Affaire Grégory : 40 ans après, "la justice a le devoir de se racheter, elle a foiré"

L'affaire Grégory est une des affaires non élucidées les plus médiatiques de l'histoire judiciaire française. 40 ans après la mort du petit garçon dans les Vosges, le dossier est d'ailleurs toujours en cours d'instruction. Anéantis, broyés, hantés, aucun des personnages de cette histoire hors norme n'en est ressorti indemne.

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40 ans après la mort de Grégory, le 16 octobre 1984, le drame hante encore les protagonistes de l'affaire même si certains manquent à l'appel.

Les parents de l'enfant cherchent toujours sans relâche la vérité. Jean-Marie Villemin livre ses sentiments sur la mort de son fils et ses regrets sur la mort de son cousin dans une BD évènement parue le 3 octobre dernier. Il n'a rien oublié, rien pardonné à ceux qu'il appelle les intouchables. 

L'affaire n'est pas terminée, la justice a un devoir impérieux, moral et juridique vis à vis des époux Villemin et pour la mémoire de Grégory

Thierry Moser, avocat des Villemin

Marie-Ange Laroche, veuve de Bernard Laroche tué par Jean-Marie Villemin, ne pardonne pas non plus et voudrait vivre en paix. Invitée de BFM TV dimanche 13 octobre, elle explique avoir été broyée par cette histoire, elle, ses enfants et aujourd'hui ses petits-enfants associés au nom de Bernard Laroche, qui pour beaucoup fait toujours figure de coupable.

"Depuis l'assassinat de son mari le 29 mars 1984, ma cliente n'a jamais pu faire son deuil", explique maître Gérard Welzer interrogé par notre consœur Aurélie Renard dans le cadre d'une émission spéciale diffusée sur France 3 Lorraine ce mercredi 16 octobre dans le 19/20.

Le juge Lambert qui avait mené la première instruction et dont les méthodes étaient condamnables n'est plus, il s'est suicidé en 2017 au Mans. Plusieurs lettres testamentaires attestent qu'il était toujours hanté par l'affaire et qu'il réagissait au dernier rebondissement judiciaire, la mise en examen de Murielle Bolle et des époux Jacob. Il réaffirmait alors que selon lui, Bernard Laroche était innocent.

Le gendarme Etienne Sesmat livre lui aussi sa vérité dans un livre "Les deux affaires Grégory, derniers pas vers la vérité" revu et augmenté pour les 40 ans de l'affaire aux éditions Les Presses de la cité. L'ancien capitaine de gendarmerie devenu colonel à la retraite veut rétablir son honneur. Premier directeur d'enquête sur les lieux du drame, lui aussi a souffert des critiques et des allégations de certains, en particulier du SRPJ de Nancy.

Un crime familial collectif ?

L'affaire Grégory est instruite depuis 1987 à Dijon. Le 14 juin 2017, 33 ans après le meurtre de l'enfant, elle est relancée avec perte et fracas. Marcel et Jacqueline Jacob, le grand-oncle et la grand-tante de Grégory, sont interpellés à Aumontzey (Vosges) et mis en examen pour "enlèvement et séquestration suivis de mort".

Quinze jours plus tard, Murielle Bolle, la belle-sœur de Bernard Laroche, qui avait en premier lieu accusé son beau-frère de l'enlèvement de Gregory avant de se rétracter, est elle aussi mis en examen pour enlèvement uniquement.

Ce sont les dernières expertises graphologiques des lettres du corbeau et le logiciel Ana Crim utilisé par les enquêteurs qui mènent à ces mises en examens finalement annulées pour vices de forme en 2018.

Mais pour les époux Villemin et leur avocat maître Thierry Moser, la piste du crime familial se précise. 

Celui qui aurait enlevé le garçonnet ne l'aurait pas tué mais livré à ses assassins, l'accusation fait allusion à Bernard Laroche et aux époux Jacob.

"L'affaire n'est pas terminée" explique maître Moser, de nouvelles mises en examen pourraient avoir lieu. La justice a le devoir de se racheter, elle a foiré. Elle a un devoir impérieux, moral et juridique vis-à-vis des époux Villemin et pour la mémoire de Grégory", insiste l'avocat des parents de Grégory.

De son côté, l'ex-gendarme Etienne Sesmat contredit cette thèse.

C'est l'envie qui motive le passage à l'acte pas la jalousie

Etienne Sesmat, ancien directeur d'enquête de l'affaire Grégory

Invité du 19/20 Lorraine mardi 14 octobre, il propose une autre approche que celle du crime collectif auquel il ne croit pas. "Le 16 octobre 1984, tout est allé très vite. Le meurtre est commis de façon très précipitée, presque incontrôlé, en suivant une pulsion et l'envie irrépressible de revendiquer son geste. Tout se passe en une heure. Cela soulève le levier psychopathologique" explique Etienne Sesmat.

"La jalousie n'est pas un sentiment assez fort pour expliquer ce passage à l'acte. Je travaille plutôt sur l'envie qui est un levier de haine. Je me suis entretenu avec un expert en psychiatrie criminelle et je pense que la personne qui a enlevé Gregory est certainement aussi celle qui l'a tué" conclut le gendarme.

Suite à la première publication de ce livre en 2006, la veuve de Bernard Laroche avait assigné Etienne Sesmat pour diffamation envers la mémoire d'un mort. Un procès que Marie-Ange Laroche avait perdu.

Début octobre, le nouveau procureur général à la cour d'appel de Dijon, Philippe Astruc s'est exprimé sur l'affaire Grégory : "le dossier est gigantesque, 47 tomes et 17.000 pièces de procédures, mais il faut continuer à chercher". Le procureur qui précise qu'il y a sans doute une pluralité d'auteurs, au moins en ce qui concerne les appels et les lettres du corbeau qui a sévi pendant deux ans avant de revendiquer le meurtre de Grégory. Des propos qui vont dans le sens du complot familial.

De nouvelles expertises génétiques et vocales sont en cours et les résultats pourraient être connus début 2025. L'affaire Grégory n'est toujours pas élucidée, les chances qu'elle le soit sont minces, mais quarante ans après le drame, elles existent encore.

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