EPISODE 12 - C'était il y a 80 ans. Les Allemands prenaient Amiens, détruisaient Abbeville et rejoignaient la Baie de Somme, encerclant les Alliés. Dans le Nord, le jeune soldat Jules Beaulieux affrontait héroïquement les troupes ennemies sur les rives de l'Escaut, enfermé dans sa tourelle blindée.
A propos de cette journée, Marc Bloch, affecté à l’Etat-major du groupe d’armées du Nord, écrit : "Oublierai-je jamais la soirée du 20 mai ? Dans la nuit tombante, alors qu’au loin fumait Arras en feu, je vis mon chef de bureau s’approcher de moi. Il me dit, à mi-voix, désignant du doigt sur une carte murale pour écolier l’embouchure de la Somme : "Les Boches sont là ". Puis il revint et murmura : "Ne le racontez pas trop"."
En ce 20 mai, tout s’est accéléré. Les Panzers ont imposé à nouveau leur rythme infernal. Amiens est prise dès 9 heures par la 1ère Panzerdivision.
Des soldats français retranchés dans la citadelle résisteront jusqu’au soir mais le général Guderian n’attend pas pour poursuivre sa marche en avant.
Les Allemands atteignent La Manche
La 1ère Panzerdivision va parcourir 110 kilomètres au cours de cette seule journée, commençant à remonter vers le nord et le port de Boulogne-sur-mer. A Abbeville, c’est la panique.
Des militaires français exécutent sommairement 21 prisonniers arrêtés en Belgique début mai et arrivés là la veille. Ils étaient suspectées d’être des espions à la solde des Allemands, ou des sympathisants du IIIe Reich.
De 9h30 à 17h, la ville est écrasée sous les bombes allemandes. Des vagues de bombardiers se succèdent toutes les 40 minutes. Les Heinkel 111 et de Dornier 17 vont déverser 5000 tonnes de bombes sur le centre-ville et la gare.
Sous ce déluge, près de 2500 civils seront tués, 850 abbevillois et des réfugiés français, belges et hollandais en exode, piégés dans les rues de la ville où dans des trains bondés et bloqués en gare. 75% de la ville est détruite.
Les Allemands de la 2e Panzerdivision s’emparent d’Abbeville à 20h30. Sans perdre de temps, un régiment de fusiliers allemands fonce jusqu’à Noyelles-sur-mer. A deux heures du matin, les soldats du Reich atteignent la Baie de Somme.
L’impensable s’est réalisé : plus d’un 1 million de soldats alliés sont encerclés, désormais sans possibilité de s’échapper vers le sud en passant la Somme.
Les civils qui fuyaient aussi vers le sud sont bloqués par les Allemands qui leur font faire demi-tour. Ces réfugiés se retrouvent errants sur les routes, parfois mitraillés par les avions allemands le long des principales voies, comme à Saint-Pol-sur-Ternoise, Arras ou Béthune.
Il y a eu un service funéraire, des obsèques pour nos morts. Pendant le service, les Allemands ont commencé à bombarder, des morceaux de la cathédrale commençaient à tomber.
Jérémy Brunet, soldat français originaire du Nord, à Thionville.
Après plusieurs jours de combats, Jérémy Brunet, soldat originaire de Buysscheure près de Cassel, est à Thionville avec son régiment de dragons à cheval.
Il espère pouvoir enfin prendre un peu de repos, loin du front, mais l’aviation allemande n’est pas de cet avis.
"On avait perdu des hommes, pas mal de pertes. On a ramené tous nos morts, on les a ramenés à Thionville. Il y a eu un service funéraire, des obsèques pour nos morts. Pendant le service, les Allemands ont commencé à bombarder, des morceaux de la cathédrale commençaient à tomber. Du coup toute l’église était vide".
Le soldat Beaulieux se sacrifie
Dans le Nord, à Fresnes-sur-Escaut, le soldat Jules Beaulieux, 27 ans, voit arriver l’avant-garde de l’armée allemande de l’autre côté du fleuve. Il envoie ses deux camarades à l'arrière pour tenir seul la position.
"J’ai peur. Il faut que je reste. Je me demande ce que je vais faire avec une simple mitrailleuse contre des chars blindés", a-t-il écrit la veille à sa famille dans une déchirante lettre d'adieu, alors que le Génie venait de faire sauter le pont du Sarteau, près duquel sa tourelle est installée.
Il tire sur les Allemands qui repèrent son emplacement. Ils approchent un canon, mais la mitrailleuse de Jules Beaulieux fauche de nombreux soldats. Les premiers obus frappent la tourelle et endommagent le système de rotation.
Le soldat Beaulieux tire encore et touche à nouveau des Allemands. Quatre nouveaux obus sont tirés, 3 traversent la tourelle. Jules Beaulieux est tué sur le coup. Seul, il a mis hors de combat une centaine d’Allemands et 3 véhicules.
Impressionnés, les Allemands prennent le temps de lui rendre les honneurs militaires et de l’enterrer. Ils inscrivent aussi sur la tourelle à la peinture : "Nieder Gekampft 20-V-1940". Vaincu le 20 mai 1940...
Cette tourelle dans laquelle il s’est battu a été transférée à Vieux-Condé lors de la réalisation du canal à grand gabarit. Elle est visible depuis dans un jardin du souvenir, rue César Deswames.
Jules Beaulieux repose au cimetière d’Anzin, sa ville natale.
Ce 20 mai 1940, les premiers embarquements de soldats ont également lieu à Dunkerque. Il s’agit de militaires néerlandais. Pour l’instant…
► La suite de notre série demain avec la journée du 21 mai 1940. Vous pouvez relire les épisodes précédents dans le récapitulatif ci-dessous :