C'est l'une des techniques d'imprimerie les plus anciennes au monde, et elle est particulièrement prisée des artistes contemporains qui apprécient la simplicité de sa mise en oeuvre et ses faibles coût de production. Les Messins du Schmirlab ont ouvert à Metz le 15 octobre 2021 une boutique/atelier/lieu d'exposition unique dans le Grand Est.
En francique lorrain, schmirer signifie "salir". Un clin d’œil, un écho aux débuts de Loïc Streiff, l’un des fondateurs du Schmirlab, qui en rigole volontiers : "dans les années 2000, pour gagner un peu d’argent, je nettoyais les écrans de sérigraphie de Dédé le Slovène, alias DDK à Metz, qui imprimait des affiches de concert et des t-shirts. Avec des solvants en plus… c’était super crade, et il ne me laissait jamais imprimer !"
Pas du genre à baisser les bras, le graphiste de formation redécouvre la sérigraphie à la MJC Lillebonne de Nancy en 2013, "dans un espace qui s’appelait alors l’atelier du Panda, c’est là que j’ai appris la technique, et développé mon style : je détourne les codes de l'affiche de propagande ou publicitaire, avec une grosse couche d’humour et d’ironie". Deux autres artistes se joignent à lui, Lise Walgenwitz, et Patrick Secco. La compagne de Loïc, Stéphanie Schmitt, complète le trio. Elle donne un coup de main à l’organisation et à la gestion de l’association Schmirlab qui est créée en 2018 : "c’est L’enfer festival, organisé à la MJC Lillebonne chaque année, qui m’a donné le déclic, et l’envie d’avoir un local à nous".
Confinement
"D’abord on a bossé chez moi, dans l’atelier que je me suis aménagé, mais avec le confinement, le télé-travail, c’était plus possible de continuer comme ça. On voulait un local où l'on puisse à la fois imprimer, exposer, et aussi donner des cours de sérigraphie" explique le taulier.
L’opportunité est trouvée à la rentrée 2021, en bas de la rue des Jardins à Metz. En face d’un disquaire, non loin des antiquaires, sur le chemin de la cathédrale depuis les bords de la Moselle. Depuis un an, plusieurs artistes ont également ouvert boutique dans la rue, faisant du quartier le refuge messin des créateurs en tout genre. La vitrine attire l’œil : "on est le seul lieu en Lorraine entièrement dédié à la sérigraphie : on est allé chercher des artistes qu’on aimait bien sur le web, on a pris des contacts aussi sur les salons et les expositions où on proposait notre propre travail, on a créé un réseau petit à petit". Les artistes messins exposent leurs travaux, "mais il y a aussi beaucoup de Nancéiens" provoque Loïc, qui ne rate jamais une occasion de remettre une pièce dans l’antagonisme footballistique Metz/Nancy.
Sur les murs, ce sont les artistes invités qui dominent naturellement, comme les affiches de concert du parisien Cyrille Rousseau, qui propose sa propre vision graphique de l’univers des groupes qu’il apprécie. La sérigraphie bouscule les frontières : le Schmirlab expose également le travail du moscovite Dima Pantyushin, influencé par les constructivistes soviétiques.
L’artiste a été repéré pendant le premier confinement, cette période où le Schmirlab s’est interrogé : "quoi dire quand le monde plonge brusquement dans l’absurde et l’inconnu ?" Réponse : un portfolio de 13 artistes, qui constituent aujourd’hui le noyau dur des artistes exposés. "Mais on cherche sans cesse de nouveaux artistes qui partagent notre façon de faire, et notre état d’esprit, on en contacte tous les jours" poursuit le porte-parole de l’association, "on a aussi récupéré les stocks de Charles-Henry de la Fensch, un sérigraphe qui est passé à autre chose. Sa production de t-shirts aux couleurs des anciennes usines sidérurgiques Sollac et Lorfonte amène dans la boutique d’anciens ouvriers qui racontent leurs souvenirs…"
L'association milite pour une production ouverte à tous les budgets : "c’est du bénévolat intégral, on prend 25% sur ce qu’on vend pour payer le loyer du local… aucun salaire pour l'instant ! On essaye de proposer des sérigraphies autour de 30 euros". Le Schmirlab entre dans le dur avec l’arrivée des fêtes de fin d’année. Il sera présent au P'tit Baz'art de Nancy et à la Grand Escroquerie de Noël Saint Pierre aux Nonains. En début d’année prochaine, le collectif veut ouvrir chaque mois la galerie du sous-sol à un artiste invité, et commencer à fabriquer sur place, "pour nous, et pour ceux qui nous confieront leurs travaux à imprimer". Les ateliers d’initiation commenceront dans la foulée.