Dans le cadre du Forum européen de bioéthique, qui a lieu du 25 au 30 janvier en version digitale, nous avons rencontré le professeur Jean Sibilia, doyen de la faculté de Médecine et chef de service de rhumatologie du CHU de Strasbourg.
La 11e édition du Forum européen de bioéthique propose une thématique au cœur des préoccupations actuelles : "La bioéthique en temps de crises". Le professeur Jean Sibilia intervient ce mardi 26 janvier à 18 heures pour la conférence "La pandémie de la Covid-19 est-elle liée à l’activité humaine ?", que vous pourrez (re)visionner en replay sur le site du forum.
En temps de Covid, reste-t-il de la place pour les autres pathologies ?
C’est une nécessité, il y a les malades Covid et il y a tous les malades non-Covid, toutes les maladies extrêmement graves comme l’infarctus, les AVC, les maladies infectieuses, les cancers, qui doivent être prises en charge, cela a été un des vrais problèmes au début de l’épidémie en Alsace. Aujourd’hui, les chiffres montrent qu’il y a une surmortalité liée au cancer, entre 1.000 et 5.000 patients qui seraient décédés en plus en raison de la saturation du système de santé par l’épidémie de Covid-19.
La gestion de la crise est difficile parce qu’il y a une pression sur le système de santé, par des patients affectés par ce virus qui donne des complications respiratoires aigües, cardiaques, cardio-vasculaires. La pression est forte et on doit s’occuper de ces patients, il s’agit vraiment d’une priorité, mais on doit aussi s’occuper des autres. On doit donc trouver un système d’organisation extrêmement flexible : les médecins à la manœuvre, l’administration en soutien, on a pris en charge à la fois des malades Covid et les autres.
Mobiliser les étudiants en santé, c’est plutôt formateur ou traumatisant pour eux ?
Il faut rendre hommage à nos étudiants. Ils se sont mobilisés de façon absolument incroyable. Strasbourg a été précurseur puisque nous avons mis en place ce qu’on appelle la réserve sanitaire étudiante, co-gérée avec nos étudiants, on a créé une dynamique que j’ai trouvé vraiment extraordinaire. Nous avons fait une enquête qui a même été publiée dans une revue internationale, qui a démontré que les étudiants engagés ont finalement mieux vécu la crise que ceux qui étaient malheureusement bloqués chez eux. Donc effectivement, cela a été formateur mais également un drame.
Nos étudiants sont isolés, pour certains deux années universitaires de suite chez eux, parfois dans des conditions difficiles, avec une rupture numérique. Ils n’ont pas forcément un environnement numérique suffisant pour accéder aux cours que l’on met à disposition, nous avons été incroyablement mobilisés pour cela. Cela reste néanmoins très difficile, et c’est pour cela que nous souhaitons les faire revenir à l'université, tout en respectant les règles sanitaires. L’action des étudiants sur le terrain avait une condition pour nous, c’est qu’ils soient formés à se protéger contre le virus, c’était prioritaire. Avec cette condition-là, ils ont pu s’engager dans les services de réanimation, de soins, aux urgences, dans les centres médico-sociaux, les Ehpad. Notre responsabilité était de les protéger dans un moment extrêmement difficile.
Je rappelle qu’on savait peu de choses sur le virus, on ne se protégeait pas forcément bien. Malheureusement, des étudiants ont été contaminés, heureusement, sans forme grave. Cela a été un moment extrêmement difficile, aujourd’hui, c’est régulé, on a appris et on sait plus de choses. On a rappelé nos étudiants, notamment pour la vaccination, ils seront présents quand nous aurons suffisamment de vaccins pour tout le monde.
Priorité à la santé de nos anciens ou à la santé mentale de notre jeunesse ?
Santé mentale de notre jeunesse, santé physique de nos anciens : une société équilibrée ne peut l’être que si elle respecte les jeunes et les anciens, c’est de l’équilibrisme. Nous avons compris que cela était très compliqué. D’un côté, on ferme et on brime un certain nombre d’activités culturelles, ludiques, sportives, d’un autre côté on le fait pour protéger les gens les plus fragiles, qui avec ce virus, sont les gens âgés ou ceux qui ont des maladies chroniques. Il faut effectivement trouver un équilibre extrêmement compliqué. En tant que soignant, évidemment je suis sensible aux deux aspects : à la santé de nos anciens que l’on doit préserver avant tout, mais aussi à la santé mentale de nos jeunes qui souffrent beaucoup. A nous de trouver cet équilibre, on fait le maximum, sachez que l’Institution, l’Université et la faculté sont engagées pour essayer de respecter ces deux piliers.
Consultez le programme du Forum européen de bioéthique.