Il s’appelle Stephan Przezdziecki. Depuis 10 ans, ce nordiste s’est fait un nom dans le vignoble d’Anjou, ou plutôt deux lettres : PZ. Histoire d’un ch’ti au pays du raisin.
Le monde du vin est devenu le sien très tardivement. Né dans le Pas-de-Calais, d’un père d’origine polonaise et d’une mère bretonne, Stephan Przezdziecki grandit près des terrils, les « petites montagnes » du bassin minier, loin des vignobles d’Anjou qui l’accueilleront bien plus tard. Quand vous lui demandez aujourd’hui quelle part de sa région natale se retrouve dans son vin, il vous répond en souriant : « Drôle de question ! Le côté Ch’ti dans mon vin, sa générosité sans doute ».
Attiré par la musique, le cinéma et la littérature, féru de concerts et de rock, son entourage le voit plutôt à l’époque à la tête d’un magasin de musique, ou peut-être derrière un bar, ses connaissances en matière « biérologique » s’affinant au fil des années…
Pendant ses études d’histoire à l’Université de Villeneuve d’Ascq, près de Lille dans le Nord, il travaille en parallèle chez un caviste de Lille. Là, il va faire ses gammes, au milieu des grands crus de Bordeaux et autres millésimes de Bourgogne. En quelques années, il prendra de plus en plus de responsabilité jusqu'à devenir responsable de cave, « le patron », un poste qu’il va occuper quelques années avant de faire…le grand saut.
Apprendre le métier
Papa de deux jeunes enfants, Stephan décide de repartir à zéro. A trente et quelques années, il part loin de la région lilloise et de sa petite famille, pour aller suivre, à Vallet dans le Muscadet, une formation de 18 mois pour décrocher un BTS viticulture et oenologie. La suite s’écrira du côté de l’Anjou. Toute la famille déménage. Direction Saint Lambert-du-Lattay, à une trentaine de kilomètres d’Angers, sur les terres du Layon. « Après ma formation, je me suis dis que je m'y mettrais un jour ou l'autre, mais je pensais travailler d'abord chez d'autres vignerons, pour voir ». Mais tout va vite s’accélérer.
Son rêve de devenir vigneron devient tout doucement réalité, à force de travail et de patience. Sa semaine se partage entre la famille, son emploi d’ouvrier agricole chez un viticulteur très réputé en Anjou (et ailleurs) et ses parcelles. « Démarrer en 2005, c'était un peu une opportunité à saisir, et surtout un challenge, t’as pas le choix en fait, tu as pris un carré de chenin (cf le nom du cépage), alors faut y aller. Mais tu te sens vraiment vigneron quand tu as fait du vin, quand tu as passé ton année à bosser et qu'à la fin tu sors tes premières bouteilles ».
Les premières vendanges
Avec deux parcelles de chenin pour les vins blancs, secs, pétillants et moelleux, 34 ares pour les Hauts-Sauvins, 1 hectare pour les Bonnes Blanches, une parcelle de Gamay, une autre de Cabernet (plantée en 1968) pour les vins rouges et rosés, les journées sont bien souvent courtes et les week-ends bien remplis. « Le plus difficile ? Trouver du temps disponible sachant qu'il y a le boulot comme ouvrier agricole, la contrainte climatique, il faut donc rogner sur la vie de famille. Parce que quand faut y aller, faut y aller… ».
Le premier bébé sortira de la terre du domaine PZ en 2005. 4000 bouteilles. Un vin blanc baptisé « Bout de Chenin ». Une réussite selon certains spécialistes. Dès la première année. « Mon meilleur souvenir ? C’est en 2005, quand tu rentres dans ta cave et que le jus que tu as mis en barriques commence à fermenter, et que tu entends ce bruit de fermentation. »
Une petite musique qui va tout doucement imposer ses notes dans le cépage angevin. Non sans questionnement, non sans stress. Entre les crédits qu’il faut rembourser aux banques et la météo qui parfois peut jouer de vilains tours, les nuits du vigneron sont parfois agitées. « Le plus stressant, ce sont les vins qui fermentent lentement ou s'arrêtent un temps de fermenter, sachant que je mets peu de soufre, il y a toujours le risque que le vin parte en sucette ».
Au purin d’ortie…
Les vins du domaine PZ sont travaillés en agriculture biologique : travail au sol, charrue, pioche. Pas de produit chimique de synthèse pour les traitements, seulement de la bouillie bordelaise (souffre et cuivre), du purin d’ortie, de prêle et de consoude. Alors vin naturel ou pas ? « On ne parle pas de naturel, légalement cela ne veut rien dire. Pourquoi mettre des levures alors qu'il y en a sur le raisin ? Surtout, c'est à la dégustation qu'on s'y retrouve. La plupart des vins élaborés par des vignerons conventionnels ne sont que des clones. Les vins dits naturels ont plus de caractère, reflètent plus le terroir et la patte du vigneron, des vins qui ont goût de raisin c'est quand même mieux non ? Je pratique l’élevage en barriques bourguignonnes qui ont eu quelques passages de vins, pas de recherche de boisé, rester sur le fruit. »
Depuis 2005, les millésimes s’enchaînent. Une histoire de vigneron, une histoire de famille qui dure depuis 10 ans.
10 ans déjà…
Cette année, le vigneron nordiste néo-angevin (vous pouvez le contacter par mail) vient de réaliser ses dixièmes vendanges. Des vendanges qui sont toujours l’occasion de se retrouver en famille, entre amis. Aujourd’hui la famille Przdzeziecki agrandie en 2007 d’une petite Julia, vient, il y a quelques semaines, de fêter cet anniversaire. 10 ans d’un parcours d’un vrai gars du nord qui poursuit son bonhomme de chemin, ou plutôt de « Chenin » au pays des vignes d’Anjou.
« J'aime bien deux moments pour les vinifications, le départ en fermentation, et quand on sait quand elle est terminée. Entre deux, c'est de voir la progression et surveiller que tout se passe bien, et là c'est sujet à questionnement ». Le raisin récolté fin septembre commence son long travail de fermentation dans les barriques du domaine. Dans son chai, on imagine le vigneron, seul face à ses questions, et à son plaisir de faire le métier qu’il aime.