Le procès pour détournements de fonds publics de l'ancien maire d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), Gérard Dalongeville, a repris ce lundi matin devant le tribunal correctionnel de Béthune avec les plaidoiries des parties civiles, et le réquisitoire du ministère public était attendu dans la foulée.
Gérard Dalongeville, 42 ans, maire de 2001 à 2009, un temps sous l'étiquette socialiste, est jugé pour 18 détournements de fonds publics, 11 délits de favoritisme, 6 usages de faux et une corruption passive. Il encourt dix ans de prison et 150.000 euros d'amende.Son procès, pour lequel il comparaît aux côtés de 20 autres prévenus, avait débuté le 27 mai et doit durer jusqu'à vendredi. La justice soupçonne M. Dalongeville d'avoir mis en place - avec son ancien premier adjoint chargé des finances de 2001 à 2008, Claude Chopin, et un homme d'affaires,
Guy Mollet, également renvoyés - un système de fausses factures entre 2006 et avril 2009, au bénéfice de sociétés qui n'ont jamais honoré les prestations correspondantes, pour un montant qui pourrait atteindre quatre millions d'euros.
Des règles inexistantes
"La ville a été pillée financièrement mais elle a aussi subi un préjudice moral considérable", a plaidé en fin de matinée Me Charlotte Feutrie, avocate de la ville de 26.000 habitants située en plein bassin minier. Estimant que le préjudice matériel était équivalent au préjudice moral, elle a réclamé le versement de plus de trois millions d'euros pour réparer chacun d'entre eux, soit au total plus de six millions d'euros.L'avocate de la commune a également souligné que pour la plupart des marchés passés entre les chefs d'entreprise et la mairie, "les règles sont inexistantes" et les commandes publiques ne présentent "aucun intérêt communal".
400.000 euros dépensés en deux ans pour des bacs à fleurs et autres oliviers
Lors des deux premières semaines du procès, les gérants des sociétés incriminées ont défilé à la barre pour décrire les conditions dans lesquelles ils ont contractualisé avec la ville d'Hénin-Beaumont, assurant pour la plupart ne rien connaître à la réglementation en matière de marchés publics. Parmi les dépenses suspectes, des frais de surveillance payés à prix d'or à une entreprise de gardiennage, une "volonté politique" pour "faire face à la montée inexorable du Front national", selon l'ancien maire Gérard Dalongeville, mais aussi 400.000 euros dépensés en deux ans pour des bacs à fleurs et autres oliviers parce que la commune avait perdu sa deuxième fleur au concours national des villes fleuries.Ou encore, le patron de la société Deberdt, Jean-Marc Bouche, par ailleurs élu socialiste d'une ville voisine, vice-président de la chambre de commerce et de l'industrie et ancien président du conseil des prud'hommes, qui a vendu à la commune d'Hénin-Beaumont du papier toilette, mais aussi embouts
de thermomètres et illuminations de Noël.
Tour à tour, l'ancien maire et son ancien adjoint chargé des finances se sont renvoyé la responsabilité. Concernant une vingtaine de voyages en avion privé, réalisés entre juillet 2006 et janvier 2007, et facturés à la mairie d'Hénin-Beaumont pour un montant total supérieur à 100.000 euros, M. Dalongeville affirme ainsi que c'est Claude Chopin qui était mandaté pour se rendre dans les Landes afin d'y revendre un centre de vacances en ruines appartenant à la mairie d'Hénin-Beaumont.
Dalongeville n'a pas apporté de preuves de financement occulte du PS 62
Mais certains de ces vols ont été détournés vers le Luxembourg ou l'Aude où Guy Mollet avait un projet immobilier, un moyen selon Gérard Dalongeville pour Claude Chopin de blanchir l'argent tiré de contrats passés avec des entreprises de la région, au profit du Parti socialiste.Gérard Dalongeville, qui avait évoqué en cours d'instruction, après huit mois de détention provisoire, un "financement occulte" dans la fédération socialiste du Pas-de-Calais -l'une des plus puissantes de France- a de nouveau dénoncé des malversations, mais jusque-là sans en apporter de preuves.
Estimant que François Hollande, premier secrétaire du PS à l'époque, ne pouvait pas "ne pas savoir", il l'avait fait citer à la barre. Mais sans surprise, le président de la République a décliné cette "invitation à témoigner" et n'a pas non plus écrit au tribunal.