Entre tourisme de mémoire et visites associées à la mort, la Lorraine regorge de destinations de plus ou moins bon goût. De la Première Guerre mondiale à l’affaire Grégory, découvrez les principaux sites de “dark tourism” de la région.

Le phénomène du “dark tourism” a été théorisé aux États-Unis dans les années 1990. En français, on le traduit par “tourisme sombre” ou “tourisme morbide”. En d’autres mots, il s’agit du fait de visiter des lieux associés à la mort, au macabre et à la souffrance. Une activité glauque et sordide ? Pas forcément. Pompéi, le Père-Lachaise ou encore Tchernobyl, le “dark tourism” peut prendre plusieurs formes. Voici les destinations les plus sombres et controversées de Lorraine.

Immersion dans la Première Guerre mondiale à Verdun

Bienvenue dans la Meuse, à Verdun, un territoire marqué à jamais par la Grande Guerre, avec des centaines de milliers de morts. Il s’agit du principal lieu de “dark tourism” en Lorraine, avec plus de 600 000 visiteurs annuels. Ici, tous les hôtels environnants sont pleins à craquer, même en basse saison. L’offre de tourisme lié à la Guerre 14-18 évolue chaque année à Verdun et l'inscription de ses sites patrimoniaux à l’UNESCO, depuis septembre 2023, ne risque pas de ralentir la tendance.

On peut se rendre à Verdun pour chercher à comprendre l’horreur et se souvenir des vies sacrifiées, mais aussi pour faire un tour à la boutique de souvenirs et repartir avec un mug ou la réplique d’un casque de poilu. “Il y a différentes logiques de tourisme à Verdun. On peut venir pour se recueillir, à la nécropole et l’ossuaire. On peut aussi s’informer, avec le musée du mémorial. On peut même se divertir avec du shopping, des immersions en réalité virtuelle et des visites en petit train, à la citadelle”, détaille Sébastien Liarte, professeur à l'Université de Lorraine, qui étudie l’attractivité des lieux de “dark tourism”.

Le tourisme macabre lié à l’affaire Grégory 

Parfois le “dark tourism” peut prendre un tournant plus morbide et voyeuriste. C’est le cas dans les Vosges, où certains “dark tourists” visitent les différents lieux liés à l’affaire Grégory Villemin, un garçonnet de quatre ans, assassiné le 16 octobre 1984. Le meurtre non élucidé, les nombreuses lettres et appels anonymes des “corbeaux”, les secrets et rivalités familiales, ou encore le fiasco judiciaire et médiatique… sont autant d'ingrédients macabres qui rendent ce fait divers captivant. L’affaire fascine toujours autant, près de 40 ans plus tard.

Certains curieux en quête de sensations fortes viennent même en pèlerinage, de toute la France, ce qui exaspère une bonne partie de la population locale. “Il y a des touristes qui viennent à Lépanges-Sur-Vologne, spécialement pour voir le lieu de disparition de Grégory Villemin, photographier et filmer son ancienne maison et sa sépulture. Quelques kilomètres plus loin, ils s’arrêtent à Docelles, où le corps du garçon a été retrouvé dans la Vologne. D’autres se rendent aussi à Épinal où l’affaire a été instruite ou au cimetière de Jussarupt, où repose Bernard Laroche, l’un des suspects abattu par Jean-Marie Villemin, le père de Grégory”, explique le spécialiste du “dark tourism”.

Le cimetière de Préville à Nancy, le “Père-Lachaise lorrain” 

Rendez-vous en Meurthe-et-Moselle, à Nancy, à la découverte du “Père-Lachaise lorrain”. Ce (très joli) cimetière abrite de nombreuses tombes monumentales et les noms prestigieux des membres fondateurs de l'École de Nancy et autres figures lorraines. En déambulant dans les allées paisibles pour contempler les sépultures, on peut tomber nez à nez avec l'ébéniste Louis Majorelle et son fils, le peintre Jacques Majorelle, l'artiste peintre Émile Friant ou encore le verrier d’art Émile Gallé, un incontournable pour les amateurs d’Art nouveau.

La visite d’un cimetière, aussi beau soit-il, est aussi une forme de “dark tourism” et peut mettre mal à l’aise certaines personnes. “Cela soulève plusieurs questions. Faut-il, ou non, inclure cette visite dans le circuit classique d’un touriste à Nancy, au même titre que la villa Majorelle ou le musée de l'École de Nancy ? La venue de visiteurs peut déranger les proches des personnes décédées qui viennent pour se recueillir. Ce cimetière abrite aussi bien des tombes de personnalités mortes il y a longtemps que celles d’anonymes, comme vous et moi, enterrées récemment”, souligne Sébastien Liarte.

Le camp de concentration nazi oublié de Thil 

Longtemps oublié, il s’agit du seul camp de concentration nazi en France non annexée. En 1944, plus de 800 déportés juifs ont été internés au camp de Thil, dans le nord de la Meurthe-et-Moselle. Auschwitz-Birkenau, Dachau ou Struthof, les anciens camps de concentration et d’extermination sont les vestiges et les témoins de ce que l’être humain peut faire de pire. La visite de ces camps est aussi une forme de “dark tourism”, même s’il s'agit de lieux de mémoire et de transmission essentiels.

Si le nombre de visiteurs au camp de Thil reste anecdotique, les touristes affluent parfois en nombre dans ce type de lieux de mémoire. “Il faut être particulièrement vigilant dans les anciens camps, car on constate parfois des attitudes inappropriées ou irrespectueuses de la part de certains touristes. À Auschwitz par exemple, où on observe un vrai tourisme de masse, certains se laissent aller à des selfies hasardeux sur les réseaux sociaux”, argumente Sébastien Liarte, le spécialiste lorrain du “dark tourism”.

Faits divers, catastrophes naturelles, ou encore lieux marqués par des actes terroristes et des guerres, les sites de “dark tourism” représentent une importante manne financière et attirent chaque fois plus de visiteurs.

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