Sur les traces des chevaliers morts à Azincourt le 25 octobre 1415

Azincourt commémorera en 2015 les 600 ans de la terrible bataille lors de laquelle 6000 chevaliers et soldats français furent tués par les archers anglais. Si certains ont été inhumés dans des églises voisines, la plupart repose dans des fosses communes qui pourraient bientôt être localisées.  

Depuis le Moyen-Âge, les lieux n'ont presque pas changé entre Azincourt et Tramecourt, petits villages du Ternois, dans le sud du Pas-de-Calais. Le dénivelé, les bois, les champs labourés... tout ressemble encore à la description faîte par les chroniqueurs médiévaux du terrible combat que livrèrent Français et Anglais au matin du 25 octobre 1415. Une bataille frontale, violente, meurtrière, disputée dans la boue qui vit l'écrasante victoire des archers et des fantassins anglais sur les chevaliers français, malgré une nette infériorité numérique (10 000 combattants côté anglais contre 18 000 côté français). Le tout en moins d'une heure. Le roi d'Angleterre, Henry V, qui revendiquait alors le trône de France, se montra sans pitié et fit exécuter tous les prisonniers jugés sans valeur (en clair, ceux qui ne pouvaient pas être échangés contre une rançon). On dénombra ainsi plus de 6000 morts côté français​ contre à peine un millier côté anglais. Des familles entières de la noblesse française furent décimées et le Royaume de France, privé de nombreux cadres administratifs et militaires, se trouva considérablement affaibli.

Une quinzaine de chevaliers inhumés sous l'abbatiale d'Auchy-lès-Hesdin

Le Centre Historique Médiéval d'Azincourt - qui présente sur place aux visiteurs la bataille, ses enjeux et son contexte - commémorera l'an prochain les 600 ans de cette funeste défaite, épisode majeur de la Guerre de Cent Ans. La Gendarmerie Nationale a souhaité s'y associer car c'est à Azincourt qu'on recensa le premier gendarme mort au combat : Le Gallois de Fougières, prévôt des Maréchaux de France. Il est le seul combattant d'Azincourt dont le nom est aujourd'hui honoré sur une stèle installée à proximité du champ de bataille. Décrêpie et à peine lisible, elle sera remplacée par une autre stèle, plus importante, à l'occasion des commémorations des 600 ans.


Le squelette de Gallois de Fougières a été retrouvé en 1936 sous la dalle de l'abbatiale d'Auchy-lès-Hesdin, au terme d'une minutieuse enquête menée par un officier de gendarmerie passionné d'histoire, le capitaine Benoit-Guyod. Deux ans plus tôt, il avait découvert dans les archives de la bibliothèque municipale de Besançon le certificat d’inhumation du prévôt des Maréchaux et d'autres seigneurs tués à Azincourt qui décrivait avec précision l'emplacement des corps. "Lorsqu'ils vont fouiller, ils vont trouver dans un premier temps des ossements qui ne correspondent pas car ils sont enterrés trop haut​", raconte le commandant Frédéric Evrard, directeur de la communication de la Gendarmerie du Nord Pas-de-Calais, qui s'est pris de passion lui aussi pour cette histoire. "Lorsqu'ils arrivent à 1 mètre 30 du sol, comme décrit dans le document, ils tombent sur d'autres ossements qui correspondent à ceux d'un adolescent. Or, ils savent que cet adolescent existait, c'est le Petit Hollandes ​(fils du bailli de Rouen et écuyer de Gallois de Fougières, il est mort à Azincourt à l'âge de 15 ans NDR). Et juste à côté, ils trouveront des restes humains qui seront identifiés comme ceux de Gallois de Fougières".
##fr3r_https_disabled##Outre Gallois de Fougières et son écuyer, les corps de deux autres chevaliers tués à Azincourt - le Liergue d'Auvergne et Jean des Quesnes - se trouvaient également dans cette tombe. Mais seul celui du prévôt des Maréchaux fut exhumé pour être transféré en 1946 à Versailles, sous le bouclier d’airain, monument élevé à la gloire de la Gendarmerie Nationale. Il s'agit de l'unique sépulture qui a fait l'objet de fouilles à l'intérieur l'abbatiale d'Auchy-lès-Hesdin. Car au total, ce sont près d'une quinzaine de combattants d'Azincourt qui y sont inhumés, et non des moindres : l'amiral de France Jacques de Châtillon (seigneur de Dampierre), dont le buste figure dans la Galerie des Batailles du Château de Versailles,  est enterré dans le choeur, tout près de l'autel. Se trouvent également sous le dallage les restes de Charles de Châtillon ​(seigneur de Saint), Guy de La Roche-Guyon et son frère Philippe (seigneur d'Attichy), Drieu de Mello (seigneur de Saint-Brice), Guichard Dauphin d'Auvergne (seigneur de Jaligny, de Treteaux et de la Ferté-Chauderon), Pierre de Saint-Cler, Philippe de Poitiers, Guillaume de Bueil, Guillaume d'Equennes (vicomte de Poix) et le seigneur de Noyant. Douze autres chevaliers, non identifiés, auraient également été enterrés dans l'ancien cimetière, où se trouve aujourd'hui la filature d'Auchy-lès-Hesdin.


5000 à 6000 combattants dans des fosses communes 

"Les combattants les plus nobles tombés à Azincourt le 25 octobre 1415 ont été séparés du reste des morts et ont été enterrés dans au moins une dizaine d'églises et de chapelles avoisinantes", explique Christophe Gilliot, le directeur du Centre Historique Médiéval d'Azincourt. "Il y a donc d'autres tombes que celles d'Auchy-lès-Hesdin, mais elles ne sont pas clairement identifiées. Les combattants sont enterrés sous le dallage sans indication particulière". On sait cependant que le connétable de France Charles d'Albret, commandant en titre de l'armée française à Azincourt avec le maréchal Boucicaut (fait prisonnier), a été inhumé dans l'église des Cordeliers (ou des Frères-Mineurs) dans l'ancienne ville d'Hesdin (Vieil-Hesdin), qui fut assiégée et rasée en 1553 par les troupes de l'Empereur Charles Quint. Le duc Jean Ier d'Alençon, cousin du roi de France Charles VI, y a été enterré lui aussi, avant que sa dépouille ne soit transférée en l'abbaye Saint Martin de Sées, dans l'Orne. 


Les corps des simples soldats, restés pendant trois jours sur le champ de bataille, ont été inhumés sur place, dans des fosses communes. "Philippe, comte de Charolais (fils de Jean Sans-Peur, duc de Bourgogne NDR), sachant la dure et piteuse aventure des Français, (...) fit enterrer à ses dépens tous les morts qui étaient demeurés nus sur le champ", peut-on lire dans les Chroniques d'Enguerrand de Monstrelet, postérieures à la bataille. "L'abbé de Ruisseauville et le bailli d'Aire firent mesurer en carrure vingt cinq verges de terre, en laquelle furent faits trois fossés de la largeur de deux hommes dans lesquels furent mis, par compte fait, 6 800 hommes". La chronique de Ruisseauville, contemporaine à la bataille, parle, elle, de cinq fosses communes qui reçurent chacune 1200 cadavres. Elles se trouveraient sur le hameau de la Gacogne, à proximité du calvaire érigé par le marquis de Tramecourt en 1860 pour rendre hommage aux morts d'Azincourt.
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L'une de ces fosses communes fut mise au jour en 1816 par des soldats anglais qui occupaient le nord de la France après la défaite de Napoléon à Waterloo. Sous les ordres d'un certain John Woodford, ils déterrèrent de nombreux ossements dans l'intention de trouver des objets liés à la bataille, mais durent partir précipitamment face à l'hostilité de la population locale. Les dépouilles qu'ils avaient exhumées furent transférées dans le petit cimetière de l'église d'Azincourt. Aujourd'hui, une haie, située à l'arrière du bâtiment, marque l'emplacement où les ossements ont été enterrés. Récemment, en 2002 et 2007, un archéologue de l'Université d'York, Tim Sutherland, spécialiste des champs de bataille, a mené quelques fouilles autour du calvaire pour localiser ces fosses communes. En vain. Christophe Gilliot, le directeur du Centre Historique Médiéval d'Azincourt, envisage de reprendre les recherches en lien avec la gendarmerie qui dispose du matériel nécessaire. "On aimerait programmer une prospection qui nous permettrait simplement de les localiser", nous a-t-il confié. "On ne souhaite pas fouiller, car ce n'est pas utile. On sait de quoi ils sont morts...".

Vous pouvez consulter ci-dessous un projet de Souscription nationale pour l'érection d'une chapelle funéraire à Azincourt, datant de 1856, où il est fait mention des fouilles des fosses communes effectuées par des soldats anglais quarante ans plus tôt.

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