A 44 ans, Mathieu Klein ravit la ville de Nancy. Le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle entre dans l'histoire. La ville était dirigée par le centre-droit depuis la Libération. Mathieu Klein s'impose largement avec 54,53% des voix, devant le maire sortant Laurent Hénart
6 mai 2012, la Place Stanislas est noire de monde. La France vient de choisir François Hollande comme président de la République. A Nancy, le candidat socialiste a réalisé un très beau score avec 55% des voix. Trois points de plus qu'au niveau national. Une joie double pour Michel Dinet. Le président PS du Conseil général de Meurthe-et-Moselle prend alors la parole, roses à la main : “mes amis, quoi qu'en pense le locataire de l'hôtel de ville de Nancy, même Stanislas montre la direction du changement. Le changement c'est ici et maintenant.”
Ce soir-là, le vote national ouvre les yeux de la gauche locale qui prend réellement conscience que la mairie de Nancy est prenable. Son locataire d'alors, André Rossinot est vieillissant. Son dauphin, Laurent Hénart, vient de perdre les législatives. Rendez-vous est pris en 2014 pour faire tomber ce bastion du centre droit depuis la libération. La ville de Metz voisine y est parvenue quelques années plus tôt. “Ce moment, je m'en souviens très bien” raconte le nouveau maire de Nancy,”et Michel Dinet, j'y pense souvent et régulièrement car sans lui, sans son amitié, sans son compagnonnage et la fidélité et la force de nos relations, je ne serais pas là où j'en suis aujourd'hui.”Michel Dinet, j'y pense souvent... Sans lui, je ne serais pas là où j'en suis aujourd'hui
Flashback sur un CV
A 17 ans, Mathieu Klein adhère au Parti Socialiste. Nous sommes en 1992 et le lycéen s’engage en faveur du “oui“ au referendum de Maastricht. Le militant associatif se lance dans la foulée dans le syndicalisme étudiant à l'UNEF-ID. Deux ans plus tard, il fonde l’association Homonyme qui lutte pour l’égalité et contre l’homophobie. Un parcours qui le mène inévitablement aux responsabilités en politique. Après avoir été responsable du Mouvement des jeunes socialistes, il devient secrétaire de la section de Nancy du PS, puis conseiller général du canton de Nancy-Nord en 2004 avant d'être réélu en 2011. En 2008, il devient conseiller municipal et métropolitain de Nancy.2014 : une année noire
Entre temps, il est désigné premier secrétaire du Parti socialiste de Meurthe-et-Moselle et membre du bureau national du PS en 2008. A Paris, Martine Aubry le recrute dans son équipe de campagne pour les primaires. A Nancy, il est vice-président avant d'en devenir le président à 38 ans dans des circonstances dramatiques. En pleine campagne des municipales, la veille du second tour, Michel Dinet perd le contrôle de son véhicule sur la route départementale 4, près de Vannes-le-Châtel, une commune dont il avait été le maire pendant près de trente ans. Il décède à l'âge de 65 ans. 2014, c'est aussi le premier échec aux municipales pour Mathieu Klein face à… Laurent Hénart (UDI). Le dauphin d'André Rossinot l'emporte dans la course à la mairie avec 52,91% au deuxième tour. Un remake de leur première confrontation en 2007, lors des législatives, dans la première circonscription de Meurthe-et-Moselle. Laurent Hénart avait battu Mathieu Klein d'une courte tête : 50,8% pour le candidat UMP et 49,2% pour le candidat PS. A chaque fois, les sondages donnaient Mathieu Klein gagnant.2020 : année charnière
Jamais deux sans trois ? La troisième confrontation a finalement été fatale à Laurent Hénart. Cette fois, la stratégie de Mathieu Klein a payé. Pas de divisions entre alliés potentiels dès le premier tour et tout le monde derrière un leader. L'idée est simple mais terriblement efficace : un dépoussiérage en règle de la gauche plurielle. Mais sa liste, composée d'écolos, de socialistes, de communistes... a toujours été perçue comme citoyenne. C'est sans doute là, la réussite de cette liste qui ne s'est jamais affichée et qui ne s'est jamais perdue dans des affrontements politiciens et dogmatiques.Et ce n'est pas la tentative de discréditer le candidat socialiste en fin de campagne qui restera sans doute dans les annales (“votez Klein, c’est voter communiste“) ou la promesse du chaos une fois au pouvoir annoncée par Laurent Hénart qui bouleverse les choses. Les Nancéiens ont fait le choix d'un second souffle que Laurent Hénart n'a jamais vraiment réussi à incarner dans cette campagne. “Je crois qu'il y a une attente très forte de renouvellement et de changement à Nancy. Je l'entends tous les jours. Ce n'est pas seulement la volonté de changer d'équipe mais arrêter de faire de Nancy la ville de la bétonisation” explique Mathieu Klein, “Nancy n'a pas pris le virage de la transition écologique. Elle a fait l'impasse sur le retour de l'eau en ville. Il y a urgence en matière de redynamisation commerciale. Il y a une impatience et les Nancéiens l'expriment. Ils ont peur que la ville stagne alors que ses atouts sont innombrables : université, histoire... mais le premier atout, ce sont les habitants qui sont attachés à une qualité de vie et un art de vivre. Et ça, ils veulent le faire en s'affranchissant des questions politiques. C'est pour ça que les vieilles lunes que nous ressasse la majorité sortante depuis quelques semaines n'ont aucun effet, ça ne correspond plus à ce que les gens attendent de la politique aujourd'hui.” A Mathieu Klein l'idée d'une ville nouvelle ouverte sur le monde. A Laurent Hénart, le sentiment d'un Nancy recroquevillé... désespérément bétonné. Voire dépassé.
Dans le programme de Mathieu Klein, on pouvait également lire une autre affirmation : “Je vis avec mon mari, médecin généraliste et nos trois enfants au Faubourg des 3 Maisons.” Sans en jouer et sans en abuser, Mathieu Klein s'est donc affirmé comme un maire ouvertement gay. A 44 ans, celui qui avait été porte-parole de Manuel Valls lors de la primaire citoyenne de 2017 et qui avait refusé la proposition d'entrer au gouvernement d'Edouard Philippe en 2018 remporte sa plus belle victoire politique. Celle qu'il désirait par dessus tout. A Nancy, cette volonté de changement a rencontré un projet, une méthode mais surtout un homme, déterminé à tourner la page de ce que beaucoup d'observateurs locaux qualifiaient de système à bout de souffle. "Je sais qu'il n'y aura pas d'état de grâce" a déclaré Mathieu Klein dimanche 28 juin 2020 au micro de France 3 Lorraine, "il faut immédiatement se mettre à la tâche." Mathieu Klein s'est donne 100 jours pour "relancer la ville" de Nancy.