Le président de la République a réuni ce jeudi matin par visioconférence les représentants des maires. Une ambition : préparer avec eux le déconfinement. Parmi ses interlocuteurs, Michel Fournier, maire des Voivres (Vosges) mais aussi vice-président de l'Association des maires ruraux de France.
C'est un habitué des rencontres avec le président de la République. Michel Fournier, le maire du village des Voivres, dans les Vosges, par ailleurs vice-président de l'Association des maires ruraux de France, ne compte plus ses entretiens avec Emmanuel Macron. Durant la crise des gilets jaunes, il s'est affirmé comme un des porte-paroles du monde rural, un de ses ambassadeurs emblématiques.
Cette fois, c'est de la crise du Covid-19 dont il est question. Et c'est malgré tout une première pour Michel Fournier : tout s'est déroulé par visioconférence et non dans les salons de l'Elysée. Au programme : le délicat sujet des modalités du déconfinement. Pour les maires, et notamment ceux des communes de moins de 3 500 habitants dont Michel Fournier est l'un des représentants, les questions sont nombreuses. Debrief avec Michel Fournier à la sortie de sa réunion.
Près de quatre heures d'échanges entre les maires et le président de la République. Vous étiez le seul représentant du monde rural. Qu'avez-vous suggéré à Emmanuel Macron ?
Le président a beaucoup écouté les 19 intervenants présents. En majorité, des maires de grandes villes. C'était long, certes et chacun a exprimé ses inquiétudes mais aussi ses questionnements liés au déconfinement. Bien évidemment, il a été question de la rentrée scolaire du 11 mai. Et pour moi, en tant que représentant du monde rural, il faut du cousu main et beaucoup de souplesse. Les choses ne peuvent pas se pratiquer de la même façon d'une école à l'autre et d'une commune à l'autre. Beaucoup de mes collègues, pourtant plus urbains, n'ont pas hésité à reprendre cette idée. Une chose est certaine : pas de régionalisation du déconfinement. L'Elysée a clairement écarté la possibilité d'établir des dates de déconfinement différentes selon les régions. Mais la porte reste ouverte pour des adaptations au niveau territorial. Le ticket gagnant pour l'après 11 mai, c'est celui du maire et du Préfet, j'en suis convaincu.
Il faut bien redémarrer à un moment donné
- Michel Fournier, Vice président de l'AMRF
De la souplesse pour une réouverture des écoles et des commerces le 11 mai mais à condition de s'entourer de toutes les garanties possibles, c'est votre position si je résume ?
Parmi tous les maires présents à cette réunion, il y a une volonté d'aller de l'avant et de réouvrir notamment les écoles. Nous ne réouvrirons pas tous de la même façon dans nos communes respectives, peut-être pas le même jour... Encore une fois, qu'est-ce qui nous dit que la situation sera meilleure début septembre ? Ou début octobre ?... Rien ! Il faut bien redémarrer à un moment donné. Ce 11 mai, c'est finalement une répétition générale. On en tirera les enseignements. Il s'agit de se procurer de l'expérience, sans hauts risques ! C'est facile de critiquer ! Sacré nom de dieu, quand on ne sait rien et qu'on n'a pas de décision à prendre, c'est vraiment facile. Moi, en tant que maire, je vais essayer de faire le maximum pour que tout se passe le mieux possible. Il n'est pas dit qu'on sera bons le 11 mai. Je ne sais pas si on prend la bonne option. Il y a toujours de l'incertitude et des interrogations... Elles sont légitimes. Le courage, c'est souvent d'essayer. Moi, en tout cas, je vais essayer de faire le mieux possible. Et peu importe les critiques qui sont perpétuelles à l'égard du chef de l'Etat comme d'autres d'ailleurs. Qui dans l'état actuel de nos connaissances, parfois contradictoires sur le Covid-19, y compris de la part de spécialistes de la santé, peut se prévaloir de prendre la bonne décision ?
Il faut essayer de trouver des solutions locales
- Michel Fournier, Vic-président de l'AMRF
Dans le concret, ça s'annonce comment ?
Pour l'instant, en ce qui concerne le transport urbain, aucune décision n'est prise sur la manière dont il va se dérouler. Par contre, chacun a apporté sa pierre à l'édifice en exposant ses idées : port du masque obligatoire, prise de la température avant de monter dans le bus... Ça va vraiment dans le détail, histoire d'assurer le maximum de sécurité pour les utilisateurs. Pour l'école, c'est la même approche. Comment va t-on organiser les cantines ? Créer des espaces séparées ? Apporter des plateaux repas dans les classes ? Chez moi par exemple, c'est un restaurant qui fait office de cantine mais il n'est pas ouvert. Comment dois-je procéder ? Est-ce qu'il ne serait pas judicieux de permettre à l'établissement de réouvrir et de recevoir, pourquoi pas, et sous condition, une autre clientèle que celle du scolaire ? ... Il faut essayer de trouver des solutions locales, les plus appropriées en fonction de chaque situation. Les restaurants n'ouvriront pas le 11 mai mais comment fait-on dans une situation comme la nôtre ? Il faudra peut-être une dérogation.
Il va bien falloir trancher à un moment ?
D'ici le 11 mai, tout ce qui a été recueilli ce matin sera redéfini pour établir des règles, un cahier des charges... Tout doit être mis en place d'ici la fin de la semaine prochaine, d'ici le 28 avril. Tout se fait par étapes. Ce sera alors soit au gouvernement, soit au président d'expliquer les choses à la fin du mois d'avril. Mais l'objectif est bien une recherche de souplesse, la plus large possible. Je dirais même une obligation de souplesse !
Le déconfinement en milieu rural, c'est la même problématique qu'en ville selon vous ?
Les gens sont très citoyens et le confinement est respecté. Ça se passe pas trop mal à la campagne. Vous savez, dans le cadre de la transition écologique, on entendait qu'il fallait supprimer l'usage de la voiture et privilégier les transports en commun. L'usage individuel était montré du doigt car plus polluant. C'est vrai mais aujourd'hui, on se rend compte que c'est pas si mal d'avoir une voiture. L'avantage, c'est de ne pas concentrer les gens dans un petit espace. Supprimer la voiture n'est plus d'actualité, on est d'accord ? Dans le monde rural, c'est souvent le seul moyen de déplacement et il peut aussi être synonyme de "bonne santé" si je puis dire. Dans nos villages, les enfants n'ont pas d'autres choix que d'emprunter les transports scolaires. Il y a parfois une école pour dix villages. Comment fait-on en n'occupant qu'une place sur deux dans les bus afin de respecter les barrières sanitaires ? Ça n'a l'air de rien mais pour certains villages qui possèdent des mini-bus de neuf places, c'est un vrai casse-tête. Ça signifie donc deux ramassages au lieu d'un. On double du coup les déplacements et peut-être même le personnel... Ça entraîne de nombreuses questions qui peuvent paraître anecdotiques mais on est au coeur de l'organisation de la vie en milieu rural pour l'après 11 mai. Même chose pour les commerces, on en a moins mais ils souffrent tout autant, voire plus.