Au second tour de cette présidentielle 2022, Marine Le Pen n'en a remporté que deux départements en Lorraine : la Meuse et les Vosges. Toutefois le score au 1er tour de Jean-Luc Mélenchon et l'abstention peuvent eux aussi, avoir des conséquences pour le troisième tour, celui des élections législatives. Alors, les actuels députés lorrains sont-ils menacés ?
Au lendemain du second tour de l'élection présidentielle 2022, ce lundi 25 avril, nous nous intéressons déjà au troisième tour, celui des élections législatives, avec une question : quelles conséquences pourraient-avoir les votes du premier et second tour pour les actuels 21 députés lorrains ?
Il est, en réalité, très difficile de répondre, ce lundi matin, à cette question.
Et pour de multiples raisons :
- Peu de députés ont annoncé vouloir se représenter
- Nous ne savons peu de choses des accords de partis dont certains n'ont même pas encore commencé à discuter.
- les abstentionnistes de la présidentielle se mobiliseront-ils pour ces législatives ?
- que feront les électeurs des candidats à la présidentielle 2022 qui n'ont pas d'ancrage local ?
Autant de questions qui jettent un flou important sur ce scrutin du mois de juin.
Triangulaires et abstention
Prenons un cas concret, celui des députés LREM de Lorraine, des 1ère et 2e circonscriptions de Meurthe-et-Moselle et des 1ère, 2e, 3e et 9e circonscriptions de la Moselle.
Lors des trois derniers scrutins, (1er tour de la présidentielle 2022 et législatives 2017), le vote LREM (2017) ou Macron (2022) est à chaque fois arrivé en tête dans chacune de ces six circonsriptions. Un député LREM pourrait donc, très probablement, y être élu en juin prochain.
Mais est-ce si sûr ?
Observons que la somme des votes du Rassemblement National et de La France Insoumise -complétés par les suffrages qui se sont portés sur des tendances qui leur sont proches dans ces circonscriptions (Zemmour, Lassalle, Dupont-Aignan d'un côté, Roussel, Poutou, Arthaud voire Jadot et Hidalgo de l'autre)-, met leurs candidats (s'ils en ont), au coude à coude avec les candidats LREM. Ou en tout cas, dans des chiffres relativement proches.
Dès lors, doit-on envisager des triangulaires systématiques dans ces circonscriptions ?
Pourquoi pas. Mais cela ne serait possible que si le nombre de voix, exprimées au 1er tour, donnait à chacun des trois candidats au moins 12,5% du nombre d'électeurs inscrits dans la circonscription. Condition indispensable pour pouvoir accéder au second tour. Or, avec une forte abstention, rien ne garantit que ce chiffre de 12,5% serait atteint.
Exemple en 2017 sur la 1ère circonscription de Meurthe-et-Moselle.
Voici les résultats du 1er tour, pour les 3 premiers candidats : :
Liste des candidats | Nuances | Voix | % Inscrits | % Exprimés | Elu(e) |
---|---|---|---|---|---|
Mme Carole GRANDJEAN | REM | 13 593 | 17,14 | 34,50 | Ballotage** |
Mme Chaynesse KHIROUNI | SOC | 5 704 | 7,19 | 14,48 | Ballotage** |
M. Eric PENSALFINI | DVD | 5 610 | 7,08 | 14,24 | Non |
Mme Grandjean, LREM, arrivée en tête, ne peut pas être élue. Car elle n'a atteint ni les plus de 50% des suffrages exprimés (34,5%), ni au moins 25% des inscrits (17,14%). Ces deux conditions sont indispensables pour une élection au 1er tour. Elle va donc au second tour.
Mais qui face à elle ?
Seules 94 voix séparent Mme Khirouni (PS) et M. Pensalfini (DVD). Mais aucun de ces deux candidats n'obtient les 12,5% des inscrits. Notamment en raison de la forte abstention lors de ce 1er tour : 49,62%. Ils ne devraient donc pas être présents au second tour.
Sauf qu'il faut un adversaire à Mme Grandjean. Ce sera donc Mme Khirouni, même avec 7,19% des inscrits. Qui sera battue au second tour. CQFD
Le cas Fiat
Si en 2017, le portrait-robot du député lorrain évoquait un homme de 45 ans, plutôt novice et CSP+, voire CSP++, Caroline Fiat, députée de la 6e circonscription de Meurthe-et-Moselle (Pont-à-Mousson), est assez éloignée de cette figure. Première aide-soignante à siéger à l'Assemblée nationale, cette mère de quatre enfants, militante communiste depuis son adolescence, porte les couleurs de la France Insoumise, après s'être rapprochée de Jean-Luc Mélenchon dans les années 2010.
Son élection en 2017 en avait surpris plus d'un, elle la première. Les divisions de la droite -qui présentait deux candidates face à elle- et une forte implantation du Front National (qui portait alors encore ce nom) l'avaient amenée au 2e tour face au candidat du FN. Un duel extrême-droite contre extrême gauche totalement inédit dans cette circonscription. Qu'elle a emporté avec l'appui d'un front républicain.
Question : les 11.192 voix de son adversaire FN au 2e tour de 2017, alors que 53.927 électeurs s'étaient abstenus (61,6%), sont-elles à comparer avec les 19.999 voix engrangées dans la 6e circonscription par Marine Le Pen, arrivée en tête au 1er tour de la présidentielle de 2022 (soit un score proche de la présidentielle de 2017 : 20.090 voix avec également une 1ère place au 1er tour). Jean-Luc Mélenchon, lui, arrivé second en 2017 au 1er tour (15.114 voix), n'a pris que la 3e position il y a 15 jours (13.965 voix), derrière Emmanuel Macron. Le poids de l'électorat du RN et celui des électeurs de Macron dans la circonscription, semblent tels que la voie d'une réélection de Caroline Fiat parait assez réduite.
Ce qui n'empêche pas la députée insoumise de penser à y retourner.
Boule de cristal
On pourrait encore évoquer plusieurs cas.
Celui des députés LR vosgiens : Marine Le Pen est arrivée largement en tête dans ces quatre circonscriptions au 1er tour. Où Valérie Pécresse a tout simplement été laminée, sans jamais dépasser 5% des suffrages. Leur électorat de 2017 existe-t-il encore ? Va-t-il basculer vers un vote LREM, choisira-t-il de s'abstenir ou se portera-t-il vers une autre étiquette ? Bien malin qui pourrait aujourd'hui le dire. Une boule de cristal peut-être.
L'appel d'Éric Zemmour (Reconquête) en faveur d'une union de la Droite extrême et populiste sera-t-il entendu par Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan ou Jean Lassalle, voire par une partie de l'électorat LR ?
Celui de Jean-Luc Mélenchon en faveur d'un rassemblement de la Gauche (PS) et de l'extrême-gauche (NPA, LO), dans une "nouvelle union populaire qui doit s’élargir", dont il prendrait la tête en vue de devenir Premier ministre, peut-il voir le jour ? Ce n'est en tout cas pas le souhait de Mathieu Klein, maire (PS) de Nancy et du Grand Nancy : "Ce soir, aucun leader ne saurait porter à lui seul les voix de toute la gauche."
Une cohabitation est-elle inéluctable ?
L'étiquette LREM suffira-t-elle, comme parfois en 2017, à élire suffisamment de députés pour conserver une majorité à l'Assemblée nationale au soir du 19 juin ?
Résumant la situation, dimanche 24 avril dans la soirée, Christophe Choserot (LREM), maire de Maxéville et président du groupe Centristes et Territoires à la Région Grand Est indiquait que désormais "une nouvelle campagne s'ouvre à nous, celle des législatives, qu'il faut mener dans chacune des circonscriptions."
Ces quelques rappels permettent de comprendre tout le poids que peuvent jouer les tractations, la mobilisation citoyenne, l'abstention et les reports de voix dans une élection. Et plus encore dans une élection aussi incertaine que celle qui se profile au moins de juin prochain.
En conclusion, ce lundi 25 avril, la seule chose dont on peut être certain, c'est qu'aucun des 21 actuels députés lorrains (élus en 2017) n'est assuré à 100% de conserver son mandat.