Metz : ils vont au travail à vélo, trois vélotafeurs racontent leur quotidien en selle

Depuis dix ans, Christophe, Marc et Frédérique ont préféré le vélo à la voiture pour aller travailler. Réseau, sécurité, éducation, ces vélotafeurs donnent leur point de vue sur les pistes cyclables dans Metz. 
 

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Christophe, Marc et Frédérique sont des vélotafeurs. Le mot est né de la contraction de deux mots : "vélo" et "taf", ce dernier signifiant travail. Ils ont pris le temps de poser un pied à terre pour raconter leur quotidien de cycliste dans Metz. 


Le vélo comme une évidence 

Les voitures de Frédérique et Christophe dorment au garage tandis que Marc * a vendu la sienne. Gain de temps, facilité de stationnement, de quoi préférer le deux-roues.

Il y a dix ans, avec les travaux du Mettis, mon trajet pour aller travailler en voiture est passé de 15 à 45 minutes, c’est là que j’ai choisi le vélo, beaucoup plus rapide

Marc, vélotafeur

Frédérique, s’est mise en selle en entrant à la fac. Venir sur le campus en voiture pour trois kilomètres, se garer était une perte de temps : 

A l’époque, les autres étudiants sur le campus me regardaient comme un OVNI. A 18 ans, le Graal, c’était la voiture.

Frédérique, vélotafeuse

Christophe lui a le vélo dans le sang depuis toujours, il en a fait son métier puisqu’il est gérant d’une boutique de cycles dans le quartier gare à Metz. 

VTT, BMX, Vélotaf, j’ai toujours fait du vélo, je roule moins de 5.000 km par an avec ma voiture. Je dois régulièrement recharger la batterie.

Christophe, vélotafeur

Metz et ses pistes 

Metz et sa métropole compte environ 120 kilomètres de pistes cyclables, dont 29 de pistes délimitées, 23 de bandes cyclables et 18 de contre-sens. Pour précision, la piste délimitée est isolée des autres usagers alors que la bande se trouve sur la chaussée.
 

Pour se rendre à leur travail nos trois vélotafeurs parcourent moins de huit kilomètres : 

J’ai des pistes sur la quasi-totalité de mon parcours, ce qui est assez unique dans Metz. Ce que je remarque à d’autres endroits, c’est le morcellement du réseau qui oblige à repasser dans la circulation, c’est dangereux et ça ralenti.

Christophe, vélotafeur

A vélo, il faut être efficace, passer le moins de temps possible sous la pluie par exemple. Le nombre de pistes en site propre a augmenté en dix ans, c’est un point positif. En revanche, il n’y a pas d’unité de revêtements, une couleur unique pour alerter automobilistes et piétions du partage de l’espace.

Frédérique, vélotafeuse

Ce que je regrette, c’est qu’on se contente de créer des bandes cyclables plutôt que des pistes. Je parcours près de 8.000 kilomètres par an sur mon vélo, je peux comparer avec nos voisins allemands : leur politique c’est de sécuriser les cyclistes ce qui permet de favoriser la pratique quotidienne.

Marc, vélotafeur

Selon une enquête réalisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2017, seulement 2% des Français actifs vont travailler à vélo contre 4% pour les Allemands. En Moselle, ils représentent 0,9%.
 

Partage de l’espace urbain 

En 2016, Metz Métropole lance un sondage auprès de 1.200 cyclistes dans le cadre de son plan de développement urbain, voici un extrait de la conclusion obtenue : "Les usagers pointent avant tout un déficit d’aménagements et un manque de continuité du maillage existant. La cohabitation avec les autres usagers de la route, notamment avec les automobilistes, est également pointée du doigt"

Pour Frédérique, Marc et Christophe le danger vient aussi de certains automobilistes :
 

Les conducteurs ne supportent pas d’attendre derrière un vélo, les plus dangereux doublent même s’il n’y a pas la place. J’ai été renversée deux fois, depuis j’ai pris l’habitude d’avoir une caméra sur moi en cas de litige.

Frédérique, vélotafeuse

C’est un grand classique, le véhicule garé sur la piste cyclable. Au début je prenais des photos pour les partager sur mon compte Twitter, maintenant je filme les échanges avec certains, je tente d’expliquer la mise en danger mais les mauvaises habitudes sont tenaces.

Marc, vélotafeur

Une vidéo postée par Marc sur son compte Twitter @Velotaf_Metz :
   

Il y a aussi un manque de connaissance du code de la route, certains d’automobilistes ne connaissent pas l’utilité du sas vélo au pied des feux tricolores ou le tourne à droite, ce petit panneau qui permet au cycliste de tourner à droite ou d’aller tout droit au feu rouge s’il n’y a pas de trafic.

Christophe, vélotafeur

Le sas vélo évoqué par Christophe existe depuis 1998, il se situe entre le feu tricolore et la ligne pointillée devant laquelle les voitures doivent s’arrêter. Ses fonctions : rendre le cycliste plus visible, lui permettre de tourner à gauche en toute sécurité et lui éviter de respirer les gaz d’échappement. 
 

En cas de stationnement sur ce sas au feu rouge, l’automobiliste risque une amende de 4e classe, soit 135 euros et un retrait de quatre points sur le permis.

La formation des plus jeunes 

C’est important d’apprendre à faire du vélo aux enfants mais c’est aussi important de leur expliquer où sont les risques en ville, les angles morts avec les bus ou les camions par exemple.

Christophe, vélotafeur

Je pense qu’un permis vélo serait indispensable pour tous, ce serait un moyen de sensibiliser les futurs automobilistes au respect des cyclistes. En France nous avons un modèle trop centré sur la voiture, ça ne pourra plus durer très longtemps.

Frédérique, vélotafeuse

La formation des plus jeunes, c'est une manière de faire entrer les deux-roues dans notre culture. C’est aussi le moyen de faire passer le message aux parents.

Marc, vélotafeur


En septembre 2020, le gouvernement a lancé un programme baptisé Savoir rouler à vélo. Destiné aux enfants de 6 à 11 ans, ce dispositif vise à généraliser l'apprentissage du vélo et la formation nécessaire à une réelle autonomie sur la voie publique avant l'entrée au collège. En dix heures les enfants apprennent à devenir autonome à vélo, pratiquer quotidiennement une activité physique et à se déplacer de manière écologique et économique. 


Un enjeu pour Metz 


Mai 2020, Metz Métropole installe sept pistes cyclables expérimentales. Crainte des transports en commun à cause du virus et météo clémente ont amené une augmentation du nombre de vélos dans la ville. Ces coronapistes ont donc pour but premier de sécuriser certains grands axes. A la rentrée, trois de ces pistes ont été déviées vers des axes moins passant. Un choix du maire et président de Metz Métropole, François Grosdidier, qui veut éviter l’engorgement de grands boulevards messins. Explications dans ce reportage signé France 3 Metz
 

Le problème de Metz, c’est que c’est une ville facile en voiture. Si les responsables politiques n’imposent pas le vélo, rien ne va changer. Metz ville verte peut aussi devenir une ville de cyclotouristes car nous sommes sur l’axe de l’Echappée bleue.

Frédérique, vélotafeuse

Depuis le déconfinement j’ai vendu trois fois plus de vélo que l’an passé. Et je ne compte plus les réparations de vieux vélos. L’image du cycliste bobo-écolo change doucement mais je pense qu’il faudra encore développer le réseau, proposer plus de points sécurisés pour accrocher les vélos.

Christophe, vélotafeur

Un cycliste c’est aussi un consommateur qui a du pouvoir d’achat. Ce qu’il ne met pas dans une voiture il peut le dépenser ailleurs. Croire que plus de vélos dans une ville c’est moins d’achats dans les magasins, c’est une erreur. A Strasbourg 6% des actifs vont travailler à vélo et le commerce ne va pas plus mal qu’ailleurs.

Marc, vélotafeur

A l’occasion de la Semaine de la Mobilité, l’Agence de la transition écologique (ADEME) publie un état des lieux sur l’économie du vélo en 2020 : à lire ici


(*) Marc est un nom d’emprunt

 
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