Jean-Pierre Jeunet revient dans son lycée, "j'ai compris qu'il suffisait d'avoir une caméra pour réaliser des films"

"Amélie Poulain", "Delicatessen", "La Cité des enfants perdus", "Alien, la résurrection" ou encore "Big Bug", le réalisateur Jean-Pierre Jeunet a retrouvé avec émotion le lycée de son adolescence à Nancy, en Meurthe-et-Moselle ce mercredi 6 décembre.

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"Amélie Poulain, Délicatessen, La Cité des enfants perdus, Alien, la résurrection, Micmacs à tire-larigot, et plus récemment Big Bug pour Netflix, Jean-Pierre Jeunet est un réalisateur dont l’univers poétique est reconnaissable au premier coup d’œil.

Ce mercredi 6 décembre, il revient au lycée Henry Poincaré de Nancy, là où tout a commencé pour lui. Et les souvenirs de refaire surface : "dans un virage de la rue de l’Armée Patton, au dernier étage", c'est là qu'il vivait avec ses parents le temps de son adolescence. "J'avais huit ans, j’avais fabriqué un petit théâtre de marionnettes. J’avais détruit les lampes de poche de mes parents. J’avais créé des costumes et inventé une histoire. Je les faisais "raquer !". J’étais déjà producteur. À 12 ou 13 ans, il y avait des View-Master avec des images de Disney. Je découpais les images. Avec un petit magnétophone, j'enregistrais mes copains. Cela ressemblait déjà à des films, mais je ne m’en rendais pas compte. Et c’est ici, à la salle de la bibliothèque, que je demandais les livres de cinéma qui étaient tout en haut de l’étagère. Il fallait que quelqu’un monte me les chercher. Je regardais les photos. Le cinéma était très mystérieux. Aujourd’hui, avec internet, on peut avoir accès à tout."

J’ai compris qu’il suffisait d’avoir une caméra pour réaliser des films.

Jean-Pierre Jeunet, réalisateur

À cette adresse, un jour, son destin va basculer du côté de la pellicule et du film. Il aime le raconter. Il avait 15 ou 16 ans. Un couple d’amis de ses parents est arrivé un soir avec une caméra super8 qui n’a pas manqué de l’intriguer. "Tiens, essaie-la !" lui a dit l’homme. Il s’en souvient comme si c’était hier.

Il se souvient de l’odeur du plastique et de la vibration de la caméra comme il le raconte souvent. "J’ai compris qu’il suffisait d’avoir une caméra pour réaliser des films." Dès lors, il arrête l’école et se consacre à explorer ce nouveau terrain de jeu. "Quand on commet des erreurs, le cerveau retient mieux que quand on apprend de façon théorique. Je n’arrivais pas à reproduire la profondeur de champ avec ma caméra Super8. Mais une fois qu’on s’est trompé plusieurs fois, on apprend."

Nancy dans les films de Jeunet

"L’enfance, tout ce qu’il en reste, ça tient dans une petite boîte rouillée", une boîte de bergamotes de Nancy. Tout est dit dans cette phrase prononcée par la voix off dans "Amélie Poulain". La scène de l’enfant qui perd ses billes à cause d’un fond de poche troué, le poisson rouge qui passait son temps à essayer de se faire la belle, autant de véritables souvenirs de son enfance en Lorraine. Il a fini par rendre sa liberté au poisson rouge, en le relâchant dans le bassin du square Blondlot. Jean-Pierre Jeunet, le collectionneur d’anecdotes, écoute les histoires des autres et se rappelle les siennes. 

Retour à la maison

Ce mercredi 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas en Lorraine, il est venu à la rencontre des lycéens de Poincaré. Dans le cadre de la 12ᵉ édition du dispositif "un artiste à l’école". Les élèves de la section musique dance du lycée ont accueilli le réalisateur en jouant la partition de l’un de ses films. Une surprise qu’il immortalise en filmant avec son smartphone. "Les bruitages sont extraordinaires", lance-t-il à la fin du morceau. "Le professeur de musique, à mon époque, nous a totalement dégoûtés de la musique. Les animaux dans les cirques, on les élève soit à la récompense, soit à la punition. Et nous, c’était à la punition. Tous les jeudis, je les passais en heure de colle. J’y allais même quand je n’étais pas puni.

On se souvient tous d’un professeur formidable. Moi, c’était un professeur de français. J’étais le meilleur en rédaction. Et il m’invitait à lire mes rédactions à haute voix à son bureau. J’étais nul en mathématiques. J’ai eu un demi-point. J’ai redoublé deux fois. J’étais le cancre au fond de la classe. C’est un peu pour cela que je suis venu aujourd’hui." Jean-Pierre Jeunet prend son exemple pour dire aux jeunes que nourrir une passion, c'est important. Elle peut permettre de s’en sortir dans la vie. Quand il était jeune à Nancy, il allait au magasin de journaux pour acheter pilote le mercredi. Dinky toy, le magasin de miniatures avec l’affiche "Mécano".

Côté élèves, forcément les questions fusent : "Comment on arrive à convaincre les Américains de le laisser réaliser Allien4 ?". Le réalisateur s'amuse et raconte : "je parlais à peine anglais. J’y suis allé décontracté en me disant que ce n’est pas moi qu’ils prendraient. Les Américains avaient vu Delicatessen et le film avait bien marché là-bas. Quand mon interprète m’a dit que c’était moi, j’ai cru que j’allais crever. Je n’avais pas envie. Je préparais Amélie Poulain. J’ai rencontré Sigourney Weaver. Elle était très enthousiaste. Je me suis dit bon d’accord. Ils m’ont laissé toucher au scénario. Je me suis amusé".

Indéniablement, Jean-Pierre Jeunet a pris goût à son échange avec les jeunes de Poincaré. À tel point qu'il s'est dit prêt à revenir la semaine prochaine. Finalement, le cancre d’hier s’est mué en premier de la classe et s’est amusé à rencontrer ceux qui s’apprêtent à se lancer dans la vie comme lui, il y a 50 ans, preuve certainement du succès de l'opération "un artiste à l'école".

Un artiste à l’école

C'est un dispositif d’éducation artistique et culturelle unique en son genre dont l’ambition est d’éveiller les plus jeunes aux métiers de la culture. Au cours de l’année scolaire 2023-2024, ce sont ainsi 40 artistes : auteurs, interprètes, photographes, artistes graphiques, illustrateurs, qui retourneront dans l’un des établissements dans lesquels ils ont été eux-mêmes élèves pour partager leur expérience, raconter leur métier aux élèves et répondre à leurs nombreuses questions lors d’un échange privilégié.

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