Une plaque commémorative pour les enfants juifs déportés de Lorraine

Après plus de 10 ans de recherches, d'enquêtes et de classement d'archives, l'AMEJDLOR (Association pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés de Lorraine) dévoile un mémorial pour ces enfants assassinés par les nazis.

La voix éraillée, le souffle court, Maurice Quenet épelle lentement, méticuleusement un nom gravé dans sa mémoire. "B.O.U.Y", il le répète, pour s'assurer que ce patronyme ne soit pas écorché. Charles Bouy était policier à Nancy pendant la seconde Guerre Mondiale. Avec sept collègues, au risque de leur vie, ils ont caché des Juifs pour les sauver de la rafle de Nancy, en 1942. "J'avais une dizaine d'années", raconte Maurice Quenet, "je ne me souviens pas de tout, mais je sais que Charles Bouy, nous a cachés, ma mère et moi, pendant plusieurs jours. C'est aussi grâce à lui et à Monsieur Pernin...P.E.R.N.I.N... que j'ai pu continuer à étudier pendant la guerre. Ils m'avaient inscrit à l'école Braconnot. Ils m'ont sauvé".

1160 enfants juifs déportés de Lorraine

 

Aujourd'hui, Maurice Quenet est membre de l'Association pour la Mémoire des enfants Juifs déportés de Lorraine. Car tous n'ont pas eu la chance d'être cachés. Sur les 11 400 enfants déportés de France, 1160 étaient originaires d'Alsace et de Moselle. Henri Rozenfarb, le président de l'association, est né après la guerre. "À la maison on parlait souvent de toutes les personnes de ma famille qui avaient été déportées, on les nommait, mais je n'avais aucun détail". Puis en 1995, Serge et Béate Klarsfeld publient le Mémorial des enfants juifs déportés de France. Plus de 1800 pages, et des milliers de photos. "Je m'y suis intéressé, et j'ai reconnu des photos qui étaient dans la boîte à chaussures de ma mère" raconte Henri Rozenfarb. Il entame alors un long travail de recherches sur sa famille. Son enquête le mène à Bordeaux, puis à Poitiers, où de nombreuses personnes avaient été déplacées. Là-bas, il retrouve , entre autres, des "attestations d'appartenance à la race juive" de sa famille. "Le premier soldat allemand a mis les pieds en France en 1940, mais avant même l'arrivée de Pétain au  pouvoir, en juillet 1940, le préfet de Nancy s'appuyait sur un décret du gouvernement Daladier pour « éloigner des frontières avec l'ennemi  les étrangers jugés dangereux pour la sécurité du pays »" raconte Henri Rozenfarb.

La communauté juive d'Alsace, pourtant présente dans la région depuis Louis XIV, est alors déplacée. Des représentants du gouvernement nazi appliquent consciencieusement ce qu'ils appellent le "Judenrein", la "purification de toute présence juive" en Alsace et en Moselle. "Quand je suis arrivé à Poitiers pour retracer l'itinéraire des membres de ma famille, j'ai découvert des dizaines de noms d'enfants juifs lorrains" se souvient Henri Rozenfarb "Je me suis dit que je ne pouvais pas me cantonner à ma famille, j'ai donc étendu mes recherches, j'ai fait des tableaux Exel, j'ai d'abords recensé tous les noms lorrains, puis mon attention s'est portée plus particulièrement sur les enfants". Du convoi numéro 8, parti le 20 juillet 1942, jusqu'au convoi 77 parti le 30 juillet 1944,  1160 enfants juifs lorrains sont déportés. 

Une plaque commémorative 


Après plus de 10 ans de travail, l'Association pour la Mémoire des Enfants Juifs déportés de Lorraine dévoile une plaque commémorative sur la laquelle 1160 noms sont gravés. "C'est une satisfaction un aboutissement, mais aussi le début de quelque chose" confie le président de l'association "car grâce à ce mémorial, peut-être que certaines personnes vont découvrir des noms et se lancer eux-mêmes dans un travail de recherche. J'ai déjà reçu des appels pour avoir des informations sur des familles déportées". 


C'est en quelque sorte un passage de témoin, pour ce médecin retraité qui a consacré tant de temps aux archives. Depuis plusieurs années déjà, l'association organise des discussions avec des classes de 3ème et de 1ère. "Le dévoilement de cette plaque commémorative est aussi l'occasion de donner à voir le vaste travail pédagogique de nos enseignants autour de la transmission de la mémoire" explique Richard Laganier,  recteur de l’académie de Nancy-Metz. 
Le mémorial est placé au cœur du nouveau rectorat. "Par les temps qui courent et l'augmentation inquiétante des actes antisémites, c'est important d'avoir un lieu, et un objet concret pour se rappeler" conclue Maurice Quenet. Car parfois les mots ne suffisent pas. 

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