Comme tous les directeurs des écoles nationales supérieures d'architecture de France, la directrice de l'ENSA de Nancy signe une tribune qui appel "à un investissement massif" afin de former les futurs architectes. Un texte soutenu par plusieurs étudiants.

Comme les 19 autres dirigeants des écoles nationales supérieures d'architecture de France, Gaëlle Perraudin, directrice de l’ENSA Nancy depuis 3 ans, est signataire de la tribune publiée dans le journal Le "Monde" vendredi 2 décembre 2022. Comme ses confrères et consœurs, elle appelle "à un investissement massif dans l’enseignement de l’architecture afin de former les futurs acteurs de la transition". 

Alors que le nombre total d‘étudiants, toutes filières confondues, a progressé en France, celui des 20 ENSA stagne depuis une vingtaine d’années. Un chiffre et un manque d'établissement dans l'hexagone qui pourrait aussi expliquer le "déficit d'ingénierie dans l'aménagement de certains territoires", avance l'ex-architecte des bâtiments de France. Comme l’ensemble du collège des directeurs signataire du document, elle craint "que la France ne souffre bientôt d’une pénurie d’architectes si rien n’est fait". Car le pays est celui d'Europe "qui recense le moins d’architectes avec 30 000 architectes inscrits à l’ordre, contre 56 000 en Espagne, 111 000 en Allemagne et 160 000 en Italie. L’âge moyen des architectes français, 51 ans, laisse imaginer la pénurie à venir d’ici la prochaine décennie", explique le texte. 

L’âge moyen des architectes français, 51 ans, laisse imaginer la pénurie à venir d’ici la prochaine décennie

Signataires de la tribune

Le Monde

Pour exemple, "il n'y a pas d'école d'architecture en Champagne-Ardennes. Ça a toujours été un regret de la part des collectivités", indique Mme Perraudin. "Quand il n'y a pas d'école sur un territoire, on peut potentiellement remarquer moins de qualités architecturales.

3 écoles dans le Grand Est 

Les études en architecture se déroulent sur 5 années. Dans le Grand Est, trois établissements forment les maîtres d’ouvrage ou urbanistes de demain : l'ENSA de Nancy, en plus de celui de Strasbourg et dans la même ville, l'Institut national des sciences appliquées (INSA) qui forment des ingénieurs

Sur les 20.000 étudiants en architecture de France, 700 sont formés à l'école nancéienne de l'ENSA. Parmi eux, Simon Chevalier, originaire d'Angers et qui est justement venu étudier dans la capitale Lorraine "par manque de place". Le jeune homme est donc solidaire de la tribune signée par la directrice de son école. "C'est un appel à l'aide. On tend vers une profession qui n'est pas valorisée comme elle devrait l'être avec les enjeux sociaux et écologiques que nous connaissons", soutient Simon.   

Les ENSA relèvent du ministère de la Culture. Ces établissements publics administratifs délivrent le diplôme d’architecture d’État. "Au cœur des enjeux de lutte contre le réchauffement climatique et de sauvegarde de la biodiversité, elles ont créé de nombreux diplômes de spécialisation dans la conception postcarbone ou l’urbanisme par exemple", rappellent les dirigeants signataires de la tribune, qui dénoncent également le manque de moyens dont disposent leurs écoles pour affronter ces défis. "C'est exactement aussi ce que l'on ressent en tant qu'étudiant", confie Simon Chevalier. 

Faire évoluer les formations

"On manque vraiment de moyens dans ces écoles. Les écoles d'archi ont moins de subventions que les écoles d'arts ou d'ingénieurs et du coup ça limite nos enseignements. Nos professeurs sont obligés de chercher des fonds extérieurs à l'école pour nos ateliers de projets, nos voyages scolaires, etc. Ça nous oblige dès fois à bricoler et à sortir nos fonds propres en tant qu'étudiants", témoigne l'Angevin âgé de 23 ans. 

Nos professeurs sont obligés de chercher des fonds extérieurs à l'école (...) ça nous oblige dès fois à bricoler et à sortir nos fonds propres

Simon Chevalier

Étudiant à l'ENSA de Nancy

Pour répondre au défi de la transition écologique, il faut former plus d'architectes avec plus de moyens, selon la directrice de l'ENSA de Nancy. Mais aussi leur dispenser des formations adaptées : "Notre quotidien, c'est de requestionner en permanence cette formation, parce que le but c'est vraiment de former les architectes de demain et même d'anticiper les évolutions sociétales et environnementales qui vont très très vite". 

Pour se faire, des formations pluridisciplinaires sont déjà mises en place dans les différents établissements du pays, comme les double cursus avec les écoles d’ingénieur. À l'image de celui de l'ENSA de Nancy avec l'ENSTIB, l'École nationale supérieure des technologies et industries du bois. "Cela permet d'avoir une connaissance plus approfondie de la question des constructions avec des matériaux biosourcés en lien avec les filières de productions locales. C'est un vrai besoin qu'il faudrait encore plus developper au regard de l'urgence climatique", argumente la responsable. 

Elle insiste, la formation en architecture n’est pas un enjeu professionnel, c’est un enjeu sociétal et environnemental : "Après les crises sanitaires, on a tous été sensibilisés à l'importance de notre cadre de vie, avoir un extérieur dans son logement pour être en lien avec la nature. C'est clairement au cœur des missions des architectes". 

Un manque de reconnaissance

En France, l'expertise d'un architecte est obligatoire à partir de 150 m2 de construction neuve. "En dessous, les particuliers font souvent le choix d'une architecture d'économie au détriment d'un bâti adapté aux enjeux environnementaux actuels", précise Mr Chevalier. 

Pour Gaëlle Perraudin, il faudrait "peut-être élargir à tous les niveaux le relais législatif qui appuie l’expertise de l'architecte en France. Dans certains pays, on fait appel à un architecte dès le premier mètre carré. Or, il faut l'expertise essentielle d'un architecte pour des projets aussi ambitieux que la rénovation énergétique si on veut effectivement réduire nos factures et le bilan carbone." 

le monde des agences n'est pas aussi beau qu'on l'imaginait

Simon Chevalier

Étudiant à l'ENSA de Nancy

Une baisse de la reconnaissance professionnelle dont nous a également fait part Simon Chevalier : "On se dit tous qu'on n'est pas valorisés à juste titre. Beaucoup d'étudiants se remettent en question. On se rend compte en stage que le monde des agences n'est pas aussi beau qu'on l'imaginait", nous livre l'étudiant.

"J'ai beaucoup de témoignages de camarades qui se demandent en sortant de stage s'ils ne vont pas se réorienter. La vie d'archi c'est beaucoup de paperasse avec la législation et beaucoup de temps passé à convaincre les uns et les autres qu'on a un rôle important. On est presque dévalorisés face aux ingénieurs des bureaux d'études alors que toute la pensée constructive et spatiale est faite en amont par l'architecte."

C'est spécifiquement pour Simon et ses camarades, que le collège des directeurs des ENSA de France (soutenu par des Grands Prix nationaux d’architecture et par la présidente du Conseil national de l’Ordre des architectes) a décidé de signer cette tribune qui réclame un "investissement massif". Pour continuer "à former ceux qui concevront, qui transformeront et qui prendront soin des nouveaux milieux au sein desquels les sociétés pourront s’épanouir".  

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