La Commission européenne a sommé jeudi la France et le Royaume-Uni de faire baisser les tarifs imposés aux trains pour passer dans le tunnel sous la Manche exploité par Eurotunnel, des prix qu'elle considère être un obstacle au développement du trafic ferroviaire, notamment pour le fret.
Bruxelles a exigé en outre que soit mis un terme à la convention qui alloue des capacités à certaines entreprises ferroviaires -- la SNCF en France -- pour une durée de 65 ans.
"Le tunnel sous la Manche n'est pas utilisé à pleine capacité en raison de cette tarification excessive", a déploré dans un communiqué le commissaire européen aux Transports Siim Kallas, pour expliquer l'envoi de cet "avis motivé".
La France et le Royaume-Uni disposent d'un délai de deux mois pour répondre à cet avis, faute de quoi la Commission pourra saisir la Cour de justice de l'Union européenne, qui peut imposer des sanctions financières.
En raison de la tarification, "un plus grand volume de marchandises est transporté par la route", a souligné M. Kallas. "Les tarifs imposés aux opérateurs de fret et à leurs clients sont excessifs, et les passagers doivent payer le prix fort pour leurs billets. Le régime actuel freine également la croissance dans le secteur ferroviaire".
16,60 € par passager
Une tarification excessive de l'accès aux voies entraîne une augmentation des prix pour les passagers et les sociétés de fret qui utilisent le tunnel. Elle décourage également de nouvelles entreprises ferroviaires d'entrer sur le marché, notent ses services.La redevance est de 16,60 euros par passager, à laquelle s'ajoute une redevance de réservation de 4.320 euros par train pour un aller simple. Seule une entreprise de transport ferroviaire de passagers, Eurostar, filiale de la SNCF, fait circuler ses trains dans le tunnel malgré l'ouverture de ce marché
à la concurrence le 1er janvier 2010, précise la Commission.
43% de la capacité du tunnel restent inutilisés
La compagnie ferroviaire allemande Deutsche Bahn a obtenu la semaine dernière le feu vert de la Commission intergouvernementale (CIG), chargée de la sécurité dans le tunnel sous la Manche, pour faire circuler des trains de passagers entre la France et l'Angleterre.Malgré la présence de plusieurs entreprises de fret ferroviaire, seuls six trains de marchandises circulent en moyenne chaque jour dans le tunnel, ce qui est très en dessous de sa capacité. Au total, 43% de la capacité du tunnel restent inutilisés, soulignent les services de M. Kallas.
Dans un communiqué, Eurotunnel, l'exploitant du tunnel, a affirmé que la tarification avait été définie par une convention signée par les opérateurs et était, "proportionnelle au coût des infrastructures publiques adjacentes, plus avantageuse". "Eurotunnel regrette que certains grands opérateurs de fret ferroviaire aient des difficultés telles sur leur marché intérieur qu'ils se sont retirés du trafic trans Manche, ce qui explique les baisses de volume constatées".
"Si des modifications de la concession devaient intervenir dans un sens défavorable aux intérêts" des actionnaires de groupe, Eurotunnel "demanderait
aux Etats une légitime indemnisation, calculée sur la période allant jusqu'en 2086, terme de la concession", a averti le groupe.