La "discrétion" de François Hollande a-t-elle payé là où le "volontarisme" de Nicolas Sarkozy avait échoué ? La polémique s'est amorcée en France sur le rôle des deux chefs de l'Etat dans la libération de Florence Cassez.
Avant même le retour à Paris de la Française détenue sept ans au Mexique, le bonheur collectif avait pris un tour politique, avec des "discours de la méthode" antagonistes. Commentant la veille cette libération, le président François Hollande avait lancé: "pour tous ceux qui se sont mobilisés pour notre compatriote, c'est une période particulièrement douloureuse qui prend fin".
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault remerciait dans la foulée "tous ceux qui l'ont aidée dans son combat pour la vérité et la justice".
Hollande "oublie" Sarkozy ?
Mais, au grand dam de responsables à l'UMP, le nom du prédécesseur de M. Hollande à l'Elysée n'était nulle part cité. Dès le soir de son élection, M. Sarkozy avait pourtant fait de la libération de plusieurs femmes une priorité: infirmières bulgares, Ingrid Betancourt, Florence Cassez.
Il a pu célébrer très médiatiquement la liberté retrouvée des infirmières détenues en Libye ou de la Franco-Colombienne otage des Farc.
Mais pas celle de la jeune nordiste pour laquelle il s'était démené en tous sens en vain, au point de se fâcher avec le chef de l'Etat mexicain d'alors, Felipe Calderon.
C'est ce que lui a reproché, implicitement, le socialiste Jean-Pierre Bel. Mercredi soir, le président PS du Sénat glissait: "avoir été discret, avoir voulu
parier sur la justice mexicaine et lui faire confiance, c'était le bon moyen d'être utile et efficace pour Florence".
Il enrôlait illico la prisonnière supposée partager "totalement ce point de vue".
M. Bel a cependant souligné - comme d'autres - le tournant essentiel que fut l'arrivée au pouvoir à Mexico d'Enrique Pena Nieto, remplaçant un Calderon convaincu de la culpabilité de la Française.
"Le président Hollande a mis en place une méthode, une vraie stratégie", basée sur "la confiance dans les institutions", a insisté jeudi le sénateur de l'Ariège.
La méthode Hollande ? "Etre efficace, sans provoquer de crise ou brusquer son partenaire. Agir discrètement, avec efficacité pour obtenir un résultat", a résumé auprès de l'AFP une source diplomatique proche du dossier.
"François Hollande a toujours souligné que la France faisait confiance à la justice mexicaine et respectait son indépendance", a ajouté cette source. Il "fallait débloquer une situation bien verrouillée" et le chef de l'Etat n'a "jamais attaqué frontalement les autorités mexicaines". Sous-entendu, contrairement à son précédesseur.
Amertume des sarkozystes, qui ont lancé la contre-offensive
Claude Guéant avait beaucoup oeuvré sur le dossier Cassez quand il était secrétaire général de l'Elysée (2007-2011). Jeudi, il a qualifié de "basse politique politicienne" les comparaisons des méthodes Sarkozy et Hollande.
Le nom de Sarkozy gommé ? "Il a l'habitude de passer sous silence ce qu'ont fait ses prédécesseurs", a regretté l'ex-ministre, soulignant les actions menées pendant le précédent quinquennat: diplomatiques, judiciaires, médiatiques...
"Ce qui ne marche pas est quand même une petite pierre sur le chemin", a plaidé M. Guéant.
Nicolas Sarkozy "a été très déterminant" dans la libération, a assuré Rachida Dati (UMP). Un autre ex-ministre UMP, Luc Chatel, vantait une "victoire de la volonté sur la résignation". Et sans Nicolas Sarkozy, la jeune femme serait toujours en prison, a tranché pour son ami Brice Hortefeux.
Désir de calmer le jeu ? L'ex-président a fait savoir qu'il ne serait pas du comité d'accueil à Florence Cassez à Roissy. Mais les deux "se verront très, très vite".
François Hollande ne sera pas non plus à l'aéroport, mais il devrait recevoir la Française quand elle le "souhaitera". "Tous ceux qui ont agi, merci à eux. Que ce soit M. Sarkozy, M. Hollande", a résumé Marie-George Buffet (PCF).