Des enfants enfermés par l'État dans l'indifférence générale, c'est l'indignation du documentaire "Enfants enfermés"

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Des enfants enfermés en centre de rétention témoignent ©FTV / Nova production

La demande de droit d'asile de leurs parents a été refusée. Sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), des enfants, des mineurs, sont placés en centres de rétention administrative. "Enfants enfermés", le documentaire de Noémie Ninnin et Selim Benzeghia donne à réfléchir sur la légitimité d'une telle pratique.

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Il avait 8 ans. Kosta a désormais quelques années de plus. Le petit garçon est pourtant capable, à main levée, de dessiner les plans du centre de rétention de Metz, avec force détails. Il se rappelle de tout et surtout de sa grande solitude d'enfants dans un contexte d'adultes. 

Ania, quant à elle, était tout juste majeure, et sœur aînée d'une fratrie de quatre enfants. De retour en France quelques années plus tard, elle raconte, elle témoigne avec une indignation encore vive de l'épreuve vécue par sa famille.

Leurs témoignages, celui de Mia, maman de Kosta, mais aussi de professionnels qui prennent en charge les demandeurs d'asile en attente de leur expulsion, nous révèlent l'univers quasi-carcéral du centre de rétention de Metz.

Voici trois bonnes raisons de voir le documentaire de Noémie Ninnin et Selim Benzeghia "Enfants enfermés" en lien ici

1. Pour se mettre dans les pas d'un migrant, demandeur d'asile

Ils ont un parcours commun, avec des variations. Ils ont quitté leur pays, leurs familles, leurs biens. Ils ont traversé des zones dangereuses, parfois des mers. Quelquefois, au péril de leurs vies. Ils arrivent en France, pays qu'ils voient comme leur terre d'asile. Ils respectent les lois de leur pays d'accueil et entreprennent les démarches pour pouvoir s'installer. La loi dit pourtant que ça ne suffit pas. 

Kosta est arrivé avec son papa Nukri et sa maman Mia à Paris en 2017. Il avait alors 7 ans. Ils viennent de Géorgie, où ils sont menacés de mort. La demande d'asile de la famille revient dans les délais avec la décision de la préfecture : réponse négative, la famille tombe sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Entre ce moment et leur expulsion effective, ils sont assignés à résidence et doivent chaque jour se rendre au commissariat pour signer des documents. Kosta est logé à la même enseigne, malgré son jeune âge et n'échappe pas à la contrainte policière.

Ania est l'aînée d'une famille de quatre enfants. Elle est arrivée en 2012 d'Albanie. Elle avait 15 ans et a senti un déchirement de quitter ses racines. "Ça a été dur de changer de pays et de tout abandonner su jour au lendemain. De recommencer à zéro", raconte-t-elle. La famille s'installe dans le Grand Est et le couperet tombe : la demande d'asile leur est refusée. L'OQTF leur est remise par la préfecture. "Pourquoi on va devoir quitter le pays, alors qu'on n'a rien fait ?", pense la jeune fille, tout juste majeure alors.

C'est le début pour les deux familles d'une vie en pointillé, marquée par la peur d'être arrêtées et reconduites dans leurs pays respectifs. 

2. Pour reconnaître le choc d'une arrestation pour un enfant

Si les grandes personnes sont en mesure de comprendre et d'accepter les lois d'un pays, les enfants sont à l'aube de leur compréhension du monde. Il y a le bien, le mal. Et tant qu'on ne fait rien de mal, tout va bien. 

Ce n'est cependant pas ce qu'ils vont connaître. Mia, la maman de Kosta témoigne : "Nous sommes arrivés au commissariat le 46ᵉ jour et le policier a fermé la porte et a dit : "vous serez expulsés demain. Nous allons vous transférer au centre de rétention." On a essayé de rassurer Kosta, mais il s'est mis à pleurer. Il ne comprenait pas". Le petit garçon s'inquiète "qu'est-ce que je vais dire à la maîtresse ?" C'est tout son monde, son univers rassurant qui s'effondre. À huit ans, il n'est pas en mesure d'imaginer un avenir apaisé après l'épreuve. 

Ania a 25 ans quand elle témoigne et l'arrestation s'est déroulée sept ans auparavant. Mais sa voix tremble encore d'indignation devant ce qu'elle a vécu comme une terrible injustice. Les policiers sont entrés dans leur appartement en grand nombre. Effet de surprise, effet de force. "Après deux mois d'assignation à résidence, raconte-t-elle, des policiers ont frappé à la porte. Je les ai fait rentrer, mais je n'avais pas vu qu'ils étaient si nombreux. Des policiers, il y en avait partout. Qu'est-ce qu'ils vont nous faire ? Qu'est-ce qu'on a fait ? (…) Ils nous disent de préparer nos affaires, qu'on allait dans un centre de rétention (...) On a tous commencé à pleurer". Un choc pour toute une famille. Comme dans une scène de film, les véhicules de police sont là en force pour impressionner. Le maire du village se fraye un chemin pour venir serrer la main à son papa. L'incompréhension totale règne. On arrête des enfants, à grand renfort de police, comme de grands criminels. 

3. Pour découvrir les contradictions administratives

Les textes de loi sont clairs. Et les préfets sont nommés pour les faire appliquer. Les personnes étrangères, sans titre de séjour, dont la demande d'asile a été refusée ou bien dont la demande d'asile doit être étudiée dans un autre pays européen, doivent être placées en centre de rétention. 

C'est ce dont sont coupables les familles de Kosta et d'Ania. Elles doivent donc être placées en centre de rétention, c'est la loi. Néanmoins, la loi française dit également autre chose ? C'est ce qu'explique Corentin Bailleul (responsable plaidoyer France Unicef) : "Ce sont des personnes placées en rétention et pourtant, elles n'ont commis aucun crime. Elles n'ont juste pas de titre de séjour en France. En France, un mineur ne peut pas être placé en son nom en rétention. Or, là, on accepte que des enfants, parce que leurs parents sont en situation irrégulière, soient enfermés. C'est le seul lieu, où on peut être une enfant de moins de treize ans et être enfermé. Pour de simples raisons administratives." Une contradiction qui ne semble guère affecter ceux qui appliquent les lois. 

Et c'est Laura, aide juridique bénévole qui décrit avec stupeur sa première rencontre avec Kosta. "Ça bouleverse toutes les normes avec lesquelles on est élevés. Pour la famille de Kosta, c'était la première fois que je voyais un enfant au centre de rétention. Ça m'a marquée. Quand j'ai vu Kosta, je suis allée voir mes collègues et j'ai dit : il y a un enfant. Et c'est vrai, qu'elles avaient beaucoup plus l'habitude". 

La suite, ce sont les conditions de détention, pardon de rétention, non adaptées aux enfants, les conditions d'expulsions, pires encore que les arrestations. Des enfants qui voient leurs parents traités comme des criminels, dans un pays qu'on dit des Droits de l'Homme. De l'homme peut-être, des réfugiés un peu moins et des enfants de réfugiés, encore un peu moins. Comme s'ils ne comptaient guère.

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