Au lendemain de sa défaite, Laurent Hénart s'explique. Une certitude : il siègera dans le futur conseil municipal. Son avenir est donc politique. Sur le plan professionnel, retour à ses activités d'avocat.
Comment vivez-vous ce lendemain de défaite ? C’est digéré ? Accepté ? Analysé ? Ou êtes-vous déjà passé à autre chose ?(Laurent Hénart) Je suis obligé de passer à autre chose. Il faut reprendre une activité professionnelle, il faut reprendre une vie avec son métier. Je suis avocat inscrit au barreau. Avant d’être élu maire, j’avais beaucoup de plaisir à donner des cours. Je vais donc essayer de reprendre une activité d’enseignement. Et puis il va falloir participer à l’installation du conseil municipal, c’est le rôle du maire encore en place. La sensibilité qu’on a défendu durant l’élection, les projets, les idées vont continuer à vivre dans les années qui viennent. Moi, je reste bien évidemment amoureux de ma ville et engagé à Nancy. Là-dessus, il ne faut pas avoir de doutes.
En clair, vous n'abandonnez pas la vie politique ?Beaucoup de gens connaissent des imprévus dans leur vie et doivent les surmonter. Pour les élus, c’est pareil.
Je dis juste qu’on est capable d’écrire plusieurs plages dans une vie. Des hauts et des bas dans la vie, j’en ai eu. Je suis passé au gouvernement, j’ai été député, j’ai perdu une législative, je suis devenu avocat. Avant d’être ministre, j’étais juriste d’entreprise dans le privé… J’ai donc déjà eu plusieurs vies et je peux encore en avoir plusieurs. Ça ne m’inquiète pas du tout. Beaucoup de gens connaissent des imprévus dans leur vie et doivent les surmonter. Pour les élus, c’est pareil. Je suis Nancéien, j’ai grandi ici, j’ai ma famille, mes amis, mon métier et je reste amoureux de cette ville. J’y resterai donc engagé et je participerai aux travaux du prochain conseil.
Le maire va donc devenir conseiller d’opposition ?
Je n’ai jamais eu un tempérament d’opposant. J’ai un tempérament d’homme libre. Je dirai donc librement ce que je pense, pour le bien de la ville.
Selon vous, qu’est ce qui n’a pas fonctionné pour vous dans cette campagne ?
Je ne sais pas… et je pense qu’il y a assez de commentateurs pour répondre à cette question.
C’est une façon de dire que vous ne voulez pas le dire ?
Non, non ! C’est juste une façon de dire que le résultat est tombé hier soir à 20 heures (Dimanche 28 juin 2020) et j’ai beaucoup d’autres choses à faire que ça. Vraiment ! Il faut que je m’occupe des collaborateurs avec qui j’ai travaillé pendant six ans et c’est normal d’être à leurs côtés pour imaginer leur avenir. Il faut remercier les agents de la ville qui eux aussi ont été présents durant ces années et la crise du Covid. Il faut encourager les militants, réunir les colistiers qui se sont battus… Voilà, c’est ça pour moi la priorité du moment en étant reconnaissant vis-à-vis de ceux qui m’ont accompagné. Il y aura toujours un temps pour l’analyse. Il y aura toujours des points de vue contradictoires et ça viendra en son temps.
Sur les quatre dernières élections auxquelles vous avez participé, vous remportez les municipales de 2014 et vous perdez trois scrutins : les régionales en 2010, une législative en 2012 et la municipale d’hier. C’est la défaite de trop ?
Si on prend les six derniers scrutins, j’en gagne trois !
Mais si on se réfère au quatre derniers…
Mais moi, je me réfère aux six derniers, voilà !
Votre engagement à Nancy ne va donc pas faiblir ?
Je l’ai fait toute ma vie. J’ai été bénévole associatif quand j’étais étudiant à la corpo de Droit. Je reconnais que c’était convivial mais quand même… J’ai participé à l’Office Nancéien de la Jeunesse comme représentant d’association étudiante. Je me suis engagé au Mouvement radical ici à Nancy et les campagnes électorales auxquelles j’ai participé étaient toutes à Nancy ou en Lorraine. C’est ma ville, c’est ma région. Le président Chirac disait : "Méprisez les hauts et reprisez les bas." Voilà, je m’astreins à cette règle.
En perdant la mairie, vous fragilisez un peu plus le Mouvement radical dont vous êtes le président. C’est un autre souci pour vous après la perte de la mairie ?
Ce n’est pas la question que je me pose. Quand on anime une famille politique, il faut trouver la meilleure organisation. Il y aura un congrès au mois d’octobre et on aura une discussion entre radicaux. Je pense sincèrement que c’est comme ça qu’il faut voir les choses.
Beaucoup de gens étaient plus tristes que moi encore
André Rossinot a eu des mots durs ou pas à votre encontre après cette défaite ?
Beaucoup de gens étaient plus tristes que moi encore…
Rebondir politiquement, c’est un objectif à moyen ou long terme ?
L’objectif, c’est que la ville réussisse. Quand j’étais député, j’ai défendu les projets en faveur de cette ville. Idem au gouvernement ! Quelle que soit ma fonction et quelle que soit la responsabilité que j’exerce, je veux aider à la réussite de ma ville. C’est la mission du maire mais on peut le faire depuis bien d’autres responsabilités.
On vous sent presque soulagé d’avoir terminé cette élection ?
Non, non. Je suis quelqu’un de serein. Les résultats sont tombés, c’est la loi de la démocratie, il faut les admettre. Et il faut regarder maintenant quelle page on écrit. Je pense que les habitants attendent des élus qui les représentent qu’ils soient solides et qu’ils inspirent confiance en étant forts et calmes. C’est toujours ce que j’ai voulu donner aux Nancéiens et aux Nancéiennes.
Laurent Hénart n’est donc pas mort politiquement aujourd’hui ?
Ce n’est pas à moi de le dire.
Vous ferez tout pour exister en tout cas ?
Je ne fais pas de la politique pour exister. Je fais de la politique pour agir, transformer ma ville, le monde dans lequel je suis et faire évoluer les questions de société… Ce que j’aime dans un mandat local, c’est que c’est très concret. J’aurais tout autant pu réussir dans le monde économique, j’espère que le temps qui m’est donné me permettra de démontrer que je peux être un excellent avocat. Je n’ai pas besoin d’être un politique pour affirmer ma personnalité ou trouver un sens à ma vie, c’est bien le contraire. C’est parce que je suis un homme heureux que je pense pouvoir donner à la politique.
Vous entrez également dans l’histoire de Nancy. Vous êtes le maire qui permet à la gauche d’arriver au pouvoir. Une première depuis plus de 70 ans.
Je n’ai jamais été un maire partisan alors vos trucs de centre-droit et de gauche… ça n’a jamais été mon ressenti d’homme politique engagé. J’ai essayé de rassembler des gens de toutes les sensibilités et que les habitants se retrouvent dans notre action. Malgré les baisses de dotation, on a investi sans augmenter les impôts. On a traversé des moments difficiles lorsqu’il y avait ses attentats à Strasbourg. On a eu des mouvements sociaux qui ont mis à mal le commerce de centre-ville et la crise de la Covid… Je ne pense pas avoir agi comme un homme avec une étiquette politique. J’ai essayé de rassembler tout le monde.
Votre bilan, les Nancéiens l’ont pourtant cherché durant cette campagne. La "bétonisation" de la ville n’est vraiment pas passé, avouez-le.Le bonheur de vivre et la fierté des habitants, c’est le meilleur bilan d’un maire
Je ne vais pas reprendre les arguments de campagne "dégagistes" des socialistes. Aujourd’hui, vous avez une ville où les 2/3 des gens disent bien vivre. Ils sont heureux. Nancy est une ville apaisée. On n’a pas les problèmes d’émeutes urbaines comme à Dijon. Nancy est une ville où on respecte l’autre… Le bonheur de vivre et la fierté des habitants, c’est le meilleur bilan d’un maire. Après, il faut le recul pour s’en rendre compte. La bétonisation, je ne suis pas là pour débiner la Métropole et son président André Rossinot. J’assume la situation actuelle et je suis serein. Les choses se remettront en ordre naturellement.
Propos recueillis le lundi 29 juin 2020