Expulsés de Lille, les Roms craignent d'être maintenant expulsés de Croix

"Ça c'est la vie, tous les jours c'est comme ça", lance Angelica, Rom de 22 ans, carte d'identité à la main alors que des policiers circulent entre les caravanes installées sur un terrain à Croix (Nord) depuis l'évacuation mercredi du plus grand campement de Roms de la métropole lilloise.

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"La police, tous les jours, ils viennent, dans les caravanes voir s'il y a quelque chose, faire un contrôle. Quand je dors, je suis pas tranquille, car j'ai peur que la police vienne nous expulser", poursuit la jeune femme, tee-shirt panthère, jupe en jean sur collant gris. "On est des hommes, pas des animaux", lance Angelica, "fatiguée" d'avoir été ballottée de ville en ville, "Méricourt (Pas-de-Calais), Tourcoing, Wattrelos...", et d'avoir "vécu dans 25, 26 endroits, parfois neuf mois, quatre mois, un jour", depuis son arrivée en France en 2008 avec son mari et ses deux filles, aujourd'hui âgées de 7 et 4 ans.

Comme elle, de nombreuses familles Roms - quelque 230 personnes selon la préfecture du Nord - ont échoué sur ce terrain privé sous le coup d'un arrêté d'expulsion, rendu boueux après les pluies du début de semaine, au gré des évacuations successives du campement de Lille-sud, qui a accueilli jusqu'à 750 personnes jusqu'à son démantèlement mercredi.

Devant les caravanes aux fenêtres scotchées et autres abris faits de bric et de broc, les adultes s'affairent autour d'un feu pour faire cuire des pommes de terre tandis que les enfants non scolarisés jouent au ballon ou à la corde à sauter. Une adolescente traverse le campement, en traînant derrière elle un bidon d'eau dans un caddie, se frayant un chemin grâce aux briques et aux palettes en bois disposées sur la boue. Les petits groupes, formés autour d'une voiture en réparation ou d'un homme en train de se faire couper les cheveux, assis sur une chaise au milieu du terrain, se dispersent quand les policiers font leur entrée dans le campement.

"C'est la misère"


Plusieurs personnes, dont Angelica, se voient remettre une obligation de quitter le territoire français (OQTF) dans les 30 jours. Des familles décident de charger à la va-vite leurs voitures, engouffrant valises et sacs et lançant en quelques mots de français "Roumanie, partir", après avoir noté le trajet sur un bout de papier. "J'en ai marre", lâche une femme, en train de récupérer des affaires dans le petit cabanon où sont entassées dix personnes, prête à prendre la route avec son mari et ses deux enfants. "C'est la misère, c'est la misère", répète-t-elle en montrant ses pieds nus pleins de boue.

"C'est un site catastrophique, c'est un terrain pollué entouré d'usines assez anciennes (qui) nuit gravement à la santé des personnes. Une enfant de 8 ans est décédée il y a quinze jours", souligne Régis Cauche, maire (UMP) de Croix, qui avait provoqué une polémique après avoir déclaré qu'il soutiendrait un de ses administrés en cas d'acte "irréparable" envers les Roms. "Il faut créer une solidarité raisonnable pour accueillir ces personnes", propose-t-il, tout en insistant sur "l'urgence" de l'évacuation du campement, prévue prochainement selon un engagement du préfet du Nord, qui n'a cependant "pas communiqué de date" lors d'une réunion vendredi matin. "On ferme un bidonville à Lille, on en ouvre un autre à Croix. Et après on ferme Croix, et on ouvrira un troisième bidonville ailleurs", déplore Bruno Mattéi, membre du collectif Solidarité Roms, pour qui les expulsions "sans proposition de relocalisation" sont "contraires aux valeurs fondamentales de la République".

"On pense que chaque maire, dans la mesure où il a une conscience républicaine, peut accueillir une, deux, trois familles sans que ce soit la révolution dans sa ville", l'une des 85 de la métropole lilloise, où vivent environ 3.200 Roms, note-t-il.
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