Coronavirus : pour la directrice de l'Ehpad de Cornimont, "le plus dur est devant nous"

Avec 25 résidents décédés au début de l'épidémie de Covid-19, l'Ehpad de Cornimont dans les Vosges a construit une expertise autour du virus. Face la deuxième vague, la directrice estime être mieux préparée, mieux aidée, mais "on ne s'habitue pas à la mort". 

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Situé au coeur des Vosges, à Cornimont, l'établissement avait fait la Une de l'actualité pendant quelques jours au début du confinement, en mars 2020. Plusieurs cercueils de résidents décédés du Covid-19 dans cet Ehpad "Le Couarôge" avaient été évacués vers les cimetières voisins le 23 mars, sous le contrôle des gendarmes. À l'époque, c'était un événement. Dans cette résidence pour personnes âgées, 25 pensionnaires sur 157 sont morts du Coronavirus. Ils ont été emportés par l'épidémie en deux semaines. Sept mois plus tard, face à la deuxième vague, la directrice de l'Ehpad, Sophie Vinel, est plus que jamais sur ses gardes. Sans savoir vraiment de quoi l'avenir sera fait. 

La situation est tendue, confirme-t-elle ce 27 octobre, mais pas de nouveau cas de Covid-19 à ce jour. "On sait que l'on doit atteindre 60% d’immunité collective pour que le virus cesse. Dans l’Ehpad, on est à 60%. Peut-être que cette immunité va nous protéger d’une seconde vague, s'interroge-t-elle avec espoir. Dans les environs, on observe que les Ehpad touchés aujourd’hui, n'ont pas été touchés pendant la première vague. On est trois établissements à avoir été touchés pendant la première vague, donc on se sent un peu immunisé".

Dans ce vaste établissement d'hébergement médicalisé, entouré de verdure, plus de 80% des résidents ont contracté le virus depuis le début de l'épidémie. Ou au moins, ont présenté des signes de la maladie, en février et mars. "On a estimé que toutes les personnes qui présentaient des signes étaient impactées, soit 80 sur 115 résidents, et 25 décès", précise la directrice. Devant cette période qui s’annonce tendue, la fatigue s'accumule. Le lien social est lui aussi frappé par le virus. D'autant que les chiffres du virus ne sont pas encourageants. Lundi 26 octobre, il y avait par exemple 81 hospitalisations au CHRU de Nancy, contre 47 il y a dix jours, précise Bernard Dupont, directeur du site. 
 


"On a fermé l’établissement, les visites se font toutes sur rendez-vous, on a du personnel en plus, pour organiser l'accueil des familles. On limite les risques, car en chambres, les familles et les résidents enlevaient leurs masques. Aujourd'hui, on est un peu loin de l’éthique de base, cela ressemble à des parloirs. On est perdu dans nos repères. Nos façons de fonctionner sont remises en cause".  L'équipe de ménage a été renforcée pour désinfecter davantage les locaux. Le personnel a appris pendant la première vague que le virus démarrait sa ronde aux vestiaires, et circulait davantage pendant les repas. Quant à la distanciation, elle est devenue un geste habituel pour tous. 
 

Résidents désorientés

Au printemps les mesures barrières n'ont pourtant pas suffit à éloigner le virus. "On a été pris de cours, mais même aujourd’hui, on ne sait pas comment ça va se passer. Le virus agit comme en février mars, avec 25 à 30 % de décès. On pensait qu’il avait perdu de sa virulence, en fait non, résume la directrice. On est certes mieux armé, mais on sera dépassé par les événements quand le virus sera entré chez nous, car les résidents sont désorientés. Porter un masque n'est pas simple, ils n’arrivent pas à le porter tout le temps. En revanche c'est devenu normal pour le personnel"

L’ARS a fourni des tests salivaires pour les personnels qui rentrent de congés, une organisation est en place. "Ils ont sollicité les instituts de formation de soins infirmiers et font en sorte que les stagiaires soient dans les Ehpad où le virus circule, pour aider. Car ce n'est pas simple de trouver du monde en plus". Mais pour la directrice de l'établissement, "il faut que le virus circule chez les personnes saines, ce n’est pas en confinant qu’on y arrivera. Il faut protéger les personnes vulnérables, en revanche aucun intérêt à fermer les écoles". 
 

Il faut tenir jusqu’au vaccin, mais est-ce que économiquement, on peut tenir ? Faut-il être confinés jusqu’à l’arrivée du vaccin ?

Sophie Vinel, directrice de l'Ehpad de Cornimont

"On ne s'habitue pas à la mort"

La situation des Ehpad reste lourde au quotidien. La directrice de l'Ehpad de Cornimont avoue sa surprise face à la reprise virulente du virus. "Je ne pensais pas que l’on se retrouverait dans ce même scénario… Oui, on est d’attaque. Mais avec le personnel, on a peur de la suite. On sait comment les résidents partent. On tient le coup, mais la fatigue se fait sentir. Cet été on n'a pas vraiment eu de repos. Le contre-coup s'est produit en septembre. On pensait que c’était fini. Là, les équipes ne sont pas prêtes à repartir là dedans émotionnellement".

En juin 2020, trois mois après la crise, nos confrères de France Inter avaient interrogé les résidents et le personnel de Cornimont, après ce traumatisme. Sur place, une cadre de santé d'expérience, épuisée, songeait même à prendre sa retraite de manière anticipée. Autant dire que cette reprise du virus angoisse en cette fin octobre. 
 


La directrice le sait, ses équipes feront leur travail, mais cela reste dur à vivre sur le terrain. Le professionalisme des personnels sera au rendez-vous. Mais pour les résidents, voir partir des anciens voisins, l'ex institutrice... "On ne s’habitue pas à la mort, résume Sophie Vinel. La détresse respiratoire, c’est dur de voir ça. Donc oui on est préparé, oui on a des procédures, mais le plus dur reste à faire". Le personnel doit aussi faire attention dans sa vie privée, avec des rapports sociaux limités, la vie a changé, confirme la directrice. 

Lorsqu'elle échange avec ses collègues,  elle observe que le virus est à sa porte. Avec par exemple 40 cas sur 90 résidents à La Bresse (située à dix minutes en voiture) dont un premier décès. Entre eux, les directeurs d'Ehpad du secteur communiquent régulièrement. Ils devienent experts sur le Covid-19. "Il est plus virulent que la grippe, et s’attaque aux faiblesses physiologiques des personnes. En clair, on est dans le même scénario qu’au printemps". Sophie Vinel sera sur le front, dans ses nouveaux habits de combat contre le virus. Bien loin du temps où elle pouvait déjeuner avec les résidents et les serrer dans ses bras.
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