Maurice Genevoix : « un de 14 » au Panthéon (1/5)

Le 6 novembre 2018, lors de son « itinérance mémorielle » marquant la fin du centenaire de la Grande Guerre, Emmanuel Macron faisait une halte aux Eparges, où il a annoncé que l'écrivain ferait son entrée au Panthéon. La cérémonie doit avoir lieu ce 11 novembre 2020. 

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Qui connait encore Maurice Genevoix ? Il suffit de poser la question au hasard pour se rendre compte que l'écrivain n'évoque plus aujourd'hui pour beaucoup qu'un nom d'établissement scolaire voire rien du tout.

Son propre petit-fils, Julien, a mis beaucoup de temps à faire connaissance avec ce grand-père mort quelques mois avant sa naissance :« Mon premier sentiment sur mon grand-père était celui d'un enfant qui a vécu ses premières années dans son absence, trop lourde pour les personnes qui lui avaient survécu. […] Cet homme qui n'était plus là occupait tant les conversations familiales que j'ai toujours eu l'impression de l'avoir connu. »

Cet homme qui n'était plus là occupait tant les conversations familiales que j'ai toujours eu l'impression de l'avoir connu.

Julien Larère-Genevoix (dans "Comme on peut", CreaphisEditions)

Maurice Genevoix est né le 29 novembre 1890 à Decize dans la Nièvre. Mais il a passé son enfance dans le Loiret, à Châteauneuf-sur-Loire où ses parents tenaient une boutique faisant épicerie, quincaillerie et mercerie. Une enfance heureuse, au contact de la nature, pendant laquelle le petit Maurice fait preuve d'un sens aigu de l'observation et d'une capacité à s'émerveiller et imaginer. A 12 ans, et alors qu'il est en pension, il apprend la mort de sa mère. Très affecté, il trouve le réconfort au bord de la Loire, fleuve qui l'accompagnera tout au long de sa vie et de son oeuvre.
Elève brillant, mais aussi frondeur, Maurice Genevoix, après son baccalauréat, entre en octobre 1908 en classe préparatoire à l'Ecole normale supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Reçu en 1911, il effectue dans un premier temps son service militaire. Période pendant laquelle il se distingue par ses aptitudes physiques.

Il rejoint ensuite l'Ecole normale supérieure. Rue d'Ulm, dans ce lieu dédié à la formation  d'élites de la nation, il se révèle être un étudiant cultivé et drôle. Son style est notamment remarqué par le secrétaire général de l'école, Paul Dupuy.
 

Quand on a été dans sa jeunesse confronté à la mort, on comprend que la vie est une chose merveilleuse

Maurice Genevoix

Ces études terminées, il prévoit d'entamer une année de préparation à l'agrégation de Lettres. Mais nous sommes en août 1914. La guerre éclate et Maurice Genevoix est mobilisé en tant que sous-lieutenant. Il rejoint le 106e régiment d'infanterie à Châlons-sur-Marne et combat en Meuse. Mais sa guerre s'arrête le 25 avril 1915 lorsqu'il est grièvement blessé...Il écrira plus tard :«Quand on a été dans sa jeunesse confronté à la mort, on comprend que la vie est une chose merveilleuse ».
La guerre de 14-18, c'est avec une plume qu'il va la poursuivre. Encouragé par Paul Dupuy, Maurice Genevoix s'attelle dès 1916 à raconter son expérience de combattant dans trois livres : « Sous Verdun », « Nuits de guerre » et « Au seuil des guitounes ».Puis, après l'armistice, ayant renoncé à passer l'agrégation de lettres, il décide de vivre pour lui-même et d'écrire. Revenu chez son père à Châteauneuf, il retrouve la Loire et ses paysages qu'il met à l'honneur dans « Rémy des Rauches », livre remarqué par la critique qui fait de lui un jeune talent à suivre.
En 1925, il publie « Raboliot » et obtient le prix Goncourt. Dessinateur et peintre à ses heures, c'est surtout par ses mots qu'il décrit la nature et ses liens avec l'homme. Une thématique omniprésente dans la soixantaine d'ouvrages qu'il signe entre 1916 et 1980.

Profondément attaché à la région de son enfance, il trouve une maison à Saint-Denis-de-L'Hôtel et s'y installe. Curieux de tout, il multiplie cependant les voyages : en Europe et en Afrique. En 1937, il se marie. Mais sa femme décède l'année suivante. Il part alors pour le Canada. La nature sauvage qu'il découvre de l'autre côté de l'Atlantique, et les rencontres qu'il multiplie, le font renaître.

Le grand pays n'avait pas seulement élargi ses perspectives, il lui avait confirmé ce que le fleuve qui coulait en bas de sa maison lui suggérait : que la vie est une force invincible.

Michel Bernard (dans « Pour Genevoix », éditions La Table Ronde)

Revenu en France, il vit une nouvelle déclaration de guerre. En juin 1940, les Allemands atteignent la Loire. Il se réfugie dans sa belle-famille au Sud. C'est pendant cette période qu'il fait la connaissance d'une veuve, Suzanne, et de sa fille, Françoise. Tous trois s'installent dans sa propriété de Saint-Denis-de-L'Hôtel qui a été pillée et détruite.

Maurice Genevoix a perdu sa maison, mais il a retrouvé une famille. Le mariage a lieu en 1943 et en mai 1944 naît une fille, Sylvie. Dans sa vie, comme dans le pays meurtri par l'Occupation, l'heure est à la reconstruction et à une nouvelle vie. Vie auprès de sa femme et de ses filles. Vie littéraire. En 1946, il fait son entrée à l'Académie Française. Il en deviendra le secrétaire perpétuel en 1958.

Une période marquée par de nombreux voyages dans le monde. Par des mondanités aussi, fréquentant réceptions et soirées aux côtés des vedettes d'alors. Membre du jury du festival de Cannes en 1966, on le voit ainsi aux côtés de Sophia Loren.
Malgré ses multiples obligations, Maurice Genevoix continue à publier des livres. Il observe les bouleversements du monde rural qu'il aimait tant : industrialisation de l'agriculture, distanciation des liens sociaux, pollution...« Il fut l'un des plus grands témoins de la Première Guerre mondiale […], l'un des premiers écologistes de France célébrant le vivant et les richesses de la nature, l'un des ces observateurs attentifs de l'évolution de la société de consommation, de ses méfaits et de ses abus. », écrivent Aurélie Luneau & Jacques Tassin (dans « Maurice Genevoix », éditions Flammarion).
Pour se consacrer davantage à l'écriture, et surtout à sa famille, il démissionne de son poste de secrétaire perpétuel de l'Académie Française en 1973. Du jamais vu! A 84 ans, il se lance dans l'écriture d'un roman en forme de testament : « Un jour ». Invité régulièrement à la télévision, il multiplie les projets, peint entre deux promenades, et continue d'écrire, notamment pour les enfants. Maurice Genevoix savoure les moments avec Charlotte, la fille de Sylvie. Le 8 septembre 1980 il l'a au téléphone : sa petite-fille commence à marcher. Quelques heures plus tard l'écrivain s'éteint. Il avait 89 ans.

Pourquoi le Panthéon ? 

Après la mort de Maurice Genevoix, sa fille Sylvie assure la conservation de ses écrits, de ses correspondances, de ses dessins et de ses aquarelles.Directrice littéraire chez Albin Michel, journaliste au Figaro et à l'Express, membre pendant six ans au Conseil supérieur de l'audiovisuel, elle mène un combat de tous les instants pour perpétuer le souvenir de son père et de son œuvre.
A l'approche du Centenaire de la Grande Guerre naît l'idée de faire entrer Maurice Genevoix au Panthéon. Le but est de rendre hommage, à travers sa figure, à tous « Ceux de 14 » : ces combattants qui ont connu l'horreur entre 1914 et 1918. Une association, « Je me souviens de Ceux de 14 », est créée en 2010 pour porter le projet. Epaulée par son compagnon, l'économiste, journaliste et écrivain Bernard Maris, Sylvie Genevoix émet le souhait que cette panthéonisation se fasse le 11 novembre 2014.

Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, est favorable au projet. Mais les élections de 2012 rebattent les cartes. Cinq mois plus tard, Sylvie Genevoix décède. En 2015, alors que la France commémore simultanément le Centenaire de 14-18 et les 70 ans de la Deuxième Guerre Mondiale, François Hollande choisit de faire entrer quatre résistants, dont deux femmes, au Panthéon.
Bernard Maris, devenu président de l'association, continue à militer pour que Maurice Genevoix rejoigne les « grands hommes ». Mais le 7 janvier 2015, il est assassiné dans les locaux de Charlie Hebdo, journal où il signait une chronique économique.Dès lors, c'est le petit-fils de Maurice Genevoix qui prend la relève.
Entouré d'admirateurs de l'oeuvre de son grand-père, Julien Larère-Genevoix multiplie les initiatives pour faire connaître les écrits de guerre de l'écrivain : conférences, interventions dans des établissements scolaires, expositions et commémorations. L'élection présidentielle de 2017 vient relancer le dossier du Panthéon. Grand admirateur de Genevoix, Emmanuel Macron est particulièrement sensible à la démarche de son petit-fils.
« Je souhaite que l'an prochain ceux de 14, simples soldats, officiers, [...] mais aussi les femmes [...], tout ce grand peuple qui devint une armée victorieuse, soit honoré au Panthéon. » (extrait du discours d'Emmanuel Macron le 6 novembre 2018). Le Centenaire de la Grande Guerre est l'occasion de faire une annonce pleine de symboles.

Aux Eparges, le Président de la République annonce l'entrée de Maurice Genevoix au Panthéon. Non l'homme, mais l'écrivain-combattant, l'auteur de « Ceux de 14 », le porte étendard infatigable qui, jusqu'au bout de sa vie, oeuvra pour rappeler le sacrifice de ses camarades de tranchées. Annoncée pour le 11 novembre 2019, la cérémonie est repoussée d'un an, le monument n'étant pas prêt. Officiellement, l'Elysée justifie ce report en disant vouloir faire coïncider la panthéonisation avec le centenaire du choix du Soldat Inconnu, le 10 novembre 1920 à Verdun, et à son inhumation sous l'Arc de Triomphe à Paris.
Bibliographie : en plus des rencontres avec Julien Larère-Genevoix, deux ouvrages ont permis la réalisation de cet article :
  • « Maurice Genevoix » par Aurélie Luneau & Jacques Tassin (Flammarion) : la première biographie, richement illustrée, qui lui soit consacrée.
  • « Pour Genevoix » par Michel Bernard (La Table Ronde) : un bel hommage d'un écrivain devenu l'un des meilleurs spécialistes de l'auteur de « Ceux de 14 
Compte-tenu de la situation sanitaire, la cérémonie du Panthéon ne peut se faire qu'à huis-clos, en présence de la famille, mais retransmise par France 2
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