La chapelle "Notre Dame du fer" à Chaligny, près de Nancy (Meurthe-et-Moselle) fut construite avec l'argent et la sueur des mineurs et des sidérurgistes. Sa mise en vente par l'évêché déclenche la mobilisation des associations de défense du patrimoine. Elles veulent sauvegarder un des derniers témoins du passé usinier de la vallée.
La chapelle "Notre Dame du fer" se dresse à mi-côte de la rue Edmond Pintier et domine l'ancienne vallée usinière de Chaligny (Meurthe-et-Moselle), près de Nancy. A première vue, elle ne présente pas de caractère architectural remarquable. Il faut écouter la cinquantaine d'habitants réunis au crépuscule devant le portail ce samedi 7 janvier 2023 pour comprendre leur attachement à ce modeste édifice : " ce sont quand même nos pères, des usiniers et des mineurs qui ont construit cette chapelle sur un terrain de l'usine." Croyants et non-croyants, unis dans le défense de la chapelle assistent à la messe de l'Epiphanie.
On pense franchement que le but, c'est de la raser pour récupérer le terrain
Sylvio Ciccotelli, président de "Chaligny Patrimoine"
Une cérémonie avec une charge émotionnelle particulière. L'Evêché veut mettre en vente le bâtiment. Les associations patrimoniales s'y opposent. Sylvio Ciccotelli, président de "Chaligny Patrimoine" considère que ce lieu est sacré et ne peut faire l'objet d'une opération immobilière : "on pense franchement que le but, c'est de la raser pour récupérer le terrain. On est en train de toucher au sacré. Oui oui, c'est du sacré !" Dans ce terme "sacré", il faut entendre le sens religieux mais aussi la dimension historique et culturelle du lieu. "Notre Dame du fer" a été édifiée voilà bientôt 70 ans avec l'argent et les bras des hommes du fer.
Une chapelle ouvrière
La chapelle a été construite en 1956 sur les plans de deux habitants de la ville voisine de Pont-Saint-Vincent (Meurthe-et-Moselle). Le chantier fût conduit par un porion et une équipe de mineurs et sidérurgistes sur le mode des constructions "Castors". Né après la seconde guerre mondial, "les Castors" est un mouvement coopératif où des particuliers s'unissent pour bâtir bénévolement leurs maisons :" elle a une particularité, elle a été construite tant par des croyants que par des non-croyants, tous bénévoles. C'est une chapelle ouvrière. "
Martine Maucotel, présidente du "comité de Sainte-Barbe" renchérit : " comme dans tout village où toute ville, il me semble que l'on a un devoir de mémoire. Il faut un lieu pour ce devoir de mémoire. Quel meilleur lieu que celui-ci ?" Les défenseurs de la chapelle ne sont pas opposés à la vente mais souhaitent que la municipalité puisse l'acquérir pour l'euro symbolique car la collectivité en a supporté jusqu'à aujourd'hui les charges d'entretien.
Martine Maucotel lâche cette phrase : " enfin, je veux dire qu' il n' y a aucune prise en compte de l'histoire." Une petite phrase lourde de sens car elle touche à la maltraitance de la mémoire ouvrière en Lorraine. Il est bon de rappeler que " les hommes du fer " n'ont pas seulement produit de l'acier mais aussi une culture. Difficile d'admettre pour les habitants des vallées usinières de voir effacer de leurs paysages quotidiens les derniers témoignages de leur passé comme furent ferraillés dans la violence des crises leurs outils de travail.
Rencontrer l' Evêque
Le Domaine a estimé le prix de cette mémoire entre 50.000 et 60.000 €. Une somme importante car il faut aussi compter le coût des travaux de restauration. Notamment la toiture est à remplacer. Les défenseurs de "Notre Dame du fer" ont le projet d'en faire un lieu culturel. L'Evêque du diocèse étant parti en retraite, ils souhaitent rencontrer son remplaçant dans les meilleurs délais afin d'empêcher l'irréparable.