Nucléaire : les expropriations relancent la mobilisation des opposants à Cigéo, "il ne faut pas céder, mais résister"

Le lancement des procédures d'expropriations ravive la mobilisation des opposants au projet d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Ils ont organisé une réunion d'information pour dénoncer et empêcher "l'accaparement des terres par l'Andra".

Un calme trompeur règne dans la campagne autour du laboratoire d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure (Meuse). Si le chant des oiseaux et le verdissement des pâtures annoncent le retour du printemps, l'arrivée en recommandé des dossiers de l'enquête parcellaire dans les boîtes à lettres des propriétaires fonciers et futurs expropriés annonce à coup sûr une prochaine tempête anti-Cigéo.

Les opposants ont bien l'intention de faire de cette étape procédurale, un nouveau champ de bataille. Ils ont organisé mercredi 20 mars à Mandres-en-Barrois, une réunion d'information à destination des propriétaires et agriculteurs concernés par les terrains convoités par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Il manque à l'agence cent vingt hectares. Trois cents propriétaires sont concernés.

Constitution d'un groupe foncier juridique des opposants

Depuis la déclaration d'utilité publique publiée au journal officiel le 8 juillet 2022, l'Agence de gestion des déchets nucléaires peut lancer l'enquête parcellaire afin d'identifier les propriétaires, prélude aux procédures d'expropriation des terrains nécessaires à la construction des infrastructures de Cigéo et lancer les travaux préparatoires.

Devant une assistance de soixante personnes, les organisateurs ont dénoncé le passage en force et affirmé qu'ils entendent bien entraver la marche du "rouleau compresseur de l'Andra".Ils ont mis sur pied "le groupe foncier juridique des opposants(e)s à Cigéo" afin de donner des outils juridiques aux propriétaires qui ont besoin d'informations ou refusent les expropriations.

Céder maintenant, c'est laisser un boulevard à l'Andra.

Angélique Hugin membre du groupe foncier juridique des opposant(e)s

Angélique Hugin membre du groupe a planté le décor : "les dossiers qui arrivent dans vos boîtes à lettres, ça ne veut pas dire que c'est plié. Il faut résister. C'est l'objectif de cette réunion".

Un mois pour participer à l'enquête publique

Dans l'assistance, des militants antinucléaires, mais aussi des propriétaires souvent déboussolés face à une procédure qu'ils jugent obscure. Ils ont un mois pour participer à l'enquête publique [elle s'achèvera le 12 avril 2024 N.D.L.R] puis décider s'ils acceptent ou non les propositions d'indemnisations de l'Andra. En cas de refus, il leur faudra s'engager dans la voie judiciaire et saisir le juge de l’expropriation.

Jean-Louis est agriculteur retraité. Il possède ce qu'il appelle une belle pâture de trois hectares pour les bovins, alimentée par une source : "je ne comprends rien. J'ai cette parcelle près de la ligne de chemin de fer, mais je n'ai même pas un mois pour m'informer. C'est un bien de famille et aussi une réserve de biodiversité, ça me désole". La pâture jouxte la future voie ferrée qui acheminera les déchets et fait l'objet d'une procédure d'expropriation. 

La voie ferrée de la discorde

Cette ancienne voie de chemin de fer désaffectée, longue de quatorze kilomètres, concentre l'attention de l'Andra et des opposants. Pour la première, elle est l'embranchement indispensable pour la desserte des installations. Pour les seconds, colonisée par la nature, elle présente l'aspect d'une haie sauvage où se devine encore le tracé de la ligne. Ils la considèrent comme un couloir écologique qu'il faut à tout prix conserver en l'état.

La gare désaffectée de Luméville en bordure de la voie est occupée depuis quelques années par les opposants qui ont barricadé les lieux. Les champs attenants sont cultivés en collectivité, essentiellement pour du maraîchage.

Jean-Pierre Simon doit aussi céder huit parcelles qui jouxtent la voie. Plan cadastral à l'appui, l'agriculteur montre le morcellement qui brise l'unité de son terrain : "avec ce qu'il me reste, la parcelle sera inexploitable ! l'Andra se sert et vous laisse les morceaux. C'est ça qui me choque".

Une autre propriétaire s'inquiète aussi de la perte de valeur des terrains et des habitations à cause de la future présence des déchets nucléaires en sous-sol, ce que l'on appelle en termes juridiques les tréfonds [le stockage est prévu à cinq cents mètres de profondeur, mais les propriétaires gardent la jouissance de leurs terrains et biens en surface [N.D.L.R]

Des mobilisations et des actions à venir

Etienne Ambroselli, avocat des opposants et conseil du groupe foncier juridique, explique qu'il existe des voies de recours possibles : "l'Andra doit prouver que les parcelles visées sont strictement nécessaires au projet, or, l'agence n'a rendu public aucun plan précis des installations. Vous pouvez donc contester le bien-fondé des emprises". Il conseille aussi aux habitants de se déplacer pour mettre noir sur blanc les questionnements et griefs dans le registre tenu par le commissaire-enquêteur pendant la phase d'enquête publique.

Avant de lever la séance, Angélique Hugin précise que le décret de création de Cigéo en établissement industriel n'est pas encore signé. Cette étape cruciale est prévue en 2027. Les opposants savent que la guérilla sur le front judiciaire ne peut suffire. Ils appellent à une large mobilisation pour soutenir les propriétaires visés par les expropriations. Des actions sur le terrain sont déjà prévues.

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