Ils sont de plus en plus nombreux à tenter l’aventure des micro-fermes. Des amoureux de la nature qui veulent vivre en accord avec leurs valeurs loin du système agricole conventionnel. C’est le cas de Vincent et Christelle qui ont créé leur micro-ferme créative à Liverdun (Meurthe-et-Moselle).
Courbé dans son allée de jardin, Vincent Fortrat cueille ses derniers légumes d’hiver pour les déposer dans les paniers de ses adhérents. Il y a deux ans, il n’y avait rien sur ce lopin de terre en bord de route de la petite commune de Liverdun (Meurthe-et-Moselle). Vincent y a vu l’espoir d'une vie plus proche de la nature.
En créant sa micro-ferme avec sa femme Christelle, Vincent entérinait alors son changement de vie. Cet ancien ingénieur en télécommunications avait pris le temps de réfléchir. Une année sabbatique en woofing au Québec avec des passages dans plusieurs fermes ; et une expérience de plusieurs mois au Costa Rica au contact de la nature, à donner des coups de main, ont achevé de le convaincre de se lancer dans le maraîchage. Christelle, illustratrice connue sous le nom de Kiki youplaboum voulait apporter son expérience pour mêler jardinage, ateliers créatifs et bien-être, la micro-ferme "L’Arbre de vie" était née.
"On a voulu fusionner nos deux univers" expliquent-ils d’une même voix, "c’est un projet commun, mais ça n’est pas simple, il faut faire les choses au fur et à mesure, mettre la peur de côté pour avancer."
Un projet collectif
Pour mener à bien son projet, le couple a pu compter sur la famille et sur les amis qui viennent aider pour le jardin où le bâtiment en écoconstruction qui abritera les ateliers au printemps prochain.
C’est le cas de Franck Mansuy qui animera au printemps des ateliers bien être : yoga du rire et sophrologie car le développement personnel aura une part de choix dans la vie de la micro-ferme. Ce jour-là il est venu apporter des topinambours de son jardin. Ils seront replantés par Vincent aux côtés des autres légumes de saison cultivés au jardin sans pesticides. La première récolte a été plutôt fructueuse et en quelques mois, le couple peut déjà compter sur près de 200 adhérents. C’est le cas de Gilles et Nina. Ils ont emménagé il y a quelques semaines tout près de L’Arbre de vie.
"C’est merveilleux d’avoir un lieu comme ça près de chez soi" nous confie Gilles. Anna aussi est enthousiaste "nous venons chercher nos paniers de légumes mais nous voulons faire plus, participer à la vie de ce lieu, être acteurs pas que consommateurs".
C'est toute l'idée de L'Arbre de vie où gravitent de nombreux bénévoles et où des porteurs de projets de micro-fermes viennent eux-même se renseigner.
Un nouveau modèle agricole ?
La création de la micro-ferme s’est faite sur les deniers du couple, qui espère obtenir des aides pour le développement de sa structure. Si les premiers légumes ont pu être récoltés et vendus cette année, Vincent, l’ancien ingénieur ne peut pas encore vivre de sa nouvelle activité. C’est d’ailleurs l’un des débats qui existe autour des micro-fermes, comment en vivre, comment les rendre pérennes ?
On fait partie d’une nouvelle génération d'artisans maraîchers
Vincent Fortrat, co-fondateur de la micro-ferme L'Arbre de vie
Pour certains spécialistes, c’est une véritable alternative au modèle agricole dominant où les exploitations ont plutôt tendance à grossir. Pour d’autres, il n’est pas possible d’en vivre, trop de charge de travail pour trop peu de rémunération avec de si petites surfaces : les micro-fermes se développent en effet sur 1,5 hectare en moyenne.
Pour Vincent, c'est un parcours idéologique : "On est à l’opposé du système traditionnel qui se meurt ou qui grossit, on fait partie d’une nouvelle génération de ce que j’appelle des artisans maraîchers qui veulent construire le monde de demain".
Dans les dix années qui viennent, de très nombreux agriculteurs vont en effet partir à la retraite, c’est un moment charnière dans l’histoire agricole de notre pays avec la disparition de la moitié des agriculteurs en vingt ans.
On ne cherche pas à faire du profit mais à vivre dignement
Vincent Fortrat, co-fondateur de la micro-ferme L'Arbre de vie
Parallèlement les exploitations qui survivent s'agrandissent avec beaucoup de mécanisations et d’automatisation, à l’opposé des micro-fermes où il n’y a ni mécanisation ni produits phytosanitaires. Un modèle qu’a fait connaitre Pierre Rabhi, chantre de l’agro-écologie, co-fondateur du mouvement Colibris, décédé il y a quelques jours. "Pour être viable la micro-ferme doit s'appuyer sur les circuits-courts pour que les légumes soient vendus à leur prix, on peut aussi trouver des intermédiaires vertueux. On ne cherche pas à faire du profit mais à vivre dignement. Et nos activités complémentaires, les ateliers, vont nous aider, c'est ce qu'on a pu observer au Costa Rica où l'agriculture se mêle au tourisme et ça fonctionne".
Difficile de savoir combien de micro-fermes se sont créés sur notre territoire, le réseau Fermes d'avenir en finançait 170 en 2019 mais toutes n'adhèrent pas au réseau. C'est d'ailleurs le cas de la micro-ferme de Liverdun. Fermes d'avenir qui milite pour la création de 30.000 de ces petites structures dans les deux décennies, le phénomène n'a donc pas fini de s'étendre.
Pour l'heure, à Liverdun, une fois les derniers légumes d'hiver vendus et le paillage terminé, la ferme va se mettre en hibernation pour mieux renaître au printemps.