Ils ont connu cinq, six voire, dix d'inondations ces dix dernières années. L'émission "Enquête de Régions" s'intéresse vendredi soir aux habitants de Polincove et Wizernes qui subissent régulièrement les crues de la Hem et de l'Aa.
"On a en connu cinq, six, sept... je ne sais plus. A force, on ne sait plus". Virginie et Sylvain Szal habitent Polincove, un charmant village du Pas-de-Calais, situé le long de la Hem, à une trentaine de kilomètres de Calais. L'été, la rivière est un "spot" très prisé des pêcheurs. Mais à l'automne, elle sort régulièrement de son lit pour venir inonder les terrains et les habitations. Depuis qu'ils ont construit leur maison à Polincove en 2000, Virginie et Sylvain se retrouvent quasiment tous les ans les pieds dans l'eau. "Quand on a fait la construction, la maison étant plus haute, on a remis de la terre partout, car on savait qu'il pouvait y avoir un peu d'eau dans la rue ici", explique Virginie. "On s'était dit qu'avec 80 cm, il y aurait de la marge... mais non il n'y a pas de marge".
Le maire de Polincove, Yves Beugnet, a connu 15 inondations depuis son élection en 1995. Selon lui, ce phénomène n'est pas nouveau. On en recensait déjà à l'époque de la Révolution française, il y a plus de deux siècles. Mais au fil du temps, la situation n'a eu de cesse de se dégrader. "On sait que les données ont changé, que les sols sont de plus en plus artificialisés, que l'urbanisation s'est considérablement développée", analyse-t-il. Polincove est surtout située dans un entonnoir en aval de la Hem. Il y encore quelques décennies, la Hem rejoignait le Mardyck, via le syphon d'Hennuin. Mais la rivière forme désormais un coude à 90° pour s'évacuer vers l'Aa qu'elle rejoint via le canal de Calais. Du coup, toute l'eau qui s'accumule dans la vallée lors des grosses intempéries est plus ou moins retenue sur Polincove. Une solution consisterait à ouvrir les vannes du canal de Calais mais c'est impossible, car cela reviendrait à inonder toute l'agglomération calaisienne en aval.
L'autre solution consisterait à mettre en place des champs d'expansion de crues en amont de la Hem. Mais les services de l'Etat ont jugé trop coûteux les aménagements proposés par différentes études.
Des champs d'expansion de crue sur l'Aa pour réduire le risque
Les champs d'expansion de crue, c'est pourtant la solution qui est en train d'être mise en place dans la vallée voisine de l'Aa. Là aussi, on a connu des inondations à répétition, notamment une crue record en 2002 qui avait inondé toute le centre-ville de Blendecques. Les dégâts occasionnés alors avaient été évalués entre 15 et 20 millions d'euros. Dans cette vallée qui abrite de nombreuses entreprises, notamment des papeteries, la lutte contre les inondations représente un enjeu économique majeur.
Le syndicat mixte pour l'aménagement et la gestion des eaux de l'Aa (SmageAa) a pu ainsi obtenir une enveloppe de 18 millions d'euros, dont 10.5 millions pour créer des champs d'expansion de crue sur des surfaces agricoles en amont de la rivière, notamment à Verchocq, Saint-Martin d'Hardinghem, Renty ou encore Fauquembergues. Après des discussions parfois tendues avec les propriétaires et les exploitants agricoles, un protocole d'indemnisation a été signé en 2011 et les travaux devraient pouvoir démarrer dans les cinq années qui viennent. Selon le SmageAa, ces champs d'expansion de crues - capables de retenir temporairement des centaines de milliers de m3 d'eau grâce à un système de digues - auraient permis d'épargner 400 habitations lors de la grande crue de 2002.
Destruction de barrages et réouverture de bras de rivière
D'autres travaux, moins coûteux, ont également été effectués autour de Blendecques. Un troisième bras de l'Aa, obstrué par des détritus, a été ainsi été rouvert dans le centre-ville. "Dès que l'eau monte trop haut au niveau de la rivière en amont, une partie de l'eau est détournée ici pour récupérer la rivière un peu plus loin et éviter ce bouchon dans les deux autres bras", explique David Capitaine, un conseiller municipal qui a dirigé l'association des sinistrés de 2002. "C'est très efficace. Dès qu'il a été réouvert, on a tout de suite vu l'effet".
Plusieurs barrages ont également été détruits pour améliorer l'écoulement des eaux. "On va vu par étude qu'on gagnait comme ça 40 cm en amont", justifie Christian Denis, président du SmageAa et adjoint au maire de Wizernes.
Si le centre-ville de Blendecques semble épargné depuis la fameuse crue de 2002, certains quartiers de Wizernes, en amont, sont encore régulièrement submergés. A Pont d'Ardennes, Brigitte et Jean-Paul Lambert ont connu trois inondations rien qu'en 2012, dont une pendant le réveillon de la Saint-Sylvestre. Ils habitent leur maison depuis le début des années 80 et ont vu, eux aussi, la situation se dégrader au fil des ans. Pourtant ils refusent de partir. "Je suis quelqu'un qui positive", explique Brigitte. "Je me dis que ça va aller mieux, que ça ira mieux...". Avec son mari, elle espère que ces champs d'expansion de crue prévus en amont seront efficaces. Mais il faudra encore patienter quelques années pour pouvoir le vérifier...
Notre reportage à Polincove, Blendecques et Wizernes sera diffusé vendredi 27 septembre, à 23h10, sur France 3 Nord Pas-de-Calais dans l'émission "Enquête de Régions" sur le thème "Vivre au bord de l'eau".