On a tendance à l'oublier mais ceux qui perdent peuvent aussi faire gagner. C'est le principe du report des voix au second tour lors d'une élection. A Nancy, la clarté est à gauche où Mathieu Klein et Laurent Watrin ont fusionné. Laurent Hénart, lui, se retrouve finalement bien seul.
A Nancy, il reste deux candidats au second tour. Le maire sortant Laurent Hénart (34,71%) et Mathieu Klein (37,89%) qui a fusionné avec Laurent Watrin (10,24%). En se basant sur les chiffres du premier tour, la liste de gauche est à 48,13% tandis que celle de son adversaire stagne à 34,71%. Cela parait énorme mais cela ne représente qu'un écart de 2.455 voix. “Il faut faire attention aux chiffres car ce second tour se déroule plus de trois mois après le premier” prévient Etienne Criqui, politologue et professeur de sciences politiques à l’Université de Lorraine, “c'est un second tour inédit et cette crise sanitaire a quelque peu redistribué les cartes. Je ne pense pas que la participation sera beaucoup plus élevé mais qui sait ? Et il ne faut pas oublier que les maires sortants ont été en première ligne dans la gestion de la crise du Covid. Il faut être prudent.”
C'est un second tour inédit et cette crise sanitaire a quelque peu redistribué les cartes
Car à Nancy, l’abstention a été phénoménale : 62,90%. Du jamais vu pour ce type de scrutin dans la ville. Sur 50.925 inscrits, seulement 18.891 votants. Laurent Hénart, qui semblait K-O. le 15 mars dernier semble avoir refait ses calculs. Il veut y croire et tente de se relancer à travers une nouvelle campagne mais la réalité semble néanmoins très compliquée en raison d'un premier tour qui a laissé des traces parmi l'électorat du centre et de la droite.
Pas de réserve à droite pour Laurent Hénart
Arrivé quatrième au premier tour, Françoise Hervé (6,13%) n'est pas tendre avec les deux candidats en lice à la mairie. Pour la candidate indépendante, ce sera donc le “ni-ni”. Imaginer un instant l'ancienne adjointe au patrimoine de l'équipe municipale, appeler à voter pour le maire sortant qui l'a exclue de sa majorité est... impensable. Tout autant qu'un appel à voter pour une liste de “gauche plurielle”. Françoise Hervé n'a pas l'intention de se lancer dans le stand up. Quant à son électorat, plutôt de centre droit, il devrait se reporter sur Laurent Hénart mais sans grand enthousiasme. Selon toute vraisemblance, la majorité de ses 1.121 électeurs devrait voter blanc ou s'abstenir.
A droite, Patricia Melet (Unis pour Nancy) qui avait conduit une liste de rassemblement (LR, Debout la France, Sens commun, parti Chrétien Démocrate...) et obtenu 1,94% voudra faire payer à Laurent Hénart son ralliement à Emmanuel Macron. Elle qualifie d'ailleurs la liste du patron du Mouvement Radical de “représentants du libéralisme débridé qui est responsable, entre autres, de la dégradation des structures de soins qui ont été mises à dure épreuve pendant l’épidémie.” Tout oppose Patricia Melet et Laurent Hénart en ce qui concerne les projets locaux (Tram, Musée Lorrain...). Mais surtout, en écartant de sa majorité municipale Pierre de Saulieu (Responsable Region Grand Est Sens Commun), Laurent Hénart s'est mis à dos la droite conservatrice locale. Celle d'Unis pour Nancy qui n'est pas disposée à lui accorder son pardon.
Pour les électeurs du Rassemblement national (3,71%), c'est également plié. Laurent Hénart, est un opposant de longue date à l'extrême droite et, selon eux, un relais de la parole macroniste. Les électeurs de Grégoire Eury ont déjà la tête aux présidentielles. Ils devraient donc s'abstenir ou voter blanc
Résultat des courses : Laurent Hénart se retrouve finalement bien seul. Son espoir mais aussi sa conviction, c'est de convaincre les abstentionnistes. Pas gagné.
Une gauche majoritaire et une gauche minoritaire
A gauche aussi, ce n'est guère l'amour fou entre les éliminés et le tandem Mathieu Klein/Laurent Watrin. Y compris chez les Verts. Depuis la fusion, l'ex numéro 5 sur la liste EELV, Michael Zenevre, tire à boulets rouges sur le rapprochement Klein/Watrin où il a été oublié... Il crie à la “tambouille politique”. La polémique, largement relayée par la presse locale, est cependant retombée comme un soufflet. Michael Zenevre est devenu aujourd'hui le meilleur attaché de presse de Laurent Hénart.
#Nancy #Municipales2020 @LaurentHenart Pour les entrepreneurs nancéiens et leurs collaborateurs ce premier plan est à la hauteur des enjeux et à des années lumières des scories proposées par Klein-Watrin https://t.co/41ftWJKzQ7
— MichaelZenevre (@MichaelZenevre) June 16, 2020
Avec 4,48%, Nordine Jouira de la liste Nancy en commun (soutenu par la France Insoumise) se tient en retrait. Il consulte et sa liste rendra publique sa décision lors d'un point presse ce lundi 22 juin 2020. Guère friand en consigne de vote, le mouvement devrait décider de ne pas en donner.
Enfin, l'infatigable candidate du parti Lutte Ouvrière, Christiane Nimsgern (0,90%) ne donnera aucune consigne de vote aux 165 personnes qui ont voté pour elle. Un grand classique comme lors de chaque scrutin pour Lutte Ouvrière.
Voter Klein, c’est voter communiste! pic.twitter.com/Qa4UFpIZx0
— LesRepublicainsNancy (@LesRepNancy) June 16, 2020
Pas de quoi faire trembler une gauche plurielle 3.0. La stratégie de Mathieu Klein qui consistait à partir uni au premier tour et rassemblé au second se révèle aujourd'hui payante dans un contexte très figé. A droite, les Républicains, alliés de Laurent Hénart, semblent désespérés et tentent de sauver les meubles en s'appuyant sur des slogans et une propagande d'un autre âge (Cf Klein et le vote communiste). C'est à se demander si certains d'entre eux n'ont pas finalement intérêt à voir Laurent Hénart, le Mouvement Radical, le centrisme et La République en Marche s'effondrer et disparaitre à Nancy.