Gareth Lloyd est depuis 2014 le patron de Mathieu Transformation, une entreprise de 15 salariés implantée à Saint-Nabord dans les Vosges. Il multiplie les initiatives concrètes pour allier économie et écologie. Nous l'avons rencontré en cette mi-octobre.
"J’ai quitté ArcelorMittal en 2014 parce qu’on me demandait de couper des têtes, et ça c’était en contradiction totale avec mes valeurs."
"Alors quand je suis arrivé pour visiter le site de Mathieu Transformation à Saint-Nabord, il m’a tout de suite plu. Il y avait du personnel qualifié, un bon état d’esprit, et même si la société venait de perdre un gros client historique, j’ai vu le potentiel. Mon épouse était ok pour s’installer dans les Vosges, c’était parti ".Je suis là pour créer et maintenir des emplois
- Gareth Lloyd
Un patron qui passe plus de temps dans l’usine qu’à son bureau. Il est Britannique : "je viens d’aller chercher ma carte de séjour à la Préfecture, je vais en avoir besoin avec le Brexit". Le ton est triste : Gareth Lloyd est un européen convaincu. Dans son français, aucune trace d’accent anglais.
"La chasse aux pertes"
"Je suis ingénieur de formation, et ensuite j’ai complété mon cursus avec des études à HEC".Sa première vie professionnelle il l’a passée comme sidérurgiste chez ArcelorMittal, à Florange. Une mission de deux ans l’amène à quitter la vallée de la Fensch pour les Etats-Unis à Indiana Harbour. Dans cette usine qui produit plus de six millions de tonnes d’acier par an avec cinq hauts fourneaux, il est chargé de "la chasse aux pertes".
Concrètement, il doit étudier les procédés de fabrication et proposer des solutions concrètes pour économiser l’énergie et la matière première. De retour en Europe, il claque la porte du numéro un mondial de l’acier et rebondit rapidement dans les Vosges. Sans se départir de son crédo : concilier développement durable et industrie.
Lorsqu’il rachète Mathieu Transformation en 2014, l’entreprise réalise un chiffre d’affaire d’un million et demi d’euros.
Elle a deux activités principales liées au travail du bois, la fabrication de produits d’emballage (palettes, caisses, cales,…) et la découpe de panneaux : "ça parait basique comme activité, mais en fait c’est très technique, on doit usiner, plaquer, percer… et pour ça on doit avoir des machines performantes".
Pour maintenir et développer l’entreprise Gareth Lloyd décide d’investir à la fois dans de nouvelles machines, plus économes en énergie, mais aussi de changer la manière de consommer l’énergie au sein de l’usine. Il investit 500.000 euros en cinq ans.
Consommation d'énergie en temps réel
L’idée principale c’est de comparer les besoins réels aux consommations constatées.Après avoir observé dans le détail le fonctionnement de toutes ses machines, il les fait équiper d’un système de capteurs, reliés en Wi-Fi à son ordinateur. Il connait ainsi la consommation en temps réel de son parc, et grâce aux données recueillies, il peut les activer à la demande et éviter de faire tourner les machines pour rien : "nous avions une scie qui coupait dans les deux dimensions grâce à deux lames. Quand elle coupait dans un sens, le moteur de l’autre lame restait en marche, ce qui occasionnait une dépense d’électricité inutile. Désormais, le moteur se met en marche seulement quand la scie doit couper."
Idem avec les trois compresseurs, qui travaillaient en permanence.
L’achat d’un nouveau compresseur, qui adapte sa puissance à la demande des machines, lui a permis de réduire la facture, et même mieux, d’auto financer l’investissement : "grâce aux économies qu’on fait avec lui, en cinq ans, il est remboursé". Prochain projet : étendre l’idée à l’aspiration des sciures : un variateur modulera l’aspiration selon le nombre de machines en fonctionnement.
Gain espéré : 5 à 10% d’économies en plus, à ajouter au 15% déjà réalisées depuis 2014.
Zéro déchets
Gareth Lloyd y met un point d’honneur : parvenir au "zéro déchet"."Notre activité génère beaucoup de sciures, mais aussi des chutes de panneaux, des rognures… l’un de nos fournisseurs récupère ces déchets qui deviennent pour lui de la matière première pour ses panneaux d’agglomérés".
"Nous n’étions pas obligés de faire des économies d’énergie, rien ne nous forçait à le faire. Mais on s’est aperçu qu’on pouvait le faire et grâce à ça, investir les économies dans les outils. En cas de coup dur, d’augmentation du prix des matières premières par exemple, ça nous laisse aussi une marge de manœuvre".
C’est un chef d’entreprise qui veille à maintenir et développer son activité, pour assurer la pérennité des emplois.