Le gouvernement et le Medef veulent réformer les seuils sociaux, comme celui des 50 salariés, synonyme de "34 obligations supplémentaires" selon le patron d'Europa, une entreprise de Doullens (Somme), qui emploie 47 personnes et ne veut surtout pas en avoir quatre de plus.
Les négociations sur le dialogue social en entreprise se sont ouvertes jeudi 9 octobre. A la demande du ministère du Travial, les partenaires sociaux sont invités à s'entendre sur une "simplification" du dialogue social et une amélioration de la représentation des salariés dans les petites entreprises. Mais c'est la question des seuils sociaux qui est au coeur du débat.
Les seuils sociaux multiplient les obligations pour les entreprises en fonction du nombre de salariés. Au 11e salarié, une entreprise doit avoir un délégué du personnel, au 20e un règlement intérieur, au 50e un comité d'entreprise (CE) et un Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), et ainsi de suite.
François Rebsamen, ministre du Travail, avait provoqué un tollé en proposant une expérience : celle de "suspendre" les seuils sociaux pendant un temps, pour voir si cela pouvait aider à créer de l'emploi sans poser d'autres problèmes.
34 obligations supplémentaires. [...] C'est un couperet !
A Doullens dans la Somme, la société Europa emploie 47 personnes. Par le passé, il est arrivé que les effectifs grimpent à 51, dépassant un important seuil social. La direction n'a pas apprécié devoir créer un comité d'entreprise, mais pas seulement. Au total, dépasser les 50 salariés, c'était "34 obligations supplémentaires", témoigne Jean-Michel Charpentier, directeur général d'Europa. "C'est un couperet", selon le patron. Il dit vouloir au moins qu'on laisse "du temps" aux entreprises pour adapter leur administration à ces obligations. Mais aujourd'hui, l'entreprise est revenue à 47 salariés et tourne grâce aux intérimaires.
La logique du gouvernement et du Medef veut que des emplois seraient créés si ces seuils sociaux étaient "assouplis". Mais chez les salariés d'Europa, le débat se concentre plutôt sur la place que doivent occuper les syndicats dans l'entreprise. Il y a ceux qui demandent de "comprendre la direction" qui ne veut pas qu'on lui "mette des bâtons dans les roues" avec un comité d'établissement ou autre ; et il y en a d'autres qui se souviennent que, parfois, "ça aurait été bénéfique d'avoir un syndicat".
De la qualité du dialogue en entreprise
L'épineuse question des seuils sociaux n'a pas encore été abordée dans la négociation. En fait, les partenaires sociaux n'en ont pas fait leur priorité. Patronat et syndicats veulent plutôt affirmer leurs visions du dialogue social : direct entre salariés et patron, ou via un représentant syndical même dans une très petite entreprise.
"Jugeant "obsolète" le système actuel de dialogue social, Thibault Lanxade, membre de la direction du Medef - critiqué par les syndicats à la sortie de la première journée de négociation pour son manque d'expérience -, plaide pour un dialogue qui "privilégie le développement de l'entreprise" et "sans intermédiation", en particulier dans les PME. Il avance ainsi que, dans les entreprises de 10 salariés, "dans 70% des cas", il n'y a même pas de candidat pour être délégué du personnel.
A l'inverse, la CFDT - qui s'est dite "satisfaite" que la négociation n'ait pas démarré par la question des seuils sociaux - compte proposer une "possibilité de représentation" dans les petites entreprises. "Un salarié d'une petite entreprise pourrait représenter ses collègues dans une instance en dehors de l'entreprise (...) pour parler conditions de travail, formation, etc", a expliqué le numéro un de la CFDT Laurent Berger.
Cette réunion poussive n'est pas de bon augure, alors que le ministre du Travail, François Rebsamen, a laissé aux partenaires sociaux jusqu'à fin décembre et prévenu que faute d'accord, le gouvernement légiférerait, y compris sur les seuils.