En 1520, le Pas-de-Calais a accueilli, entre Guînes et Ardres, l'une des plus importantes rencontres diplomatiques de la Renaissance : celle du Camp du Drap d'Or entre François Ier, roi de France, et Henry VIII, roi d'Angleterre. Mais les deux monarques échouèrent à trouver une alliance.
Si vous circulez sur la D231 entre Guînes et Ardres, vous pouvez apercevoir sur le bas-côté, à hauteur de Balinghem, une stèle plantée au beau milieu un champ : celle-ci marque l'emplacement du Camp du Drap d'Or dressé en juin 1520 pour accueillir l'une des plus importantes rencontres diplomatiques de la Renaissance, entre François Ier de France et Henry VIII d'Angleterre.
Le site choisi pour cette rencontre est situé à mi-distance entre Guînes, possession anglaise à l'époque, et Ardres, ville française. Le Camp du Drap d'Or doit son nom au faste déployé par les deux cours à cette occasion, chaque roi s'étant déplacé avec un millier de personnes et cherchant à impressionner l'autre. Des tentes gigantesques, cousues de fils d'or, ont été dressées par les Français, tandis que les Anglais ont bâti un immense château démontable en bois et en verre, le "Palais de Cristal". A Guînes, le Musée de la Tour de l'Horloge consacre aujourd'hui tout un étage à cet événement, dont il tente de restituer l'ambiance à travers des reproductions de tableaux, des costumes et des accessoires. Une série américaine, "Les Tudors", raconte également cet épisode majeur du règne d'Henry VIII.
Pourquoi la rencontre du Camp du Drap d'Or ?
François Ier a invité Henry VIII pour tenter de nouer une alliance contre son rival, Charles Quint, à la tête d'un vaste empire qui comprend entre autres l'Espagne, la Flandre, les Pays-Bas, l'Autriche, une partie de l'Italie ainsi que de nombreuses colonies en Amérique. Le jeune empereur, alors âgé de 20 ans, cherche notamment à reconquérir le Duché de Bourgogne, possession de ses aïeux (Charles Quint est l'arrière-petit-fils de Charles le Téméraire), mais annexée par la France en 1482.
Pourquoi cette rencontre a-t-elle été un échec ?
François Ier et Henry VIII sont deux personnages hors-normes, au caractère bouillant, à la stature imposante (plus de 1m80 pour l'Anglais et près de 2m pour le Français) et à l'égo tout aussi démesuré. Henry VIII est resté célèbre notamment pour ses six mariages, sa rupture avec le Vatican et sa paranoïa qui lui fit exécuter deux de ses épouses (Anne Boleyn et Catherine Howard) et de nombreux rivaux.
Les deux monarques partagent une même passion pour le sport et les arts. Mais malgré les efforts de courtoisie déployés par François Ier qui va jusqu'à tendre sa chemise à Henry VIII un matin au réveil, ils ne parviennent pas à s'entendre. Tout se serait gâté lorsque que les deux rois se sont défiés amicalement lors d'un combat de lutte à mains nues. François Ier prend le dessus sur Henry VIII et le jette au sol. Celui-ci en prendra ombrage et ne signera pas de traité d'alliance.
Selon une autre version de l'événement, Henry VIII n'aurait jamais eu l'intention de s'allier à François Ier. Conseillé par le cardinal Wolsey, il aurait reçu Charles Quint en Angleterre un mois avant le Camp du Drap d'Or. Deux semaines à peine après sa rencontre avec le roi de France, le roi d'Angleterre scellera en secret un pacte à Gravelines avec le jeune Empereur. Une alliance qui sera confirmée lors du traité de Bruges de novembre 1521.
Quelles ont été les conséquences pour la France de cet échec ?
Privé du soutien de l'Angleterre, François Ier va subir les offensives de Charles Quint dans le nord-est de la France et en Italie. En 1522, il perd le Milanais. La même année, Henry VIII déclare à son tour la guerre à la France et ses troupes attaquent Morlaix et Hesdin avant de regagner Calais.
Trois ans plus tard, en février 1525, François Ier est fait prisonnier lors de la bataille de Pavie, en Italie. Charles Quint le gardera en détention près d'un an en Espagne jusqu'à la conclusion du traité de Madrid de janvier 1526 qui contraindra la France à céder le Duché de Bourgogne (les états bourguignons refuseront toutefois cette nouvelle tutelle). Le roi de France ne sera libéré qu'en échange de ses deux fils, François et Henri.
En 1527, François Ier et Henry VIII se réconcilient et signent enfin un traité d'alliance à Westminster contre Charles Quint : le roi d'Angleterre répond en fait à l'appel du pape Clément VII qui souhaite stopper l'invasion de l'Italie par les troupes de l'Empereur.
François Ier et Charles Quint décideront d'une trève à Cambrai en 1529 avec la signature de "la Paix de Dames" : le roi de France acceptera d'épouser une soeur de Charles Quint, récupérera ses fils moyennant rançons et conservera la Bourgogne. Mais il devra céder en contrepartie l'Artois et les Flandres et renoncer à l'Italie. Les deux souverains reprendront encore les armes en 1536 puis en 1542, Henry VIII choisissant de s'allier de nouveau à Charles Quint. L'Empereur et le roi de France ne s'entendront sur une paix définitive que lors du traité de Crépy-en-Laonnois ratifié en 1544.