Coronavirus: la communauté manouche de Forbach se confine, en attendant des jours meilleurs

C’est la plus importante de Lorraine. A Forbach, forte de 2.000 membres, la communauté manouche vit le confinement avec fatalisme, fidèle à son mode de vie quotidien, proche de la nature. Elle attend impatiemment de reprendre la route et ses activités.

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Il nous a donné rendez-vous devant l'ancienne maison de son père.
Renardo Lorier, représentant de la communauté manouche de Forbach, poursuit l’oeuvre de son père Niki, peintre, violoniste, résistant pendant la seconde guerre mondiale, et défenseur farouche toute sa vie durant des droits des voyageurs.
Lorsqu’il déambule avec nous dans les rues désertes du Bruch, le quartier où se sont installées une cinquantaine de familles dans les années 90, Renardo ne peut pas s’empêcher de penser au patriarche, décédé à 102 ans l’année dernière: "mon père, avec le retour du printemps qu’on voit autour du nous, aurait simplement regardé les arbres en fleurs, et puis, de tête, il aurait recomposé le paysage sur un tableau".

Quartier

Ce quartier, d’abord occupé sans eau ni électricité dans les années 80, s’est radicalement transformé dans les années 90, avec la construction de maisons en dur, et de la voirie nécessaire. Aujourd’hui 300 membres de la communauté y vivent, "c’est une seule grande famille en fait", glisse Renardo, malicieux. "On est tous cousins, là il y a la maison de Dorado Schmitt (célèbre guitariste jazz manouche), c’est mon cousin, et celle de son fils Samson à côté (lui aussi guitariste), c’est mon petit-cousin, mais tu entends comme c’est calme? Tu entends les oiseaux? C’est impensable ici" rigole notre guide.

D’ordinaire, le quartier s’anime dès cinq heures du matin. Les premières camionnettes des artisans partent travailler, les ferrailleurs commencent leur collecte, les maçons rejoignent leurs chantiers.
Aujourd’hui, les véhicules sont sagement garés devant les maisons aux volets clos, malgré midi passé. "Avec le confinement, aucun travail, alors c’est vrai, on se couche tard, et on oublie de se réveiller" remarque Renardo. Le chef des Manouches pointe la difficulté majeure du confinement: l’absence totale de revenus pour ces travailleurs indépendants, qui doivent partir chaque jour gagner leur pain.
"Il ne faut pas oublier qu’on a affaire ici à des familles qui sont fragiles économiquement, elles peuvent tenir un peu, mais si ça dure, la situation va devenir dramatique". Au fil de la promenade, il prend des nouvelles aux fenêtres, en romani, la langue maternelle des Manouches, parlée en France par près de 300.000 personnes.
Sa présence rassure, mais il est inquiet pour les siens: "on entend parler d’aides pour les entreprises en difficulté, mais il n’y aura pas d’aides pour nous, et plus la saison avance, plus ça va être compliqué. Avec le printemps et le mois de mai, on reprend la route, pour aller travailler ailleurs ou pour les pèlerinages, comment on va faire si le confinement n'est pas levé ?"

Voyageurs

Si la communauté du Bruch vit dans des maisons, la caravane est garée pas loin. Les Manouches de Forbach restent des voyageurs, et le revendiquent. Ne pas pouvoir se déplacer, pour travailler, ou rendre visite à sa famille, est un crève-coeur. "Tous les mariages ont été repoussés, on ne peut même plus fêter les anniversaires comme il se doit... " témoigne un Manouche devant sa porte, le seul que nous croiserons. "Ici, on respecte le confinement, on ne sort qu’en cas de nécessité absolue, on a peur de la maladie, d’ailleurs on n’a aucun malade parce qu’on fait très attention" confirme Renardo.
En regagnant notre voiture, nous croisons Roberto, le frère de Renardo. Ecrivain, auteur de romans historiques sur les Manouches, il nous présente les filles de sa cousine qui prennent l’air dans le jardin, entre deux cours sur internet. Rani ("la reine" en romani) se cache derrière Shelby sa grande sœur en CM2: "les copines me manquent, l’école aussi un peu, j’ai hâte de les revoir" nous confie-t-elle.
Elle porte les espoirs de sa communauté, résumés par Renardo, par ailleurs fondateur de l’Observatoire des Droits des Citoyens Itinérants: "ici ça va, tu le vois bien, personne n’est dehors, on respecte le confinement. Mais j’ai une pensée pour ceux de notre communauté qui sont dans des aires de passage, bloqués quelque part, et qui ne peuvent pas bouger. J’en appelle aux autorités pour qu’elles empêchent les expulsions, et qu’elles les traitent comme il se doit. C’est dur pour tout le monde, soyons solidaires!"
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