Municipales 2020 : vers une nouvelle guerre ou une nouvelle ère entre Nancy et Metz après le 28 juin

En Lorraine, on a souvent parlé de rivalités historiques entre Nancy et Metz. Une compétition qui semble aujourd'hui apaisée. Une grande majorité de candidats aux municipales prônent même davantage de synergie entre les deux métropoles. Reste pourtant quelques points de désaccords.

 

C'est beaucoup plus qu'un symbole. Lorsqu'un candidat à la mairie de Nancy fait campagne à Metz et vice versa, une barrière tombe. Et c'est bien là une des volontés de Mathieu Klein (Nancy en Grand) et Xavier Bouvet (Unis pour Metz) : s'afficher dans le monde d'après. Loin des querelles, des guéguerres, des jeux des dupes, des mensonges, des traîtrises... un monde où les villes de Nancy et Metz, qui ont toujours fait deux, pourraient désormais faire une. “Il faut sortir de décennies très conflictuelles entre les deux métropoles qui se sont révélées stériles pour les deux territoires” explique Xavier Bouvet (EELV), “le XXIe siècle, c'est le retour au local et au grand régional. Avec Mathieu Klein, on porte un projet de coopération et d'ouverture, d'apaisement et de renouvellement. Ça passe dans le dialogue Metz-Nancy. Faire en sorte de travailler ensemble et affirmer que ce couple est soudé pour servir ses habitants.

Les vieilles querelles sont derrière nous

Mathieu Klein, candidat à la mairie de Nancy

Travailler de manière équilibrée et apaisée, c'est l'ambition des deux prétendants à la mairie de Nancy et de Metz. Un rapprochement facilité par leur appartenance à la même famille politique mais pas seulement. “Nous sommes convaincus qu'il faut écrire une nouvelle page de notre région” poursuit Mathieu Klein, “il faut dépasser ces antagonismes qualifiés à tort d'indépassables. Ce sont des querelles d'hier et nous, nous sommes tournés vers une région profondément européenne. Nous voulons travailler différemment avec le Grand Duché de Luxembourg mais aussi l'Allemagne, dans une logique de co-développement. Il faut former les jeunes générations à la mobilité internationale. Être trilingue français anglais allemand, c'est un passeport pour la réussite sur un bassin d'emploi européen qui est exceptionnel. Nous ne le mesurons pas assez au quotidien.

 

 

Au début du mandat, s'ils sont élus, Mathieu Klein et Xavier Bouvet souhaitent réunir conjointement les conseils municipaux de Metz et de Nancy dans le but d' “écrire ensemble une nouvelle feuille de route du mandat sur des projets que nous souhaitons faire ensemble. Les vieilles querelles sont derrière nous” insiste Mathieu Klein. Tous les domaines sont concernés : culture, transports, économie... à l'échelle d'un territoire Nancy-Metz-Luxembourg. “Il faut favoriser les mobilités entre les deux métropoles” analyse Mathieu Klein “mais aussi porter des projets comme celui d'une liaison régionale à grande vitesse entre Nancy et Luxembourg. Il faut aussi mettre l'aéroport du Findel, au Luxembourg à 30 minutes de Metz et à 50 minutes de Nancy. C'est pour nous des projets d'avenir car cela permet de redonner aujourd'hui une attractivité et une accessibilité à nos deux villes. La question aujourd'hui, c'est de savoir si nous sommes deux métropoles ou si nous sommes deux métropoles alliées sur le plan international. Si nous voulons jouer un rôle sur le plan européen, il faut que nous raisonnions à une autre échelle avec un Grand Duché de Luxembourg qui est un moteur de croissance. Cela profitera à toute la Lorraine et l'alliance des deux métropoles, avec un agenda commun, constituera une locomotive.

La question universitaire

Travailler avec Nancy, le Mosellan François Grosdidier en est aussi convaincu. “Je souhaite que les relations entre Nancy et Metz soient bonnes et fructueuses mais je ne veux pas enfermer Metz dans un rapport exclusif avec Nancy pour le meilleur comme pour le pire” tempère le candidat LR, “Metz doit bien davantage regarder du côté de Trèves en Allemagne mais aussi du Luxembourg.

Je ne veux pas enfermer Metz dans un rapport exclusif avec Nancy pour le meilleur comme pour le pire

François Grosdidier, candidat à la mairie Metz

François Grosdidier ressuscite finalement la vision de Jean-Marie Rausch. L'ancien maire de Metz avait été à l'initiative de la création du QuattroPole, une structure de coopération transfrontalière où il avait fédéré Luxembourg, Sarrebruck, Trèves et Metz. Et surtout pas Nancy...

Et aujourd'hui, François Grosdidier semble bien décidé à donner une nouvelle envergure à Metz sur le plan universitaire. “Je souhaite des coopérations gagnant-gagnant entre Nancy et Metz au sein de l'Université de Lorraine et pour l'instant, c'est du gagnant-perdant... et le perdant, c'est Metz” s'enflamme François Grosdidier avant d'ajouter. “Sur la question universitaire, je considère que Metz est maltraitée par rapport à Nancy. On est la métropole de France la plus sous-développée sur le plan de l'enseignement supérieur mais le système de l'université de Lorraine nous interdit tout rattrapage. Nous avons à Metz un retard historique. Quand on veut mettre en place des formations ou des diplômes, on ne doit pas être entravé par l'Université de Lorraine. C'est un véritable sujet que je remettrai sur le tapis. Mais attention, je ne dis pas que Nancy est responsable.” En novembre dernier, François Grosdidier avait même évoqué l’hypothèse de quitter l’Université de Lorraine (fusion de l'Université de Metz et de Nancy en 2012), faute d’un accord équilibré.

 

 

Ces propos avaient relancé l'idée d'une guerre Nancy-Metz... Une interprétation qui a le don d'irriter le candidat LR. “Je me fous des interprétations” clame t-il, “mais mon intention est bien de doter Metz d'un enseignement supérieur à la dimension de ses besoins, les besoins légitimes d'une population qui ne doit pas forcément faire 60 ou 80 km pour chercher un enseignement supérieur sur des premiers cycles. Dans toute métropole, il est impensable de ne pas avoir ces enseignements de base et ce n'est pas faire la guerre à Nancy que de le dire. Je ne vais pas me laisser marcher sur les pieds et on demande ce qui nous revient de droit.

François Grosdidier fait son Trump” commente, amusé, cet observateur de la vie politique messine, “il brandit la menace de quitter l'Université de Lorraine mais c'est pour le show.

Il y a un positionnement et un tempérament différents de ceux de Dominique Gros” analyse Etienne Criqui, professeur de sciences politiques à l'Université de Lorraine “mais François Grosdider a le sens des réalités comme beaucoup d'hommes politiques. Une fois qu'ils sont élus, la pratique du pouvoir est souvent assez différente des discours. Je ne suis pas certain que le bouleversement sera considérable à Metz même si chacun imprime sa patte dans cette campagne. Dans le contexte actuel, l'intérêt bien compris est celui de la complémentarité entre les deux grandes villes du sillon lorrain.

Je ne pense pas qu'on se dirige vers une nouvelle guerre entre Nancy et Metz comme on l'a connue dans les années 70/80

Jérôme Pozzi, maître de conférences à l'université de Lorraine

Face à ce qui s'annonce, à savoir une grave crise économique avec un million de chômeurs dans le pays, il va falloir mettre en place des dynamiques communes à l'échelle régionale” analyse de son côté Jérôme Pozzi, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Lorraine, “est-ce que ce n'est pas une posture électorale pour souder une partie de l'électorat messin. C'est très difficile de faire la part des choses entre le discours de campagne et la réalité. De toute façon, les prochains maires doivent s'attendre à gérer d'énormes difficultés sur le plan économique et social. Penser local serait une erreur même si la tentation des maires dans cette bataille de l'emploi sera d'attirer chez soi des entreprises, des services... Il faut plus jouer à l'échelle régionale. Imaginons François Grosdidier et Mathieu Klein élus à Metz et Nancy. On peut dire que tout les oppose sur le plan politique mais dans les faits, il y a beaucoup de pragmatisme de la part des élus locaux. Ils vont vite comprendre que beaucoup de choses se décident à une autre échelle que celle de la commune ou de la métropole. Je ne pense pas qu'on se dirige vers une nouvelle guerre entre Nancy et Metz comme on l'a connue dans les années 70/80.

Quelque soit l'issue de ces municipales, il faudra que Metz et Nancy travaillent ensemble

Laurent Henart, candidat à la mairie de Nancy

Pour le maire sortant Laurent Hénart, qui a entretenu des rapports à la fois cordiaux et tendus (création d'un département Lorrain sans la Moselle) avec son homologie messin Dominique Gros, l'heure est également à l'ouverture... plus que jamais nécessaire. “Il y a des tensions que certains tentent de raviver dans un contexte politique où tout le monde cherche la martingale pour gagner” sourit Laurent Hénart. “Ce qu'il faut dire aux Lorrains, aux Nancéiens et aux Messins, c'est qu'on est dans le Grand Est. Côté alsacien, on joue solidaire et groupé au bénéfice de Strasbourg. Il y a un vrai sujet de défense des intérêts lorrains et à un moment donné, on ne défendra pas ces intérêts sans être unis. L'alliance entre Nancy et Metz incarne cette unité lorraine, il va bien falloir qu'on y arrive à un moment. Le sujet ce n'est pas Nancy pique à Metz et Metz pique à Nancy ! Le sujet, c'est éviter que l'Alsace aspire toutes les richesses, tous les investissements et toutes les décisions d'Etat. Si on laisse cette espèce de concentration alsacienne, on sera perdants à Metz et à Nancy. Quelque soit l'issue de ces municipales, il faudra que Metz et Nancy travaillent ensemble.” Reste maintenant à voir si les actes et les électeurs suivront... ou pas.

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