Frédéric Weber, candidat du RN, est arrivé en tête au 1ᵉʳ tour des législatives 2024 dans la circonscription de Longwy-Briey. Portrait de l'ancien syndicaliste d'ArcelorMittal Florange par ceux qui l'ont côtoyé pendant la bataille de Florange pour sauver les hauts-fourneaux en 2012.
Frédéric Weber, le candidat du RN, est arrivé en tête au 1ᵉʳ tour des législatives dimanche 30 juin 2024 dans la 3ᵉ circonscription de Meurthe-et-Moselle (Longwy-Briey). L'ancien syndicaliste FO est infirmier à ArcelorMittal Florange (Moselle). Il a participé en 2012 avec des responsabilités syndicales locales à la longue bataille pour empêcher la fermeture définitive des hauts-fourneaux.
Nous avons rencontré les militants syndicaux qui l'ont bien connu lors des manifestations. L'homme, au cours de sa carrière syndicale, est passé par la CFDT et FO. Il laisse un souvenir contrasté auprès de ceux qui l'ont côtoyé pendant ses années de militantisme syndical.
Désir de reconnaissance et ambition
Edouard Martin, figure emblématique des Florange, a milité avec lui à la CFDT avant de devenir député européen sous l'étiquette PS. Il travaille aujourd'hui à Longwy (Meurthe-et-Moselle) dans une coopérative d'insertion professionnelle. Il connait bien Frédéric Weber et brosse le portrait d'un homme ambitieux et opportuniste :
"Frédéric Weber était à FO et estimait ne pas être reconnu à sa juste valeur. Il est venu chez nous à la CFDT sur la pointe des pieds. Moi, j'étais étonné et un peu dubitatif. Il a milité une paire d'années chez nous pendant le conflit de Florange et là, très vite, on s'est rendu compte que c'était quelqu'un avec des ambitions surdimensionnées".
Édouard Martin lui reproche son manque d'implication et de prises de risques lors des manifestations et opérations de blocages.
Toujours selon Edouard Martin, le fait qu'il ne fasse pas partie de la délégation syndicale qui rencontra à Matignon le Premier ministre Jean-Marc Ayrault le 5 décembre 2012 en plein conflit Florange a été très mal vécu par celui qui visait des responsabilités toujours plus élevées. Les deux hommes aux caractères forts ne s'apprécient pas et ne se font pas de cadeaux.
Pour moi, un syndicaliste qui se respecte, quelle que soit son étiquette syndicale et qui choisit le camp du RN, renie toutes les valeurs du monde syndical.
Edouard Martin, ancien leader de la CFDT ArcelorMittal Florange
Les relations s'enveniment et Frédéric Weber quitte la CFDT pour rejoindre Force Ouvrière où Walter Broccoli, alors secrétaire local FO ArcelorMittal Florange, l'accueille à bras ouverts : "il a été un bon lieutenant puisqu'il a été dans mon équipe pendant des années. Il avait des valeurs différentes de celles qu'il défend aujourd'hui. Son ralliement au RN ? Ça ne m'étonne pas parce qu'il a toujours voulu faire de la politique, mais il ne savait pas dans quel camp aller".
Du syndicalisme à la politique
Walter Broccoli était aussi élu conseiller régional MoDem en 2016. À l'époque, il croyait à une coalition des forces républicaines au centre pour faire barrage au parti d'extrême droite : le Front national devenu depuis le RN. Il propose à Frédéric Weber de rejoindre le parti centriste, mais sans succès : "pour moi, il n'est pas raciste, mais c'est un opportuniste, il veut absolument faire de la politique. C'est un garçon intelligent et il a misé sur le bon cheval".
Ce qui fait sourire l'ancien responsable syndical ? : "s'il est élu, il va peut-être à nouveau reparler avec François Hollande avec qui il s'entendait bien !".
Un sourire amer toutefois, car depuis que Frédéric Weber l'a appelé pour lui annoncer son adhésion au RN, il ne veut plus lui parler : "c'est un bon gars, mais quand il m'a dit, je prends la carte, j'ai coupé les ponts. Notre collaboration s'est arrêtée là".
L'ombre des hauts-fourneaux de Florange
Jean Mangin, aciériste retraité et ancien délégué CGT à Florange, a bien connu Frédéric Weber lorsqu'ils ont rejoint tous les deux FO. Il tempère le portrait de l'homme prêt à tout pour faire une carrière politique. Il garde le souvenir d'une forte personnalité : "c'est quelqu'un qui a beaucoup de convictions. C'est aussi un humaniste parce qu’il est très attaché aux valeurs et au respect. C'est quelqu'un de travailleur et un très bon communicant aussi".
Son engagement au Rassemblement national ne le surprend pas. Bien qu'ayant milité toute sa vie à gauche, il avoue avoir, lui aussi, le même dépit et la même évolution politique : "vous savez, quand en politique, on ne s'y retrouve plus... Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Ça aurait été du gâchis pour lui de rester dans la situation dans laquelle il était au niveau syndical. Il a été très affecté par ce qui s'est passé pendant la bataille pour sauver les hauts-fourneaux en 2012. Il a été tellement déçu de ne pas pouvoir changer les choses qu'il a bifurqué dans une voie où on ne l'attendait pas".
Loin des règlements de comptes, Jean Mangin pose un regard apaisé sur ses anciens camarades de lutte, même s'ils militaient dans des syndicats différents, voire opposés. Il apprécie aussi le parcours d'Edouard Martin, même s'il n'aurait pas choisi le PS pour s'engager en politique, mais plutôt Les Verts. Pour lui, peu importe l'étiquette, il faut regarder les personnes, ceux qui ont les qualités pour entrainer les autres dans les luttes sociales.
Candidat du RN à cause de la dissolution
Frédéric Weber est conscient des critiques que suscite son engagement au RN. Il adhère en avril 2023 après avoir démissionné de ses mandats syndicaux. Il explique qu'il n'a jamais visé une carrière politique à tout prix et réfute l'image de l'ambitieux prêt à tout pour y arriver. C'est la dissolution voulue par Emmanuel Macron le 9 juin qui l'a poussé sur le devant de la scène : "j'ai quitté le syndicat [FO. NDLR] et j'ai décidé de retourner travailler et de m'engager en tant que simple militant au Rassemblement national. Et puis les choses se sont un peu emballées. D’abord, ils m'ont mis en 43e position sur la liste pour les élections européennes. Suite à la dissolution, on m'a demandé si j'acceptais de mener le combat pour le RN aux législatives et j'ai accepté".
J'adhère au projet politique du Rassemblement national : permettre une alternance dans une France qui est fortement en colère et à laquelle il va falloir répondre.
Frédéric Weber, candidat du RN dans la 3e circonscription de Meurthe-et-Moselle.
Quel bilan tire-t-il de son parcours syndical ? Du bon et du moins bon, mais surtout un constat d'impuissance à empêcher les casses sociales et industrielles : "ça a été une bonne période, je ne regrette rien, mais c'est vrai qu'au bout de dix-sept ans, quand on a fini sur la réforme des retraites, je me suis rendu compte que l'exercice avait ses limites. Quand on est responsable syndical, on est là pour défendre les salariés, donc quand j'ai vu que je n'arrivais plus à être efficace pour les gens qui m'avaient élu, j'ai décidé d'arrêter et de passer à une autre forme d'engagement".
Ne pas décevoir les gens
Quant aux critiques des deux anciens responsables de la CFDT et de FO ArcelorMittal sur son engagement au RN, Il renvoie Édouard Martin et Walter Broccoli à leurs propres parcours politiques : "moi, je respecte leurs choix [PS et MoDem NDLR] mais ils sont quand même culottés de venir me juger. Édouard Martin a plus déçu les gens en s'engageant comme tête de liste au PS, que moi, je ne les décevrai avec mon engagement au RN".
À la question, comment expliquer l'explosion du vote RN dans un ancien bastion ouvrier où beaucoup de familles sont issues de l'immigration et bénéficient des accords de Schengen pour travailler librement au Luxembourg et en Belgique ? Pour Frédéric Weber, la réponse est simple : le RN n'a jamais été contre l'Europe et encore moins raciste. Ce sont des accusations portées "par les gauchistes".
Au second tour, dimanche 7 juillet 2024, il sera face à la députée sortante Martine Etienne, candidate du Nouveau Front populaire.