Homosexuels discriminés par l'État, "des personnes ont perdu des années de vie" selon l'association Couleurs Gaies

L'Assemblée Nationale approuve une proposition de loi visant la reconnaissance de la responsabilité de l'État dans les discriminations subies par les personnes homosexuelles. Matthieu Gatipon-Bachette de l'association Couleurs Gaies, y voit un acte de réparation important.

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Après le Sénat, l'Assemblée Nationale a approuvé mercredi 6 mars 2024 une proposition de loi visant  la reconnaissance de la responsabilité de l'État dans les préjudices et discriminations subis par les personnes homosexuelles en France entre 1942 et 1982. Le sénateur (PS) de l'Hérault Hussein Bourgi est à l'origine de cette proposition de loi visant à réhabiliter et indemniser les 60.000 personnes réprimées pendant cette période du fait de leur orientation sexuelle. 

Nous avons joint jeudi 7 mars 2024, Matthieu Gatipon-Bachette, président de l'Union des Familles Laïques de Metz (Moselle) et militant à l'association LGBT Couleurs Gaies pour trois questions.

Quelle a été votre réaction à l'annonce de l'adoption de cette proposition de loi ?

Mon sentiment est extrêmement favorable. Cette proposition est très satisfaisante parce qu'elle reconnaît que des personnes ont subi des discriminations à cause de la pénalisation des rapports homosexuels. Notamment du fait de la question de la majorité sexuelle à l'époque. Des situations dramatiques en ont découlé, il y a des gens qui ont perdu leur emploi, il y a des gens qui ont été vraiment mis au ban de la société. Il est normal qu'ils soient indemnisés pour les années de vie perdues et les privations de liberté.

Comment expliquer que cette loi intervienne quarante ans après la suppression de la discrimination dans l'âge de la majorité sexuelle  ?

Nous sommes quand même dans un pays assez conservateur. Il faut rappeler ce qu'était ce que l'on appelle la pénalisation de l'homosexualité. C'était l'augmentation de l'âge de la majorité sexuelle, de l'autorisation des rapports homosexuels. Elle était plus élevée que pour les hétérosexuels. [18 ans pour les homosexuels et de 15 ans pour les hétérosexuels NDLR]. C'était un héritage du régime de Vichy et c'est quelque chose qui a perduré après la Libération. Vous avez même des gens, notamment un député de la Moselle, Paul Mirguet qui a renforcé en 1962 cette loi avec un amendement assimilant l'homosexualité à un fléau social comme pouvait l'être l'alcoolisme ou la drogue à l'époque. En fait, tout ça a imprégné la société et des élus.

Est-ce que ce passé répressif perdure dans la mémoire des jeunes générations LGBT ?

Assumer aujourd'hui publiquement son homosexualité peut encore être difficile. Il y a des jeunes qui le vivent mal. Heureusement, avec le travail militant, l'acceptation progresse dans la société qui a mis en place des législations d'égalité : le mariage républicain pour les couples en 2007, l'adoption, etc. C'est aussi une façon de dire que les homosexuels ne sont pas des citoyens de seconde zone. C'est peut-être plus facile pour les jeunes générations, mais il y a encore des gens qui sont dans la difficulté et qui ont besoin du soutien des associations. On le voit, il y a encore beaucoup d'homophobie et il y a encore beaucoup de pédagogie à faire à ce sujet.

Le garde des Sceaux Robert Badinter a fait supprimer dans la loi du 4 août 1982  l’article 331, alinéa 2 du code pénal, édicté en 1942 sous le régime de Vichy. Au contraire des personnes hétérosexuelles, cet article punissait les relations homosexuelles avec des personnes âgées de plus de 15 ans (majorité sexuelle) et de moins de 18 ans (majorité civile). Une affaire est restée célèbre : "l'affaire Charles Trenet". En 1963, le chanteur a été poursuivi et emprisonné pour avoir eu des relations avec de jeunes garçons qui, aujourd'hui, seraient considérés comme majeurs. Accusé de pédophilie, il vivra un enfer avant d'être relaxé.

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