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REPLAY. A Gérardmer dans les Vosges : les nombreux touristes vont-ils tuer le tourisme ?

L'envie de grand air se paye au prix fort à Gérardmer. Le nombre de résidences secondaires et de logements à louer explose tout comme les prix de l'immobilier. Les habitants et la commune sont à bout et comptent retrouver leur ville de cœur. "Tourisme : le revers de la médaille", une enquête à voir ou à revoir.

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Posséder une résidence secondaire ou louer un logement à Gérardmer (Vosges), est à la mode. Mais cette tendance fait exploser les prix de l’immobilier. Plus 40 % en cinq ans, au détriment des habitants locaux qui ne peuvent plus acheter de bien. Les investisseurs, eux, achètent pour de la location saisonnière dans certains quartiers de la ville.

Louer un chalet pour un week-end est désormais monnaie courante, n'en déplaise aux riverains. Les nuisances provoquées par les fêtards engendrent de vraies tensions entre habitants et touristes. Loin de la beauté des cartes postales, c'est avec les tendances touristiques du moment que s'ouvre la nouvelle saison d'Enquêtes de région, un mercredi par mois à 23h05 sur France 3 Grand Est et en replay.

Chaque week-end – peu importe la saison – ont lieu des fêtes dans des chalets taillés pour quinze personnes avec sauna et spa extérieur. Les touristes viennent en continu. 20 % de fréquentation supplémentaire en 2021, et près de 15 % cet été 2022. Un million de personnes passeraient chaque année par Gérardmer.

Les voisins sont excédés

Ce n'est plus un tabou entre Géromois, l'explosion du nombre de touristes à Gérardmer crée de vrais problèmes de voisinage. "Gérardmer est devenu la ville pour faire les enterrements de vie de garçon, de jeune fille et autres fêtes, témoigne Grégory Paradisi, habitant de la ville. Les jeunes viennent pour s'amuser, ils ne se rendent pas compte qu'il y a beaucoup de voisins tout autour."

Les Géromois sont à bout, et certains déménagent hors de Gérardmer.

Thierry Germain, un habitant

En août 2022, plusieurs spas gonflables ont été percés volontairement par un voisin excédé. Thierry Germain, un autre habitant, partage ce malaise. "Le moindre bruit me crispe. Les Géromois sont à bout, et certains déménagent hors de Gérardmer."

Sur internet, on trouve des dizaines de ces chalets luxueux. Les photos ne montrent jamais la proximité du voisinage. Sur certaines annonces, les enterrements de vie de garçon sont désormais clairement interdits, sur d'autres, les équipements proposés (consoles de jeux, films et baby-foot), semblent clairement cibler cette clientèle.

Alain Grivel, vice-président du label Clévacances 88 et 54, regrette cette nouvelle tendance. "Le gros souci, c'est qu'on peut aujourd'hui faire du tourisme depuis son bureau en mettant des annonces sur Airbnb, on est positionné comme l'Ibiza du Grand Est". Ce positionnement dicté par les algorithmes de recherche touristique dénature l'image familiale, calme et écologique du secteur selon Alain, qui loue lui-même des chalets à un public familial depuis vingt ans.

La frénésie immobilière dépasse les sommets

En quelques années, Baptiste André, un autre riverain, a vu une quinzaine de chalets pousser au pied de sa maison. "Sur tous les petits bouts de terrain qui restent, on voit des piquets de géomètre avec des pancartes «permis de construire». On se demande combien il y en aura encore. Tout va être occupé."

Les jeunes Géromois ne peuvent plus se loger. La population a baissé de 17 %. Les écoles ferment.

Jacques Valentin, coprésident de l'association Gérardmer patrimoine nature

Pour l'association Gérardmer patrimoine nature, cette urbanisation galopante est une hérésie. "Les jeunes Géromois ne peuvent plus se loger, dit Jacques Valentin, coprésident de l'association. Les sapeurs-pompiers ne trouvent plus de jeunes. La population a baissé de 17 %. Les écoles ferment. Il faut se rendre à la raison." France 3 Lorraine a contacté plusieurs promoteurs et constructeurs de chalets, aucun n'a souhaité s'exprimer.

L'origine du problème, c'est la loi Alur de 2014, qui supprime le coefficient d'occupation des sols et la possibilité de fixer une superficie minimale de terrain pour les constructions. En résumé, vous pouvez bâtir une grosse maison sur un tout petit terrain.

Ces dernières années, les demandes de permis de construire ont explosé : 99 en 2017 contre 235 en 2021. Le maire répète qu'il ne peut pas bloquer les constructions. "À partir du moment où le permis de construire coche toutes les cases, le maire n'a pas d'autre choix que de dire oui et de le signer. S'il ne le fait pas, la commune est condamnée."

Les biens immobiliers deviennent en conséquence difficiles à trouver et trop chers pour les locaux. Jusqu'à 6.000 euros le mètre carré, autant qu'à Nice ou en région parisienne. Lorraine Roussat, agente immobilière a facilement vendu un chalet d'environ 400 mètres carrés pour 1,6 million. "Ça a tellement augmenté qu'on se demande quand est-ce que ça va s'arrêter. Ça ne peut pas continuer comme ça sur des années."

Pour mettre un coup d'arrêt à cette bulle spéculative de construction, le maire compte sur la modification du plan d'urbanisme adopté en juillet 2022. Désormais, les zones humides sont protégées, un coefficient d'emprise au sol est instauré, la surface de la maison ne devra pas occuper plus de 20 % de celle du terrain, et à partir de trois logements dans un bâtiment, il faudra y inclure des logements sociaux.

La surfréquentation nuit à l'environnement

Pour le directeur de l'office de tourisme de Gérardmer, Bruno Poizat, la surfréquentation que connaît le secteur pose également des soucis de gestion et de sécurité. Car les espaces naturels se voient dégradés par le passage excessif des touristes. Selon Bruno Poizat, un agent de l'ONF (l'Office national des forêts) prône la fermeture du sentier qui mène à la cascade de Mérelle, située tout près du lac de Gérardmer, pendant cinq ans, pour remédier à sa dégradation.

Au début du mois d'août 2022, les nappes phréatiques ont atteint un niveau historiquement bas, obligeant la commune à puiser l'eau directement dans un lac déjà sous tension, alors qu'avaient débuté les premières actions concrètes d'un plan pour protéger les trois grands lacs du secteur. Pour Louise Colomb, cheffe de projet et d'études de l'eau de l'ONF, la surfréquentation affecte également les lacs et pas seulement la consommation d'eau. La quantité et la qualité de l'eau varie "puisqu'on triple la population en été."

Après trois ans de crise sanitaire mondiale, le secteur touristique retrouve des couleurs, mais il va devoir se transformer. Les pollutions et les dégradations qu'il engendre sont de moins en moins acceptées. La région Grand Est affiche sa volonté de promouvoir un tourisme proche de la nature en mettant la main à la poche, 48 millions d'euros pour un plan de relance sur trois ans, estampillé durable et numérique.

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