Hayange : Ascoval va fournir 140.000 tonnes d’acier à l’usine à rails à partir de septembre 2020

C’est un communiqué de l’usine de Saint-Saulve dans le Nord qui l’a annoncé lundi 25 novembre 2019. L’usine d’Ascoval devrait fournir 140.000 tonnes d’acier par an à partir de septembre 2020 à l’usine à rails d’Hayange.

L’information circulait depuis plusieurs jours, mais ce lundi 25 novembre 2019, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a tenu à avoir la primeur et les honneurs de l’annonce : "lors de leur comité de suivi et visite ce jour à l’aciérie de Saint-Saulve, M. Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances, et Mme Agnès Pannier-Runacher, Secrétaire d’Etat, ont annoncé les derniers développements commerciaux positifs de l’usine : un accord avec l’usine British Steel France d’Hayange (Moselle) pour fournir 140.000 tonnes/an de demi-produits (blooms) destinés à être transformés en rails pour SNCF Réseau. Ce contrat qui prend effet à partir de septembre 2020 pour 4 ans jusqu’en octobre 2024, s’ajoute aux 136.000 tonnes de commandes prévues avec d’autres clients pour 2020 sur la gamme de produits habituels d’Ascoval ".

Une solution politique ou industrielle ?

Cet accord, s'il se concrétise effectivement par un contrat en bonne et due forme, renforce la situation de l'usine nordiste, puisqu'elle double potentiellement sa production. De quoi rassurer les salariés, les organisations syndicales et les élus. Car même si le PDG du site multiplie les interviews pour rassurer les salariés, la situation du site est précaire : l'usine n'a produit de 60.000 tonnes cette année, les salariés ne travaillent qu'une semaine sur deux, avec un carnet de commande inférieur à 50% des prévisions. La capacité maximum de production à feux continus et avec cinq équipes est estimée à 500.000 tonnes ! On en est loin...
Le tulmuteux dossier de la reprise du site par British Steel, puis Olympus, a été fortement marqué par l'ingérence du Ministre de l'Economie lui-même, qui devait trouver une issue positive à la reprise d'Ascoval, sous peine de traîner comme un boulet un éventuel échec, comparable peut-être à ceux qu'ont connu le président Sarkozy avec Gandrange, ou le président Hollande avec Florange.
La solution trouvée relève davantage de la politique que de l'industrie : au total, plusieurs dizaines de millions d'euros d'aides publiques seront injectés à Saint-Saulve pour permettre à l'usine d'honorer cette commande, sans garantie de réussite.
 

Et Les Chinois ?

En mai 2019, la justice britannique avait mis en faillite la maison-mère de l’usine d’Hayange, British Steel, qui avait racheté en 2014 une grande partie des actifs de TataSteel en Grande Bretagne et sur le continent. Insolvency Service, l'organisme public britannique chargé de la faillite de British Steel avait annoncé lundi 11 novembre 2019 qu' "un contrat de vente a été passé avec Jingye Steel (…) pour racheter les activités et actifs de British Steel Limited (BSL), y compris les aciéries de Scunthorpe (nord de l’Angleterre), les fonderies britanniques, des parts de FN Steel BV (filiale aux Pays-Bas) et British Steel France Rail ".
Ce conglomérat chinois, qui est également présent dans d’autres secteurs économiques comme le tourisme ou l’immobilier, produit déjà 15 millions de tonnes d’acier par an. Il rachèterait donc une grande partie des actifs de British Steel, dont l’usine d’Hayange. Mais le rachat de l'usine de la vallée de la Fensch doit également obtenir le feu de vert du ministère de l'économie français puisque la fabrication des rails est considérée comme une activité stratégique.

Passage en force

Cet accord entre Ascoval, la SNCF et British Steel France tord le bras du futur repreneur chinois : soit il accepte de se fournir chez Ascoval, soit le gouvernement français pourrait refuser la vente d’Hayange, au nom de la protection des activités stratégiques.
Le PDG de British Steel France se satisfait de cet accord, qui garantit au moins au site d'Hayange de travailler pour la SNCF jusqu'en 2024 : "On a besoin de sécuriser notre approvisionnement en blooms avec une deuxième source", se justifie Gérard Glas : "si demain, les usines anglaises ne peuvent plus nous fournir, comment on fait? Moi je pense à l’usine! Je ne connais pas les intentions des Chinois, mon boulot c’est d’œuvrer pour assurer la pérennité d’Hayange".
La CFDT, majoritaire sur le site, est vent debout : "encore une fois, on n’est au courant de rien", fulmine Djamal Hamdani, administrateur à l’usine d’Hayange. " Notre PDG dit qu'il défend les intérêts d'Hayange, mais on a l'impression qu'il défend surtout ceux d'Olympus (l'ancienne maison-mère de British Steel, et actuel propriétaire d'Ascoval) ". Gérard Glas a effectivement oeuvré pour le compte d'Olympus à conclure l'accord de rachat d'Ascoval, comme intermédiaire entre le gouvernement et le groupe auquel il appartient. Avait-il un autre scénario en tête pour le futur de l'usine d'Hayange ?  Il ne cache pas le peu d'empressement qu'il a à travailler avec le futur repreneur chinois : " déjà, il faudrait que les Chinois sortent du bois et fassent connaître leur projet, pour l'instant ils sont dans le bois, et on ne sait pas grand chose de leurs intentions ".

Calendrier serré

L'accord de fourniture de blooms par Ascoval s'inscrit en tout cas dans une calendrier très serré. L'usine de Saint-Saulve ne produit pas actuellement de blooms carrés, les seuls capables d'être laminés par l'usine d'Hayange. Des investissements sont en cours pour transformer la coulée continue de l'usine du Nord afin qu'elle puisse en fournir "à partir de septembre 2020". Dans la sidérurgie, les investissements sont lourds et complexes, et il est très difficile de dire avec exactitude quand un nouvel équipement sera opérationnel. Ni si sa production sera de qualité.
Le site de Saint Jacques, qui lamine 300.000 tonnes par an, serait alors alimenté à près de 50% par Ascoval. " Aujourd'hui, on ignore la capacité réelle de ce dernier à nous fournir des produits de qualité, si les blooms ne sont pas conformes et qu'on a des litiges avec nos clients, ou si on ne peut pas laminer pendant plusieurs mois parce que la qualité n'est pas stable, on fait quoi ? On ferme l'usine ? " s'emporte Djamal Hamdani : " c’est un choix industriel majeur, qui engage l’usine pour plusieurs années, avec des questions importantes sur la qualité des rails, l’investissement sur le site, et on est laissés de côté", fustige le représentant du personnel qui ajoute: "c’est notre usine, personne ne peut parler de nous, pour nous et sans nous ".
 
De l’acier « vert » ?
L’usine de Saint-Saulve utilise un four électrique pour produire de l’acier à partir de ferrailles recyclées. Ce procédé est jugé moins polluant que la production à partir de la filière fonte qui transforme le minerai de fer en fonte puis en acier en utilisant des hauts-fourneaux. Il émet moins de CO2, puisqu’il n’utilise pas de coke, c’est pour cette raison qu’il est qualifié un peu rapidement de « vert » : la consommation en électricité pour une seule coulée de 25 tonnes est équivalente à la consommation quotidienne d’une ville de 100 000 habitants ! L’utilisation de blooms issus de la filière électrique est inédite à Hayange : jamais les sidérurgistes n’en ont encore laminés. Cet approvisionnement devra être homologué par le client, la SNCF : « un processus de deux à trois mois » selon Gérard Glas, le PDG de British Steel France.

 
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