Le réacteur 3 de la centrale nucléaire de Cattenom sera placé en maintenance pour cinq semaines suite à des problèmes de corrosion à partir du samedi 26 mars 2022. Les militants antinucléaires s'inquiètent de la prolongation de la durée de vie de la centrale. La question de la sécurité et de la vétusté de la centrale est relancée.
La corrosion sur les systèmes de sécurité serait donc à l’origine de l’arrêt de trois nouveaux réacteurs nucléaires français dont celui de la centrale de Cattenom (Moselle). Le réacteur 3 de cette centrale nucléaire, déjà arrêté plusieurs mois en 2021 dans le cadre de sa visite décennale va donc de nouveau être stoppé à partir du samedi 26 mars 2022. "On va les arrêter pour effectuer des contrôles", a expliqué un porte-parole d’EDF.
Des prévisions de production à la baisse
Conséquence de ces fermetures, une révision à la baisse de la production nucléaire française. EDF annonce des prévisions ramenées à 295-315 térawattheures (TWh), contre 300-330 TWh précédemment, mais sans donner de détail sur les centrales concernées.
Face à cette situation, la ministre de la Transition écologique s’est voulue rassurante. "Il n'y a pas de risque de black-out en France parce que nous avons mis en place un certain nombre de mécanismes pour éviter cela", a assuré Barbara Pompili sur France Info.
Une énergie dangereuse
Pour les antinucléaire ce nouvel arrêt à la centrale de Cattenom n'a rien de surprenant. "Les incidents qui interviennent dans les centrales nucléaires sont banalisés diminués, il y a une sorte d’Omerta autour de ces problèmes de fond" explique François Drapier, de Sortons du nucléaire Moselle, "il faut dire à l’opinion publique que cette énergie pose d’énormes problèmes de sécurité sans compter la question des déchets"
"Certains candidats à l'élection présidentielle se sont lancés dans une surenchère sur ces questions avec l'annonce de la création de nombreux EPR, c'est le cas du président Macron et d'Eric Zemmour notamment, c'est de la folie, surtout quand on voit la catastrophe de l'EPR de Flamanville" ajoute le militant.
Ces centrales sont vieillissantes et on continue à prolonger leur existence de dix, vingt ans, c'est effrayant
Marie-Anne Isler-Beguin, présidente de l'Institut Européen d'Ecologie
Lors de la présentation de son plan pour la réindustrialisation de la France, Emmanuel Macron a en effet annoncé le 11 février 2022 à Belfort "la renaissance du nucléaire français" avec le projet de construire six nouveaux EPR. Après dix ans de retard, l'EPR de Flamanville entrera en fonctionnement en 2023, son coût démultiplié s'élève aujourd'hui à 12,7 milliards d'euros. Le président a également annoncé "le prolongement de tous les réacteurs français qui peuvent l'être" alors qu'une dizaine d'entre eux devaient fermer initialement d'ici 2035.
Marie-Anne Isler-Beguin, présidente de l’Institut Européen d’Ecologie, a fait de la lutte contre l'énergie nucléaire le combat de sa vie. La militante se désole de voir à quel point le nucléaire revient en force dans le débat politique : "ces centrales sont vieillissantes, les matériaux aussi vieillissent et on continue à prolonger la vie de ces centrales de dix, vingt ans, c’est effrayant. Cette crise des énergies avec la guerre en Ukraine devrait être le moment de faire enfin cette transition énergétique. Le nucléaire n’est pas l’énergie du futur, il y a actuellement un énorme retour en arrière sur ces questions, en partie à cause de l'argument d'une énergie bas carbone mais cette énergie pose d'autres problèmes. Il ne faut pas tout miser sur le nucléaire bien au contraire".
La plupart des centrales du parc français datent des années 80. La centrale nucléaire de Cattenom a été mise en service entre 1986 et 1991, date de fin du chantier. D'après EDF, elle assure 70 % des besoins en électricité de la région.
L'indépendance énergétique
L'autre question qui agite les débats en ce moment, est celle de l'indépendance énergétique que nous donnerait le nucléaire par rapport à nos voisins allemands notamment, qui vont sortir du nucléaire mais qui continuent de faire tourner leurs usines à charbon.
"On parle beaucoup d’indépendance énergétique depuis le début de la guerre en Ukraine mais c’est un mensonge, on ne produit pas d’uranium à ce que je sache, aucun minerai ne vient de France, nous sommes dépendant d’état comme le Kazakhstan", s'insurge François Drapier.
Cette guerre en Ukraine est devenue une aubaine pour les lobbyistes du nucléaire
François Drapier, Sortons du nucléaire Moselle
"Après, même si nous sommes pour la sortie du nucléaire, c’est évident qu’on ne peut pas fermer la centrale maintenant avec la guerre en Ukraine. Le problème, c’est que cette guerre en Ukraine est devenue une aubaine pour les lobbyistes du nucléaire. Notre position, c’est de dire, ces centrales existent, on les maintient en état, on met le paquet sur la sécurité et on fixe une date d’obsolescence juste et maîtrisable".
Dans cette période de guerre, l'arme nucléaire a elle aussi refait surface, on voit qu'il y a d'énormes enjeux autour des centrales et aussi d'énormes risques. Les français sont d'ailleurs très inquiets d'une possible attaque nucléaire ou chimique en Ukraine. "L'arme nucléaire, voilà qui devrait nous dissuader de relancer la machine nucléaire, ce devrait être un contre-argument" s'agace Marie-Anne Isler-Beguin.
Avec ses 18 centrales et ses 56 réacteurs, la France est aujourd'hui le pays le plus dépendant de l'énergie nucléaire au monde. Ses centrales ont été construites pour une durée de fonctionnement de 40 années en moyenne.