Avec la construction de son huitième entrepôt en France, Amazon promet 1.000 emplois d'ici trois ans à Metz. Les riverains, eux, redoutent des nuisances sonores et des problèmes écologiques, en raison de l'explosion du trafic routier lié à l'activité. 500 passages de camions attendus chaque jour.
L'Association des Riverains du plateau de Frescaty s'est battu avec ses moyens : des manifestations, des réunions, des recours, des pétitions et des tracts, régulièrement diffusés à Augny et dans les communes voisines, de Marly à Montigny-lès-Metz.
Mais la bonne volonté et les actions militantes de ses membres n'ont pas pesé bien lourd, face au rouleau compresseur qu'est Amazon. La communication, le marketing et les arguments économiques du géant américain n'ont pas eu de mal à gommer la démarche citoyenne de ce jeune collectif. Le discours de nombreux élus politiques locaux, reprenant quasiment mot pour mot, l'argumentation d'Amazon, a fait le reste.
En ce mercredi 5 mai 2021, c'est visite de chantier pour la presse, en attendant l'inauguration cet été, sur l'ancienne base aérienne de Frescaty, du huitième centre de distribution d’Amazon en France. De nombreux médias nationaux et régionaux ont déjà défriché le terrain. Et la partition se joue sans fausse note : "Amazon officialise son implantation à Metz et promet 1.000 emplois sur trois ans", "Amazon officialise son arrivée près de Metz : 1.000 emplois en CDI sur trois ans à la clé" ou encore "Recrutement massif chez Amazon : 1.000 CDI à pourvoir". L'emploi, un des arguments massue d'Amazon, depuis le lancement de ce projet, fait mouche.
"On a toujours été clair", explique Xaviera Frisch, la présidente de l'association des riverains du plateau de Frescaty, "nous ne sommes pas opposés à la création d'emplois sur notre territoire. Nous étions simplement contre la construction de ce bâtiment, à 150 mètres des premières habitations." Et pas n'importe quel bâtiment : "50.000 m2 au sol, optimisé sur quatre niveaux, détaille fièrement Amazon sur son site internet. A Augny, place, donc, au gigantisme, sur 200.000 m2 au total, soit l'équivalent de 28 terrains de football. Le bâtiment, d'une hauteur de 24 mètres, ne passe vraiment pas inaperçu.
C'est vrai qu'aujourd'hui, on se sent impuissant, quand on voit ce bâtiment sorti de terre.
"Avec notre association, on a le sentiment d'avoir fait ce qui était nécessaire. On a sensibilisé les habitants, mais c'est vrai qu'aujourd'hui, on se sent impuissant, quand on voit ce bâtiment sorti de terre", poursuit Xaviera Frisch. "Amazon, c'est un monstre et le premier constat, c'est qu'on n'a rien pu faire véritablement, car nous avons été avertis tardivement du projet. Le temps de mettre en place notre association et nos actions, en face, tout est allé très vite : le permis de construire, les travaux..."
Des clauses de confidentialités avaient été exigées par Amazon auprès des élus locaux. Le géant américain de l'e-commerce a toujours souhaité être discret, dans ce projet d'implantation en Moselle. Le projet répondait à un nom de code : "Delta".
Vers un "crash environnemental" ?
Aujourd'hui, le cadre de vie auquel les habitants étaient attachés risque d'être profondément transformé. La crainte pour Xaviera, c'est un crash environnemental, avec le passage de 500 camions par jour.
"Ce méga-bâtiment, c'est la porte ouverte aux nuisances sonores et aux problèmes écologiques. Le site n'est pas encore ouvert, qu'on subit déjà tous les désagréments du trafic de camions. Amazon est là, pollue et ce n'est rien par rapport à ce que ça va devenir, avec, en prévision, un camion toutes les cinq minutes. La traversée du village, c'est déjà plus de 8.000 véhicules par jour, sans Amazon ! Qui plus est, la nouvelle ligne de bus ne desservira pas le site, alors que c'était prévu dans les premières discussions. Les employés n'auront pas d'autre choix que de venir avec leur véhicule personnel. Ajoutez-y les camions, ça va être un enfer. Et puis, il ne faut oublier qu'on nous promettait 3.000 emplois au départ. Aujourd'hui, on est à 1.000 et encore, sur les trois prochaines années. Jeff Bezos, ce sont des promesses, mais aussi beaucoup de mensonges."
"Sur l'aspect territoire, nous avons travaillé main dans la main avec les élus locaux, notamment pour regarder cette fluidité du trafic routier et réduire le plus possible l'impact dans la région", assure de son côté Ronan Bolé, président d’Amazon Logistics France. Avant d'ajouter : "Gageons qu'avec la région et les territoires, nous allons pouvoir travailler ensemble, sur des nouveaux projets environnementaux, qui pourront arriver dans les années à venir. C'est la volonté de la Région Grand Est, je le sais, nous en avons discuté et c'est également la volonté d'Amazon." Pour l'instant, le site de Frescaty ne dispose pas de connections avec la plateforme de fret de Metz-Sablon, ni avec les infrastructures fluviales.
"Je ne vous cache pas que l'envie de déménager est très forte" conclu Xaviera Frisch.
"c'est le cas pour certain déjà qui sont partis. D'autres habitants viennent aussi nous voir, pour nous dire qu'on avait raison, mais c'est trop tard maintenant. Attendons de voir comment ce sera en août. En tout cas, une chose est certaine, on nous a imposé Amazon."
Revoir le reportage de France 3 Lorraine
Il faut que ça se fasse de manière raisonnée et impliquer la population" expliquait Virginie, une des membres de l'association dans un reportage diffusé sur France 3 Lorraine réalisé il y a deux ans.