Portrait : Du jazz manouche au classique, l’accordéoniste Marcel Loeffler sublime son instrument

Né dans une famille de musiciens manouches à Haguenau, Marcel Loeffler a baigné dans l'univers du jazz. Il est l'un des rares à avoir choisi l'accordéon pour compagnon de route. Un instrument, jadis associé au bal musette, auquel il rend ses lettres de noblesse. Il s'ose même à jouer du classique.

Marcel Loeffler était prédestiné à la musique. Ses grands-pères, ses oncles, son père, tous jouaient avant lui. Des guitaristes ou violonistes, comme la plupart des musiciens manouches. Marcel, lui, est accordéoniste. Il a, avec son modèle Marcel Azzola, changé le regard porté sur son instrument. 

Jour de concert. Marcel Loeffler nous accueille chez lui, dans son appartement strasbourgeois. Son quotidien n'a plus rien à voir avec le mode de vie manouche. Mais ses origines lui ont offert le plus beau des héritages : la musique. L'accordéoniste à donné rendez-vous à certains de ses amis, le guitariste Engé Helmstetter entre autres, et son fils Cédric. Il n'y a qu'à voir l'aisance avec laquelle tous se promènent dans l'appartement pour comprendre qu'ils en ont fait l'un de leurs quartiers généraux.

Marcel Loeffler s'est aménagé un studio à domicile. Il y réalise lui-même toutes ses maquettes après avoir composé des morceaux. Sur les murs de la pièce, des photos, de Marcel enfant jouant avec son père ou encore porté sa mère. Une autre, qu'il tient à nous présenter. Il la décrit, comme s'il la connaissait par coeur. Il ne l'a pourtant jamais vue. Car le musicien de 63 ans est aveugle depuis ses cinq ans. Qu'importe, c'est le symbole qui compte : il y pose avec Marcel Azzola, autre génie de l'accordéon qui l'a beaucoup inspiré.
 

Marcel Azzola, son modèle

Azzola est le premier à avoir donné en France un nouveau souffle au piano à bretelles, en l'emmenant vers le jazz. Marcel Loeffler est son héritier. "J'avais cinq ans, lorsque j'ai commencé. Mon père m'a offert un accordéon un soir de Noël, explique-t-il, avant de préciser : Il a joué avec beaucoup d'accordéonistes lors des bals, mais ils ne lui convenaient pas vraiment. Alors, il s'est dit qu'il fallait former l'un de ses enfants".

C'est donc Marcel qui a été initié à l'instrument. Et comme son modèle, il s'est donné la mission de sortir l'accordéon du bal musette. Mission réussie pour l'enfant du jazz manouche. "Chez nous, les manouches, il y a très peu d'accordéonistes, mais Marcel a parfaitement su s'adapter avec son accordéon. Lorsque vous jouez le morceau "Nuage" par exemple, cela veut bien dire que vous êtes parfaitement intégré dans la musique manouche", souligne son ami Bireli Lagrène, le plus grand guitariste du monde.

"Je suis très fier", renchérit Cédric, le fils de Marcel. "Il s'est toujours battu pour donner une autre image de l'accordéon. L'accordéon, ce sont très vite des clichés, Yvette Horner, le Tour de France... Mon père veut faire comprendre qu'on peut faire autre chose que du musette, des bals. Forcément, il a fait ça pendant sa jeunesse mais ça faisait partie de l'époque, il gagnait son argent comme ça". "Il a raison, répond le père. Je n'aime pas trop jouer cette musique. Je connais tout le répertoire, c'est très beau, mais ce n'est pas mon truc". 
 

Du Debussy sur son album

Un homme de passion, et de conviction donc. Ce jour-là, Marcel et Cédric travaillent sur leur prochain album qui devrait sortir en septembre et sur lequel ils reprennent notamment un morceau de Debussy. De la musique classique. Marcel Loeffler veut aller encore plus loin, redorer l'image de son instrument, certes, mais aussi sortir de l'étiquette qui lui colle à la peau, la musique manouche. "Mon père fait pas mal de composition sur l'album, raconte encore Cédric. Il essaye de ramener à chaque fois de la fraîcheur, de ne pas refaire ce qu'on a déjà fait ou alors il reprend du traditionnel mais en l'arrangeant".

Marcel confirme : "Par traditionnel, il veut dire traditionnel manouche. On essaye de sortir des clichés parce que, évidemment, pour les gens on est catalogués. Quand ils nous voient, c'est le jazz manouche. C'est dommage, car la musique n'a pas de frontière". 

Il exporte aujourd'hui sa palette de styles dans le monde entier, car sa renommée s'étend bien au-delà des frontières de la France. Pour Bireli Lagrène, "C'est un super musicien, il a tout compris. Je ne sais pas si on peut dire qu'il est le meilleur parce que - meilleur - qu'est-ce que ça veut dire au juste ? Ce qui est sûr, c'est qu'il fait partie des très très bons". 
 

Le maître de l'improvisation

Partout, il joue avec le même plaisir car Marcel Loeffler le répète, "La musique c'est toute ma vie. Jamais, je ne pourrais vivre sans. Dès que je me réveille le matin, j'écoute de la musique". C'est sur scène qu'il se sent le mieux, la musique étant pour lui émotionnelle. Il aime ressentir ce qu'elle provoqur sur son public.

Ce soir-là, sur la scène de la Briqueterie à Schiltigheim, l'accordéoniste a réuni ses amis, des alsaciens et des Roumains, dans le cadre de la saison France-Roumanie qui célèbre l'amitié entre les deux pays. La salle est pleine, les spectateurs ne s'y trompent pas. Une nouvelle fois, il ne fait qu'un avec son instrument. Il éblouit par son phrasé aérien, son touché extrêmement fin, son sens du rythme.

Le concert offre des moments de poésie. Marcel Loeffler préfère parler avec son accordéon qu'avec les mots. Il alterne improvisation et jeu réfléchi où il travaille sur les nuances et cherche à tenir les notes. Caché derrière son instrument, il laisse parfois s'échapper un sourire. Celui d'un homme humble et heureux. Il a trouvé sa voie. L'accordéon, son porte-voix. 
 
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