Selon un rapport commandé en septembre 2012 par le ministère des transports au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et à l'inspection générale des finances (IGF), beaucoup de choses dans le dossier du canal Seine-Nord sont à revoir.
"Les constats de la mission (...) soulignent l'ampleur des incertitudes, tant sur les coûts que sur les recettes, que comporte le projet SNE, et des risques financiers qui seraient supportés en dernier recours par le budget de l'Etat dans la configuration actuelle du projet", écrivent les rapporteurs, Michel Massoni pour la CGEDD et Vincent Lidsky de l'IGF.
"Ce qui a été envisagé, notamment au niveau des coûts, nous a semblé très hasardeux", explique Michel Massoni. Le projet, monté avant la crise économique, n'est en effet pas adapté à la donne économique actuelle. "Les conditions de financement des partenariats public-privé se sont durcies et les projets de fret sont très sensibles à la conjoncture économique", selon le rapporteur de le CGEDD.
Initialement estimé par Voies navigables de France (VNF) à 4,3 milliards d'euros, le coût actualisé du projet tournerait plutôt autour des 7 milliards.
Et le rapport de conclure que "l'évolution défavorable de tous les paramètres économiques et financiers du projet (dérive des coûts, impact de la crise sur les prévisions de trafic d'une part et les conditions de financement des partenariats public-privé d'autre part) devrait conduire à dégrader substantiellement le bilan socio-économique du projet établi en 2006, avec un risque réel de destruction de valeur pour la collectivité". En résumé: au regard des coûts réels et actualisés, les bénéfices d'un tel projet ne seront probablement pas aussi importants qu'escomptés.
Le rapport a été remis à Frédéric Cuvillier, le ministre des transports. Et le ministre est au diapason avec la CGEDD et l'IGF, notamment sur la question du financement.
Interrogé par Le Monde, Frédéric Cuvillier estime que "le coût du canal a été sous-évalué, les recettes ont été surestimées et le financement était tout simplement inatteignable, au point que les partenaires privés potentiels (Bouygues, Vinci) ont émis des doutes sur sa faisabilité. Ce dossier est un mirage qui a été porté au plus haut niveau de l'Etat : Nicolas Sarkozy a indiqué, en 2011, qu'il était financé à 97 %. En fait, j'ai trouvé un manque de financement de 2,6 milliards d'euros sur les quelque 4 milliards du coût alors estimé. Un coût évalué aujourd'hui à plus de 7 milliards."
Mais le ministre est pourtant décidé à "remettre le dossier sur pied".
Il a déjà quelques pistes de travail: faire passer la part de financement de l'Union Européenne à 30 % "sur la part publique (ndlr: ce à quoi s'est déjà dit prête Bruxelles), soit 1,3 milliard d'euros sur la période 2014-2020. Il faut amender le projet, limiter le nombre d'écluses, revoir le tracé... Les demandes de subventions doivent être prêtes d'ici au premier trimestre 2014. Il est possible également de mettre à contribution les bénéficiaires de ce canal, les Belges et les Néerlandais."
Pour aller plus loin: le dossier Canal Seine-Nord