De 4 à 19 ans, elle a vécu cloîtrée, séquestrée par ses parents à Bavinchove : elle témoigne

Maude Julien raconte dans un livre-choc comme elle a vécu cloîtrée entre 1957 et 1976 chez ses parents à Bavinchove près de Cassel. Ils voulaient faire d’elle un « être supérieur ». Aujourd'hui, elle est thérapeute spécialiste de l’emprise.

15 ans d'interdiction, de brimades, de séquestration. Maude Julien a vécu cloîtrée de 4 à 19 ans. Dans une grande maison de Bavinchove, près de Cassel. Un sorte de kidnapping organisée par son père avec la complicité passive de sa mère. Une enfance-calvaire qu'elle raconte dans un livre "Derrière la grille". Son histoire est hors du commun. Si elle la raconte, c'est pour aider d'autres victimes d'emprise et délivrer un message optimiste, plein de vie. 

Un père au "projet fou"

Le père de Maude Julien était un chef d’entreprise lillois (dans le secteur automobile), franc-maçon et paranoïaque. Un homme persuadé que «l’homme est profondément mauvais et le monde profondément dangereux». Son projet fou : faire de sa fille un "être supérieur", préservé de la "pollution des autres". Dès l'âge de 3 ans, il va donc s'attacher à lui donner une éducation faite d'épreuves incroyables, d'apprentissages forcenés, de travail physique et psychique. Le tout loin du monde, toujours cloîtrée. Maude Julien n'avait pas le droit de sortir.  

Son quotidien 

Lever 6h tous les jours et travail jusqu'à 22h30. Cours de musique intensifs entrecoupés d'"exercices" quasi militaires : nager dans une eau glacée, rester seule une nuit entière dans une cave pleine de rats ("pour que j'apprenne à méditer sur la mort"), descendre le pot de chambre de son père, toucher des clôtures électriques en restant impassible, être réveillée en pleine nuit ("Mon père appelait ça un test de courage"), vivre des jours sans voir le droit de parler.... 

Maude ne se lavait qu'une fois par semaine, n'avait pas le droit de prendre du plaisir à manger et devait boire de l'alcool en abondance (pastis pur, cognac, vin rouge...)  : "Il fallait que rien de l'extérieur ne puisse vous affaiblir. Alors il me faisait marcher sur une ligne droite  après avoir beaucoup bu". 
Elle n'avait pas le droit d'être malade : "C'est pour les faibles et les fainéants."

Ce qui l'a sauvée

Dans sa vie d'enfant séquestrée, les plus humains étaient les animaux : "Ils m'ont appris la tendresse", raconte Maude. La musique, la littérature (dès 8 ans elle lisait Dostoïevski ou Hugo) l'ont également aidée à tenir. 
Son professeur de musique l'a libérée. C'est lui qui a convaincu son père de lui permettre de prendre des cours à l'extérieur pour progresser. "Je suis alors sortie de chez moi pour la première fois, mon père me faisant jurer que j'allais revenir."


Retour à la vie

"Comment se défaire d’une emprise aussi extrême ? Où trouver la force d’échapper à un tel embrigadement ? À dix-huit ans, Maude a réussi à quitter la prison de son enfance. Puis, au terme d’un long travail, à conquérir sa liberté", peut-on lire dans la note d'intention de l'éditeur Stock. Car le livre de Maude Julien est aussi un hymne à la vie. A 18 ans, elle a enfin réussi à s'enfuir. Puis à se défaire lentement de l'emprise de son père. "Quand je suis sortie, j’avais d’énormes carences, je faisais des crises de panique, de mutisme, raconte-t-elle à La Voix du Nord. Il a fallu que j’apprenne tout : marcher dans la rue, tenir une discussion. J’ai rencontré des gens formidables, qui m’ont appris à m’habiller, emmenée au restaurant, voir des expos. Qui m’ont touchée, pour la première fois."

Sa vie aujourd'hui

Son père; "l'ogre", est mort en 1979. Sa mère vit toujours, elle dit avoir des relations compliquées avec elle. Elle a repris des études, s'est formée. Depuis 20 ans, Maude Julien est thérapeuthe, spécialisée dans l'emprise (sectaire, familiale...). «Si elle avait pu suivre un cursus normal, sans doute serait-elle devenue médécin, elle a une approche incroyablement empathique, jamais en surplomb», dit dans Libération Ursula Gauthier, journaliste au Nouvel Observateur spécialiste de la sphère psy et coauteure de "Derrière la grille"

Elle dit avoir écrit son livre "parce qu'(elle) va bien, professionnellement et personnellement. J’ai mis longtemps à sortir de ma prison mentale, à pouvoir en parler. Ce livre n’est ni une vengeance ni une complainte. Je l’ai voulu comme un manuel d’évasion pour ceux qui vivent la même chose que moi. On peut être victime de l’emprise dans une secte familiale, comme moi, mais aussi dans son couple ou son entreprise. Il ne faut pas forcément des études universitaires pour aider les autres à s’en sortir : un sourire peut parfois suffire…"  
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