A Roubaix, des Roms "sauvés" de la rue par un médecin de quartier

Le docteur Christophe Lamarre, a proposé à une famille rom en difficultés de l'héberger dans son ancien cabinet médical à Roubaix. Depuis, plusieurs familles vivent là.

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"Le docteur a sauvé ma mère. Elle meurt si elle dort dehors": comme des dizaines d'autres Roms, Geanina Nicola, 15 ans, a trouvé refuge avec sa mère atteinte de polyarthrite rhumatoïde dans une maison médicale vide de Roubaix.

La bâtisse appartient à leur médecin généraliste qui les a installées là mais s'est trouvé vite "dépassé" par son initiative. Dans ces 400 mètres carrés de cabinets médicaux abandonnés, situés dans un quartier pauvre de la ville -L'Hommelet- et destinés à être reconvertis en logements sociaux, des dizaines
de personnes venues de Roumanie s'entassent depuis fin septembre avec matelas, télévisions et plaques électriques et semblent bien parties pour y passer l'hiver. "Débordé", le docteur Christophe Lamarre doit assumer les factures d'électricité et d'eau - le lieu compte plusieurs éviers, quatre toilettes, bientôt une douche. Il souhaite "qu'une association ou qu'un groupement administratif prenne le relais". "J'ai prêté serment. Étant leur médecin, j'étais obligé de trouver une solution", explique ce grand gaillard de 47 ans.

Tout a commencé fin septembre, lorsque les forces de l'ordre ont évacué le campement dit du Galon d'eau, tout proche. Le médecin généraliste, qui soignait des patients roms depuis plusieurs mois dans son cabinet du centre-ville, se rend sur place et trouve "sur le trottoir" une famille qu'il connaît, "six personnes dont un malade". Devant l'absence de solution pour les reloger, le médecin pense à son ancienne maison médicale, qui lui appartient toujours: "je les ai installés là pour le week-end en leur demandant de ne rien dire à personne". Avec l'aide d'un responsable de la Ligue des droits de l'homme, il y amène ensuite deux autres familles avec des malades.

Bien vite, des Roms "sont arrivés de partout avec des caddies", relate le médecin: "Peut-être deux cents personnes, dans la rue et dedans. J'étais complètement dépassé". Ils sont aujourd'hui une cinquantaine à y vivre le jour, les trois familles d'origine et "les plus fragiles" des Roms arrivés ensuite: de nombreux enfants malades en bas âge, une femme enceinte... Et "beaucoup plus le soir", explique "Yaya", un vieil Algérien ami du médecin, qui garde l'entrée et dort sur place "pour rendre ce que la France lui a donné".

"Le docteur qui a donné une maison"


Derrière une porte du rez-de-chaussée, huit personnes d'une même famille, les Cantaragiu, vivent dans un ancien cabinet embué où sèche du linge, 15 à 20 mètres carrés meublés avec des "objets trouvés": frigo, tapis, matelas, table basse... Le petit frère, Pavel, cinq ans, est tétraplégique. Il se rend chaque jour "en taxi" à l'institut médico-éducatif de Lille. Sa soeur Loisa, 12 ans, est suivie par un cardiologue pour un problème au coeur. "C'est mieux ici
qu'au Galon d'eau
", souffle-t-elle, évoquant les "grosses souris" du campement, mais son père hausse les épaules: "On veut une nouvelle maison. On est trop serrés".

Dans le cabinet voisin, le médecin ausculte Maria Zlat, une fillette d'un an et demi. "Une grosse bronchite, une otite des deux côtés", une angine et un risque de pneumonie, diagnostique-t-il. Ses parents déplorent quelques difficultés avec certains voisins. De fait, selon le docteur Lamarre, un riverain excédé "a même menacé de mettre le feu".

Dans une coquette pièce du premier étage décorée par des peintures rajoutées elles aussi, Carmen, 21 ans, remercie "le docteur qui a donné une maison". Elle dit rester en France pour soigner son fils Remus, quatre ans, qui a une malformation à l'oreille et le cuir chevelu brûlé par un accident domestique. Derrière une porte, au fond, trois autres "cousins" ont investi un placard, quelques mètres carrés sans fenêtre.

Le médecin a saisi un juge des référés pour "occupation illégale d'un bâtiment privé": c'est "la seule manière de me déresponsabiliser en cas d'accident", dit-il. Mais alors que les températures baissent, il refuse que les forces de l'ordre évacuent entièrement les lieux, expliquant: "Mes malades à moi (les trois familles installées à l'origine), je ne veux pas qu'ils aillent dehors".



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