Guerre en Ukraine : un réfugié de 15 ans traverse l’Europe seul pour rejoindre sa sœur à Nancy

Ihor Tarasiuk, lycéen de Kiev, est resté neuf jours seul dans l’appartement de ses parents mobilisés sur le front. Dimanche 6 mars 2022, il est arrivé à Nancy via la Pologne en train, après un périple de deux jours qu’il a entrepris seul.

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Il n’a pas hésité une seule seconde : "ma mère m’appelé, elle m’a dit de prendre mon sac et d’aller à la gare pour fuir le pays. C’est ce que j’ai fait". Ihor Tarasiuk était lycéen à Kiev, livré à lui-même depuis neuf jours et la mobilisation sur le front de ses deux parents, militaires de carrière : "c’était pas un problème, je sais me débrouiller, j’avais à manger, même si à la longue c’était un peu stressant de ne voir personne".

De sa fenêtre, il assiste aux combats dans son quartier, lors de la première tentative russe de prendre la capitale : "j’ai entendu les bombes tomber dans mon quartier. Il y avait des chars et des soldats russes, je les ai vus. J’ai vu les combats, je les ai vus se faire tuer par nos soldats". A plusieurs reprises, il doit se réfugier dans un abri anti-aérien.

J’ai entendu les bombes tomber dans mon quartier. Il y avait des chars et des soldats russes, je les ai vus.

Ihor Tarasiuk

La communication avec ses parents est difficile. Quand ces derniers prennent la décision de l’éloigner des combats, il est prêt. Il rejoint la gare, réussit à monter dans un train pour Varsovie : "il devait partir à 18h, mais les gens étaient déjà massés sur les quais depuis le matin. Dans un wagon pour quarante personnes, on était plus de cent, avec des bébés, des chiens, des chats…". Le train part dans la nuit, il mettra plus d’une journée à arriver en Pologne. Sur place, il est aidé par des bénévoles polonais : "ils ont été super, ils m’ont donné à manger, de quoi me brosser les dents, je leur suis très reconnaissant".

Erasmus

Les parents d’Ihor lui ont demandé de rejoindre sa sœur en France. Maria, 22 ans, est arrivée début février comme étudiante Erasmus, pour un semestre à l’Ecole de Géologie de Nancy. Comme il est mineur, les autorités polonaises le mettent dans un avion pour Paris. Pris en charge à son arrivée, il voyage gratuitement jusque Nancy, où il arrive dimanche soir. "Mes parents nous ont appris très tôt à nous débrouiller. A six ans, on s’entrainait à prendre le métro seul à Kiev, d’abord une station, puis deux etc. Ihor savait comment se comporter dans des endroits qu’il ne connaissait pas" explique Maria, qui ne semble pas étonnée du périple.

Sa vie d’étudiante, la jeune femme n’a guère le loisir d’en profiter depuis son arrivée: "mon copain est sur le front, je ne sais pas quand je le reverrai". Elle estime que "c’est notre devoir d’Ukrainien d’apporter notre soutien, même en étant ici. Comme bénévole, traducteur, mais aussi en témoignant de la situation de nos compatriotes, en essayant de porter notre parole, de contrer la propagande russe".

Application bombardement

Pendant notre rencontre le téléphone portable sonne. La mère des jeunes Ukrainiens prend des nouvelles, les premières depuis plusieurs jours. Sur le smartphone de l’étudiante, les notifications défilent. L’une d’elle fait sursauter Maria: "celle-là nous prévient qu’une attaque russe va commencer et qu’on doit se mettre à l’abri, c’est une application que tout le monde a sur son téléphone en Ukraine désormais". A l’autre bout de la ligne à Kiev sa mère l’a reçue également, elle doit descendre dans l'abri anti-aérien mais elle veut rester encore un peu avec ses enfants au téléphone.

Les communications sont rares, "ça faisait une semaine qu’on n’avait pas échangé" explique Maria, qui ne peut pas en dire plus. Ses parents sont militaires de carrière, ils sont engagés sur le front. La maman témoigne de la dureté des combats à Kiev, de la forte résistance. Le soulagement se devine sur l’écran, ses enfants sont en sécurité, mais Maria nuance : "beaucoup de gens me disent que je devrais être soulagée d’être à l’abri, que je devrais me réjouir d’être arrivée en France juste avant le début de la guerre, mais non, je ne peux pas. Comment est-ce que je pourrais rester calme et être sereine alors que mon pays est en train d’être détruit ?"

Famille d'accueil

Dans le parc de la Pépinière, livré au printemps, avec ses cheveux mi-longs et sa boucle d’oreille, l’adolescent passe inaperçu ou presque au milieu des lycéens qu’il rejoindra bientôt. Ihor a bénéficié du dispositif de protection temporaire des réfugiés ukrainiens. Il a obtenu un titre de séjour d’un an. Mineur, il rejoindra prochainement une famille d’accueil nancéienne. Il devrait pouvoir poursuivre sa scolarité dans un lycée de la ville.

Depuis la maternelle, il suit des cours de français, "c’est un peu par hasard, il restait une place dans une école, mes parents l’ont inscrit" sourit Maria sa sœur, qui n’a pas eu cette chance. Vu la débrouillardise de l’adolescent, la maitrise de notre langue et son intégration ne sont qu’une question de semaine, en attendant "qu’on puisse rentrer à la maison, j’espère vraiment retourner chez moi en juillet".

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