Il est maire du village des Voivres, dans les Vosges, depuis trente ans. Michel Fournier est aussi une figure emblématique des maires ruraux en France. Lundi, il a rendez-vous avec Emmanuel Macron. Une nouvelle rencontre pour évoquer sans doute un an de crise des gilets jaunes mais pas seulement.
Il y a un an débutait le mouvement des gilets jaunes. Cette crise, vous l’avez vécu en tant que citoyen mais aussi en tant qu’élu de terrain. Vous avez également rencontré plusieurs fois le président de la République en tant que vice-président l’Association des maires ruraux de France. Un an après, que reste-t-il de cette crise selon vous ?C’est une crise qui a révélé un certain mal être. Un mal être qui était et qui est toujours justifié ! Des réponses ont été apportées mais on s’aperçoit aussi qu’il y a eu des engagements, notamment de la part du président de la République, qui n’ont pas été respectés. C’est gênant car la crise relevait notamment d’un problème de confiance sur la parole des élus… Et aujourd’hui, c’est loin d’être réglé ! Lors du Grand débat national par exemple, Emmanuel Macron avait fait une promesse à l'issue d'échanges avec les maires. C’était de donner aux élus locaux un statut digne de ce nom. C’est ce qu’on appelle la loi «Engagement et Proximité». Et bien aujourd’hui, on s’aperçoit que ce débat est faussé ! Ce n’est pas forcément de la responsabilité du président de la République mais davantage du manque de courage du gouvernement et de de l’Assemblée Nationale en l’occurrence… Bref, tous ceux qui détricotent ce qui a été négocié à un moment donné ! Je le déplore. C’est un exemple, lors de la crise des Gilets jaunes, l'association des maires ruraux de France (AMRF) a été l'une des rares organisations à favoriser le dialogue. Le constat, c’était de faciliter la vie quotidienne des élus, d’améliorer les conditions de leur exercice… Rétablir la confiance avec les politiques à travers les élus locaux… On n’y est pas du tout… ça ne va pas régler ce problème de confiance !
Le mouvement des gilets jaunes, c’est terminé ou pas selon vous ?
En tant que tel, c’est terminé ! On ne retrouvera pas la continuité des occupations de ronds-points… Par contre, on n’a rien réglé ! La mise en place de cahiers de doléances dans les mairies ont permis le grand débat ! On a voulu démontrer que la proximité était fondamentale et que ceux qui la représentait le mieux, c’étaient les élus de base. On a été les interlocuteurs mais aussi les fusibles du mouvement. Aujourd’hui, on ne pourrait plus l’être de la même façon. Certaines catégories professionnelles se sont calmées car on leur a apporté des réponses et du concret avec la défiscalisation des heures supplémentaires ou l'exonération élargie de hausse de CSG pour des retraités par exemple… Mais en même temps, une forme de radicalité s’est affirmée. Un mouvement de haine a été déclenché contre la personnalité du Président qui semble irréversible ! Quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise… ce rejet là est inévitable. C’est grave… très grave…
Le Président justement, vous l’avez rencontré plusieurs fois durant cette crise en tant que maire des Voivres mais surtout en tant premier vice-président de l’Association des maires ruraux de France. Cette crise des gilets jaunes l’a-t-elle fait changer ?
On ne pas dire qu’il a changé ! C’est quelqu’un qui est très agréable à rencontrer. Il a une capacité de connaissances des dossiers, d’écoute… Sur ce plan là, il est exceptionnel ! Par contre, il a aussi une certaine forme de suffisance de par les qualités que je viens d’exposer. Je pense que c’est très difficile pour lui de changer en profondeur. Le manque d’humilité, qui lui est souvent reproché est naturel chez Emmanuel Macron ! Il pense qu’il a raison... point barre ! Et beaucoup le confortent dans cette idée-là. C’est un vrai problème. Ses conseillers ne font pas leur travail de déclencheurs de signaux d’alertes… ce sont trop souvent des technocrates !
Le manque d’humilité, qui lui est souvent reproché est naturel chez Emmanuel Macron !
-Michel Fournier
Vous rencontrez le Président ce lundi soir. Qu’allez-vous lui dire ?
C’est une réunion privée mais je dirai à Emmanuel Macron de faire attention. On est toujours dans une situation explosive. Elle n’a rien voir avec la situation d’il y a un an mais il y a toujours du mécontentement parmi certaines catégories professionnelles : à la SNCF, à l’hôpital… Tous ceux qui aujourd’hui se disent qu’il faut absolument tenir compte du dialogue ! Un vrai dialogue car on ne fera plus rien sans concertation. Je ne vise pas directement le Président mais des ministères comme Bercy par exemple. Il faut qu’ils arrêtent de vouloir tout régenter, être les seuls chefs à bords… Lorsqu’on voit la crise que traverse l’hôpital, on ne se pose pas de questions, on ne regarde pas les cordons de la bourse. On donne les moyens de faire… comme en temps de guerre !