Yasin Celik, ancien pensionnaire de l’Institut des jeunes sourds à Nancy, qui avait fait le buzz sur Internet avec une vidéo qui racontait la galère d’un jeune sourd pour trouver un emploi en pleine pandémie, vient de décrocher un CDI après avoir reçu une trentaine de propositions.
Dans une vidéo postée le 17 janvier 2022 sur les réseaux sociaux, Yasin Celik laisse éclater toute sa joie après avoir décroché un contrat en CDI en décembre 2021. Il faut dire que ce jeune homme singulier n'avait pas ménagé sa peine. Il a fait de son handicap une force.
Je n'ai eu que des refus avec des motifs discriminants comme la peur d’employer un sourd en cas d’incendie et d'autres raisons plus incroyables encore
Yasin Celik
La surdité ne l’empêche pas de poursuivre ses rêves, bien au contraire. Après avoir obtenu son diplôme, il avait réussi à décrocher un contrat en CDD en 2020 dans sa branche quand l’épidémie de Covid-19 est venue tout remettre en question. L’entreprise dans laquelle il travaillait, comme beaucoup, a mis fin à tous les contrats CDD et a fermé ses portes pendant un mois au premier confinement.
Yasin s’est alors retrouvé sans emploi, confronté à la difficulté de se faire recruter en période de pandémie avec un handicap supplémentaire, celui de sa surdité. Mais, il a fallu aussi faire face à l’absurdité de la situation : impossible de lire sur les lèvres en raison des masques, impossible d’être convié à un entretien d’embauche en visioconférence, impossible d’accéder à une entreprise, car il fallait passer par un interphone, etc.
Il en a fait une vidéo grinçante et drôle postée sur les réseaux sociaux. Nous l’avions interviewé en mars 2021 et il nous avait dit vouloir dénoncer cette discrimination qui s’ajoutait à d’autres. Yasin n'a pas baissé les bras. Il s'est battu avec son énergie et les outils de son époque. Il nous a confié : "je n’ai rien lâché. Je n'ai eu que des refus avec des motifs discriminants comme la peur d’employer un sourd en cas d’incendie et d'autres raisons plus incroyables encore."
Yasin a été embauché pour ses compétences de technicien en courants faibles. Quand j’ai lu son CV, son parcours, j’ai compris qu’il avait travaillé plus dur que n'importe qui d'autre
Olivier Poyard, responsable des travaux chez EIMI
"Après le buzz fait par la vidéo, j’ai reçu une trentaine de propositions de partout en France, et même du Luxembourg et de Suisse. Mais j’ai choisi l’entreprise EIMI à Etupes dans le Doubs, où j’avais travaillé avec un contrat CDD. J’ai signé un CDI en décembre. J’ai réalisé un de mes rêves : avoir un travail comme n’importe qui. Je suis heureux. Ma famille est fière de moi, de mon parcours".
Yasin est reconnaissant à l’entreprise qui l’a recruté. Du côté de l’entreprise, embaucher Yasin n’a rien d’une faveur comme nous l’explique Olivier Poyard, responsable des travaux : "Yasin a été embauché pour ses compétences de technicien en courants faibles. Quand j’ai lu son CV, son parcours, j’ai compris qu’il avait travaillé plus dur que n'importe qui d'autre. Je savais que la motivation était là. Malgré les difficultés, il arrive toujours avec le sourire. Il a une joie de vivre communicative."
Nous utilisons une application "transcription instantanée" qui permet de communiquer avec lui
Olivier Poyard, reponsable des travaux chez EIME
EIMI est un groupe familial indépendant spécialisé dans les services d'efficacité énergétique et environnementale, dont le siège est à Etupes (Doubs). L'entreprise a été fondée en 1979 par Bartolino Nardis, père de Sandro Nardis, actuel Président. Elle compte aujourd'hui une trentaine de sites en France, dont un en Lorraine, mais aussi en Suisse et plus de 800 collaborateurs. La société n'a pas hésité à mettre en place des outils pour faciliter les échanges avec Yasin. "Nous utilisons une application "transcription instantanée" qui permet de communiquer avec lui. Si nous sommes en réunion à l'extérieur, nous enlevons les masques pour qu'il puisse suivre en lisant sur les lèvres. Pour les grandes réunions, nous faisons appel à une interprète en langue des signes en visioconférence."
"Transcription instantanée" est un "service d'accessibilité Android", une application capable de détecter des sons, des bruits ou des voix. Et dans ce dernier cas, elle les transforme en texte. Mais, ce n'est pas tout, un groupe de six salariés volontaires a entamé une formation en langue des signes. "Ces personnes travaillent en contact direct avec Yasin. On a fait ce choix, car c'est une démarche qui a du sens. Elle permet une autre approche du handicap". Yasin est dans une bonne dynamique. Il poursuit ses rêves" conclu Olivier Poyard. Et il ne croit pas si bien dire.
Rien n'est impossible
Yasin Celik
Yasin a d'autres rêves. Depuis de nombreuses années, il parvient à rencontrer ses idoles, des stars du football. Il réussit même à les convaincre de participer à des vidéos avec lui. Il se rêve aussi comédien et crée ses propres sketches qu'il publie sur les réseaux.
Il tire une leçon de cette aventure : "j'ai décroché un travail, car rien n'est impossible. Je vais continuer à faire mes vidéos avec de grands joueurs de foot même si pour le moment, c'est compliqué à cause de l'épidémie. Mes prochains défis : devenir comédien et participer à des programmes d'aventure à la télévision".
Yasin s'est fait une liste de rêves à réaliser. Il n'exclu pas de revenir à Nancy, pourquoi pas comme prof de sport à l'Institut des jeunes sourds ou pour enseigner l'électricité. Lorsqu'il vient dans la cité ducale, c'est pour rendre visite à son frère et à ses amis et pour aller voir un match de l'ASNL.