Depuis la publication d'un décret vendredi 29 mars 2024, il n'y a plus de seuil pour l'achat de tabac au Luxembourg par exemple. Plus de limites, en théorie. Ce sera aux Douanes d'apprécier s'il y a commerce ou pas au regard des quantités et de ce qui est transporté.
Il y a six mois, douze députés du groupe Horizons déposaient une proposition de loi visant à empêcher l'importation en France de tabac de pays frontaliers à la fiscalité plus douce. C'est aujourd’hui, tout le contraire. La France n'a pas eu d'autre choix que de se mettre en conformité avec le droit européen. Elle a donc supprimé la limite de 200 cigarettes, soit une cartouche, qu'un fumeur était autorisé à ramener d'un autre pays de l'UE. Et le décret publié vendredi 29 mars 2024 au Journal officiel, le gouvernement a fait le choix de ne pas fixer de seuil.
L'Europe ne prend pas les bonnes décisions. Tout cela incite les réseaux mafieux à pratiquer du trafic et à installer la contrebande
Antoine Palumbo, président de la confédération des buralistes de Moselle
"C'est une très mauvaise annonce" a déclaré Antoine Palumbo, président de la confédération des buralistes de Moselle, au micro de France 3 Lorraine, "cela va encore pénaliser les buralistes frontaliers. C'est très mauvais pour la santé des Français. L'Europe ne prend pas les bonnes décisions. Tout cela incite les réseaux mafieux à pratiquer du trafic et à installer la contrebande".
Open bar ou pas ?
Jusqu'à présent, les particuliers majeurs qui voyageaient dans un pays de l'UE étaient autorisés à ramener 200 cigarettes (1 cartouche), 50 cigares, 250 grammes de tabac à fumer, et 100 cigarillos. Mais depuis la requête d'un fumeur français, le Conseil d’État a demandé fin septembre au gouvernement de se mettre en conformité avec ses voisins européens, soit en s'abstenant de fixer des seuils, soit en fixant des seuils conformes à la réglementation européenne.
Les douaniers ont désormais la possibilité de s'appuyer sur un faisceau d'indices, de saisir et sanctionner
Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics
Avec ce décret, il n'y a plus de seuil et plus aucune mention des quantités autorisées à l’importation. Mais ce n'est pas open bar pour autant. "Les douaniers ont désormais la possibilité de s'appuyer sur un faisceau d'indices, de saisir et sanctionner (...) ceux pour lesquels il y a une présomption de commerce et donc de commerce illégal", précise le ministre délégué chargé des Comptes publics Thomas Cazenave. En clair, le niveau à partir duquel les Douanes peuvent considérer qu'il ne s'agit plus d'une consommation personnelle est fixé par la réglementation européenne à 800 cigarettes (4 cartouches), 400 cigarillos, 200 cigares et 1 kg de tabac à fumer. "Moi, je pense que c'est très bien" a commenté une usagée frontalière au micro de France 3 Lorraine, "je ne comprends pas pourquoi on doit payer plus cher en France. Je comprends parfaitement les arguments liés à la santé, mais cette différence de prix entre la France et le Luxembourg, c'est vraiment abusif".
Le décret renforce ainsi les critères permettant aux douaniers d'évaluer si la personne transportant des cigarettes les a achetées "pour ses besoins propres". "La destination du détenteur lorsqu'elle diffère de son lieu de résidence habituelle", "l'activité économique du détenteur", l'emplacement des produits dans le véhicule, l'inscription du nom d'un destinataire sur un paquet ou une cartouche, la variété des marques achetées... seront notamment considérés pour déterminer s'il y a commerce ou pas. "On passe d'une logique de quantité à une logique de finalité : quel que soit le seuil, si c'est pour la revente, ce n'est pas bon", résument les services ministériels. Le pouvoir des douaniers est étendu. Encore faudra-t-il avoir les moyens d'effectuer ces contrôles dans ce nouveau cadre réglementaire.
Harmonisation européenne
Le ministre a par ailleurs appelé à une "harmonisation fiscale sur le tabac". "Le prix unique, c'est irréaliste, car chaque pays a une fiscalité propre" rappelle Antoine Palumbo, "il faudrait cependant un rapprochement des prix. S'ils étaient moins différenciés, le trafic se réduirait de lui-même parce que les gens ne feraient pas autant de kilomètres pour aller chercher des cigarettes de l'autre côté de la frontière".