Top… Pendant le confinement, il a fermé son atelier bois et métal pour se replier chez lui, où il poursuit son activité. Car les commandes continuent à arriver.
Depuis le début du confinement, ses enfants sont dans ses jambes toute la journée. "J’avais l’habitude d’être seul dans mon atelier, aujourd’hui c’est l’inverse ! Mes enfants viennent sans cesse me voir, ils veulent bricoler avec moi" glisse-t-il avec malice.
Avant la guitare, Jean-Yves Ducret menait une vie tranquille de technicien dans une entreprise d’équipements pétroliers. Jusqu’à ce que l’entreprise cesse ses activités et qu’il se retrouve au chômage. Fan de guitares, métalleux sans cheveux, il a hérité d’un solide pedigree : son arrière-grand-père avait fondé une entreprise d’ébénisterie à Fléville en Meurthe-et-Moselle, reprise plus tard par son grand-père et son père. Il y a cinq ans, lorsqu’il s’est lancé à son tour dans le bois et les cordes, il s’est naturellement installé dans l’atelier de son aïeul.
Customisation
Pour se démarquer dans un marché de niches déjà bien encombré, l’artisan a d’abord commencé par proposer des pickgards en acier (plaque de protection sous les cordes, qui permet de protéger le corps de la guitare des coups de médiators). Selon la technique de la gravure à l’eau-forte, il a dessiné et conçu plusieurs centaines d’accessoires personnalisés pour les modèles les plus courants du monde de la guitare, "avec une préférence pour la Telecaster, qui est ma forme de guitare fétiche. Par forcément celle que j’aime le plus pour jouer du métal, mais c’est celle qui offre le plus grand nombre de possibilités pour la customisation" explique l’autodidacte. Un pickgard sur mesure par Jean-Yves c'est à partir d'une centaine d'euros.Sans magasin, il vend via internet et les réseaux sociaux. La demande se fait pressante, et le fils d’ébéniste, qui n’avait jamais envisagé de reprendre l’activité de sa famille, commence à monter des guitares, "d’abord en achetant des kits prêts à monter, et puis comme j’avais le matériel de mon père à la maison, je me suis lancé, ça a pris rapidement".
Léon
Son premier modèle custom est né il y a deux ans. Baptisé "Léon", en référence à son arrière-grand-père, le pionnier de la famille. Le bois dont il se sert a vieilli pendant cinquante ans au grenier. "J’en ai d’ailleurs reçu deux en commande depuis le début du confinement, et une customisation de guitare complète" résume Jean-Yves Ducret. Prix du modèle de base, environ 2000 euros, et ça peut monter en fonction de la peinture, des options, des micros etc.Le gros changement depuis le 15 mars, c’est l’abandon de son atelier métal et bois, pour se replier chez lui, à Dombasle : "ma compagne travaillait, plus d’école pour les enfants, j’ai passé la première semaine à faire l’instituteur, ça ne m’a pas déplu, au contraire". Il a dû tout réinstaller dans le petit atelier au fond du jardin, qui lui servait à finaliser ses montages, et aussi à dessiner les premières esquisses. Le tout dans quelques mètres carrés : "c’est pas évident, parce que je dois mêler une activité qui génère de la poussière, des copeaux, avec une autre qui doit rester très propre. Donc, gros boulot de préparation et de nettoyage à chaque fois, mais je m’en sors".
No future
Après une première semaine dans le flou, son activité pendant le confinement n’a cessé d’augmenter, lentement mais sûrement : "là, j’ai fini deux pickgards qui partent pour les Etats-Unis, et j’en ai un autre à envoyer en Pologne, je suis un peu stressé par les livraisons mais jusqu’à présent tout arrive. Idem pour les pièces, j’arrive à me fournir, avec un peu de retard parfois".Son inquiétude majeure est liée au business de la musique qui, avec l’annulation des concerts et des festivals, va prendre une grande claque : "moins de concerts, c’est moins d’argent pour les musiciens. Automatiquement, ça fera moins de commandes pour moi, même si j’ai des particuliers parmi mes clients".
Son activité est, par nature, cyclique et changeante. Il a déjà connu des creux et des accélérations, comme avant les fêtes de fin d'année où beaucoup de ses clients se réveillent à quinze jours de Noël ! Mais jamais il n'avait envisagé de travailler pendant une épidémie qui paralyse pour l'heure la production, l'enregistrement et la diffusion de toute musique sur la moitié de la planète.
Pour l’heure, l’artisan se contente de l'intérêt marqué pour sa production. Il s’organise, il profite de ses enfants, il mûrit d’autres projets. A son rythme.